Jugement à Avignon
Ce qu'il faut absolument savoir sur le verdict des violeurs de Mazan

Journée historique au tribunal judiciaire d'Avignon: la cinquantaine d'accusés dans l'affaire des viols de Mazan se retrouvent pour la dernière fois face à Gisèle Pelicot. Une femme, une victime, devenue un symbole dans le monde entier.
Publié: 19.12.2024 à 09:55 heures
|
Dernière mise à jour: 20.12.2024 à 07:22 heures
1/5
Gisèle Pélicot, 72, est désormais célébrée dans le monde entier comme la femme qui a dit «non», osant affronter en public son mari violeur
Photo: AFP
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Un jugement historique. Le mot n’est pas exagéré. Il correspond bien à la réalité qui se déroule, ce jeudi 19 décembre depuis l’aube, au Tribunal judiciaire d’Avignon. 51 accusés de viols, tous des hommes de 27 à 74 ans, connaîtront dans la matinée leur peine. Celui vers qui tous les regards se tourneront sera évidemment Dominique Pelicot, 72, le commanditaire des centaines de viols commis sur son ex-épouse Gisèle, qu’il avait préalablement drogué. Il a été reconnu coupable de tous les chefs d'accusation. Voici ce qu’il faut absolument retenir de cette affaire hors normes, devenue emblématique dans le monde entier. Près de deux cent journalistes assistent à ce verdict, dont une centaine envoyés à Avignon par des médias étrangers.

La révolte d’une femme

Nous sommes le 2 septembre 2024. Le procès des viols de Mazan, du nom de la commune du Vaucluse où vivaient les époux Pelicot, s’ouvre au Tribunal d’Avignon. A ce moment, la quinzaine de journalistes présents dans la salle d’audience s’attendent à ce que le huis clos soit prononcé. L’affaire est trop douloureuse, avec ces dizaines de vidéos de viols disponibles, pour être instruite face au public. Mais Gisèle Pelicot refuse. La septuagénaire veut que «la peur change de camp». C’est l’heure de sa révolte, après avoir été soumise par son mari pervers. L’une des procès les plus médiatisés de l’histoire peut commencer.

L’homme qui a tout révélé

Le héros de l’affaire Pelicot est un policier de la «base». Son nom? Laurent Perret. Il est celui qui, le 12 septembre 2020, surprend un retraité en train de filmer sous les jupes des clientes d’un hypermarché de Carpentras, après avoir été alerté par des vigiles. Il l’interpelle et le conduit au commissariat. Il doit extraire les vidéos du téléphone portable de Dominique Pelicot, le voyeur en question. Le déclic qui fait basculer l’affaire est une icône bleue sur l’écran du portable: il s’agit de l’application téléphonique Skype. Le policier imagine aussitôt que le suspect communiquait avec d’autres personnes. Il ouvre l’application et une liste de noms apparaît. C’est le début de l’affaire Pélicot qui conduira la justice à ouvrir des poursuites contre 51 accusés, dont 49 sont présents à Avignon ce 19 décembre pour savoir s’ils seront condamnés à des peines allant de 4 à 20 ans de prison (pour Dominique Pélicot).

La fille qui accuse

Caroline Darian est la fille de Gisèle et Dominique Pelicot. Elle est arrivée très tôt au Tribunal ce 19 décembre, escortée par son frère aîné, mais séparément de sa mère avec laquelle les relations ont été très tendues au fil des audiences. Et pour cause: Cette quadragénaire accuse son père de l’avoir également violé à son insu, après l’avoir drogué, ce que celui-ci a nié à plusieurs reprises malgré la découverte de photos compromettantes sur son ordinateur. La réalité est que Caroline Darian, qui a écrit un livre «Et j’ai cessé de t’appeler Papa» (Ed. Harper Collins) estime que sa mère n’a jamais vraiment réussi à rompre avec celui qui la violait. Ses deux parents ont divorcé (leur séparation a été légalement prononcée durant le procès), mais l’emprise de Dominique Pelicot sur Gisèle demeure, selon elle.

Le violeur hors normes

Dominique Pelicot n’a pas cherché à se défendre ou, en tout cas, à clamer une quelconque innocence. Il vient d'être reconnu coupable de tous les chefs d'accusation et condamné à la peine maximale de vingt ans de prison. Logique, au vu des preuves accablantes recueillies par les enquêteurs et à écouter les témoignages de la cinquantaine d’hommes présents au tribunal (une vingtaine d’autres, visibles sur les images, n’ont pas pu être identifiés ou trouvés). C’est donc un violeur en série face à sa famille que le public a pu découvrir pendant ces mois de procès. Sa décision de tout assumer doit largement au fait que son avocate, Béatrice Zavarro, lui a indiqué la nécessité de tout avouer, et de faire face à la vérité. Personne ne doute du jugement: Dominique Pelicot, interpellé en 2020 après avoir pendant des années endormi sa femme avec des cachets de Temesta, sera condamné à la peine maximale, soit vingt ans de réclusion. Le «papy voyeur» s’est transformé en «plus grand prédateur sexuel de la décennie».

Un pays et sa misère sexuelle

Ce procès aura été aussi celui d’une certaine France masculine. Une France où des hommes de tous âges, aux antécédents sexuels souvent lourds (violences conjugales, viols durant l’enfance, addiction à la pornographie violente) ont abusé d’une femme endormie, sous sédatifs, présentée comme consentante par son mari qu’ils ont presque tous décrits comme manipulateur. Une vingtaine d’accusés, sur les 51 convoqués au Tribunal d’Avignon, sont arrivés libres car la justice ne les a pas placés en garde à vue. Tous ou presque ont toutefois apporté un sac de vêtements car ils risquent tous une peine de prison ferme et une incarcération immédiate. C’est aussi le procès de la misère sexuelle masculine et du mépris de ce type d'hommes pour les femmes. La France, après le procès d’Avignon, devra regarder cette triste réalité en face.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la