Les médias internationaux ont évidemment eu raison de saluer l’héroïsme de Gisèle Pelicot. Victime de viols en série à l’instigation de son ex-époux, condamné jeudi 19 décembre à la peine maximale de vingt ans de réclusion, cette septuagénaire au visage doux incarne aujourd’hui le combat de toutes les femmes qui demandent justice après un crime sexuel.
Sa décision de ne pas demander le huis clos, lors de l’ouverture de ce procès-fleuve le 2 septembre, restera dans les mémoires. Son courage devant les vidéos la montrant humiliée, pénétrée, violée par des inconnus dans son sommeil est d’ores et déjà une référence, alors que tant de femmes se murent dans le silence.
La première leçon du procès qui vient de s’achever au Tribunal d’Avignon doit néanmoins d’abord être judiciaire. Il faut lire le jugement. Il faut avoir en tête le portrait des 51 accusés (dont cinquante présents), tous condamnés à des peines de prison même si celles-ci ont souvent été inférieures à celles exigées par l’accusation dans son réquisitoire.
Police et justice accusées
En France où la police et la justice sont souvent mises en cause pour trop fermer les yeux devant les agressions sexuelles, ces quatre mois d’audience et d’interrogatoires resteront dans les annales comme la preuve que le pays n’est ni sourd, ni aveugle. Il fallait un moment comme celui-ci pour dire que les femmes françaises ont le droit pour elles, et qu’elles ne doivent jamais hésiter à déposer plainte contre leurs agresseurs. Même si celui-ci, comme dans le cas de Gisèle Pelicot, est l’homme qu’elles ont aimé pendant des décennies, et le père de leurs enfants.
La seconde leçon de ce jugement, judiciaire elle aussi, est d’avoir reconnu comme indispensable, contre toutes les émotions ambiantes, le droit des accusés à être défendu. Tous, y compris Dominique Pelicot, ont eu le temps de s’expliquer et de tenter de démontrer qu’ils ne peuvent pas être réduits à leur perversion, à leur addiction à la pornographie violente, et à leurs actes inqualifiables commis contre une femme inconsciente. L’avocate du principal accusé, Me Béatrice Zavarro, a de ce point de vue joué un rôle essentiel. Elle a tenu bon face aux quolibets. Elle aussi est l’héroïne du Tribunal d’Avignon.
Redire merci à Gisèle Pelicot
Un procès, aussi emblématique soit-il, ne doit pas être réduit à un spectacle. La vie et le destin d’hommes et de femmes s’est joué en direct, avec pour seule référence la loi et le droit. C’est cela qu’il faut saluer. La justice est, toujours, la meilleure des réponses aux déviances de nos sociétés. Gisèle Pelicot a voulu que son calvaire soit jugé. C’est fait. Pour cela surtout, il faut lui redire un immense «Merci».