La chronique de Myret Zaki
Pourquoi Swatch Group et d’autres fleurons ne font plus rêver

La prime à l’innovation technologique, phénoménale, a récompensé les disrupteurs comme Logitech, Apple ou les cryptomonnaies, et relégué au rang de vieilles gloires Swatch, Credit Suisse ou BASF.
Publié: 19.07.2021 à 15:04 heures
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Dernière mise à jour: 11.02.2022 à 09:03 heures
Myret Zaki

Dès cet automne, Swatch Group ne fera plus partie du gratin de la bourse suisse, réuni au sein de l’indice SMI (Swiss Market Index). Tout un symbole. L’entreprise aux 18 marques, qui détient Swatch, Omega, Longines, Tissot, Blancpain ou Calvin Klein, ne fait plus rêver. N’ayant pas créé de valeur boursière ces 10 dernières années, elle fera désormais partie de la cote secondaire. Avec une capitalisation d’à peine 16 milliards de francs, à une époque ou des Apple et des Amazon pèsent chacune près de 2000 milliards ou plus, le groupe biennois ne peut même plus régater avec le lausannois Logitech, qui frôle les 20 milliards et va le supplanter dans l’indice helvétique. On pourrait rétorquer comme Nick Hayek, patron de Swatch Group, que «la bourse ne reflète de toute manière pas la vraie valeur d’une entreprise».

Cours de l’action Swatch Group à la bourse suisse, en CHF.
Photo: Myret Zaki

La bourse n’a pas toujours raison, loin s’en faut, et l’idée n’est pas d’acquiescer aux caprices du marché. Mais ce qui s’est joué ces dernières années est plus sérieux. On a assisté à une véritable redistribution des cartes, à une réinitialisation de ce qui fait la valeur économique. Tout ce qui a été innovant, disrupteur, en pointe technologique, a connu une appréciation fulgurante en bourse, reléguant les autres industries aux arrières-postes. Les fleurons d’hier sont devenus les anciennes gloires d’aujourd’hui. Nombre d’entre eux ont subi une décote historique.

De la Swatch à quartz à l’Apple Watch

Swatch Group, qui a longtemps incarné des innovations majeures, incluant le lancement de la Swatch à quartz par sa filiale ETA en 1982, n’est plus le protagoniste qui fait la course en tête en 2021. Le groupe basé à Bienne a, ces dernières années, négligé la piste technologique, en particulier celle des montres connectées, sans pour autant faire partie des leaders du luxe. Or ce sont ces deux secteurs que les investisseurs ont préférés: technologie et luxe. Dès 2015, Apple, le géant californien, a pris de vitesse Swatch Group en créant la première montre connectée. Aujourd’hui, la valeur boursière du mastodonte technologique représente… 151 fois celle de Swatch Group. Premier entrant sur le marché avec l’Apple Watch, Apple avait déjà vendu en 2019 plus de montres connectées que tout le volume des montres suisses écoulées cette même année. C’est simple, Apple a ratiboisé le marché des montres suisses à quartz aux prix inférieurs à 500 francs et même en partie ceux en dessous de 1200 francs.

L’industrie traditionnelle qui fait comme avant ou se contente d’innovations incrémentales ne fait plus recette. General Electric, le monstre historique des appareils électroménagers et de l’énergie, coté à la bourse américaine depuis 125 ans, vaut 21 fois moins qu’Apple, coté un siècle plus tard. Le plus grand groupe chimique du monde et gloire allemande du siècle passé, BASF, vaut bientôt la moitié de Snapchat. Dans la finance, idem. Credit Suisse, qui a incarné l’âge d’or du trading et la virtuosité de la banque d’investissement dans les années 1990, n’a fait que se déprécier en bourse depuis 10 ans, tandis que les fintech et les cryptomonnaies ont explosé. Avec sa valorisation de 24 milliards, la deuxième banque suisse vaut moins que Dogecoin, la cryptomonnaie bidon créée en 2013 pour faire un gag entre amis, qui vaut 28 milliards aujourd’hui.

Les groupes de luxe ont également fait mieux que Swatch

Doublée par le bas, Swatch a aussi été doublée par le haut, avec les groupes de luxe. Le fabricant biennois a enregistré en 2020 la première perte nette de son histoire, après avoir peiné à générer de la croissance depuis une dizaine d’années. Les autres grands acteurs du luxe comme LVMH (Louis Vuitton, Dior, Givenchy, Guerlain, etc.) et Richemont (Cartier, Van Cleef & Arpels, Baume & Mercier, Ralph Lauren, etc.) ont mieux fait ces dernières années en termes de profits et de gains boursiers. Si tout le monde a été touché de plein fouet par les fermetures de magasins et l’arrêt du tourisme lors de la pandémie, ces concurrents de Swatch, qui sont des pure players du luxe, ont très vite rebondi en termes de résultats, prisés par la clientèle ultrafortunée d’Asie, des Etats-Unis et d’Europe. Chez Swatch Group, la marque phare Omega, montre de 007 et partenaire des Jeux Olympiques, a certes connu une année 2020 difficile mais devrait néanmoins rebondir rapidement car elle connaît toujours de gros succès en Chine et dans les ventes en ligne dans le reste du monde.

Reste que le fait d’être évincé d’un gros indice n’arrive pas par accident. Le titre de Swatch Group était moins demandé en bourse depuis des années, faisant moins bien que son rival suisse Richemont sur 5 ans et sur 10 ans. Conséquence de la sortie du SMI, Swatch aura plus de difficulté à attirer les capitaux internationaux. Toute entreprise cotée en Bourse cherche des investisseurs qui croient en ses actions autant qu’ils se passionnent pour ses marques. Mais les thèmes qui ont connu le plus de traction ont sans aucun doute été la technologie et le luxe; et Swatch Group aurait gagné à s’y positionner comme leader de façon plus décisive.

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