Après trois mois et demi d'audiences, les 51 hommes jugés au procès des viols de Mazan ont une dernière occasion de s'exprimer, lundi matin. Puis la cour criminelle de Vaucluse se retirera pour délibérer, pour un verdict très attendu, a priori jeudi.
A partir de 09h, ces hommes âgés de 27 à 74 ans auront chacun la possibilité de prendre la parole, une dernière fois, pour s'expliquer sur les violences sexuelles infligées à Gisèle Pelicot, pendant dix ans, à son domicile conjugal de Mazan (Vaucluse), de 2011 à 2020.
Dominique Pelicot demande pardon
Le premier à parler est Dominique Pelicot, 72 ans, son désormais ex-époux, celui qui l'a droguée aux anxiolytiques pour la violer et la livrer à des dizaines d'inconnus qu'il recrutait sur internet.
L'accusé principal du procès des viols de Mazan, a prié lundi sa famille «d'accepter ses excuses», tout en saluant le «courage» de son ex-femme, Gisèle, qu'il avait droguée pendant une décennie pour la violer et la livrer à des dizaines d'hommes recrutés sur internet. «Je voudrais commencer par saluer le courage de mon ex-femme», a déclaré le septuagénaire devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon: «Je regrette ce que j'ai fait, faire souffrir (ma famille) depuis 4 ans (la date de la révélation des faits, NDLR), je leur demande pardon», a-t-il poursuivi, dans sa dernière prise de parole avant le verdict attendu jeudi de ce procès emblématique des violences sexuelles.
Assis dans le box vitré où il comparaît aux côtés des 17 autres accusés détenus, sur 51 au total, il a réaffirmé avoir dit «la vérité totale» depuis le début de ce procès commencé le 2 septembre à Avignon. Il a aussi eu un mot pour son avocate, Me Béatrice Zavarro, qui lui a permis de ne pas «lâcher la rampe». Dans le cas contraire, «ça aurait été une preuve de lâcheté vis-à-vis des miens et une facilité pour les accusés de leur donner raison. Donc j'ai tenu».
«On m'a affublé de titres, j'ai plutôt l'intention de me faire oublier», a-t-il prévenu, estimant avoir «une honte intérieure»: «J'ai une carapace que je me suis créée, sinon on meurt en prison», a poursuivi celui qui a été décrit par plusieurs avocats des coaccusés comme «l'ogre de Mazan», un «loup» qui aurait piégé leurs clients en leur faisant croire au scénario d'un couple libertin où l'épouse ferait semblant de dormir.
Il a expliqué que «la privation de ne plus voir les siens est pire que la privation de liberté»: «Je peux dire à toute ma famille que je les aime. Voilà, vous avez le reste de ma vie entre vos mains», a-t-il conclu en direction des cinq magistrats professionnels de la cour.
Autres discours attendus
Puis, les accusés se succéderont dans l'ordre auquel leurs cas avaient été étudiés par la cour, avec d'abord Jean-Pierre M., 63 ans, le seul à ne pas être poursuivi pour des faits sur Gisèle Pelicot mais pour avoir reproduit le même procédé de soumission chimique, en compagnie de Dominique Pelicot, sur sa propre épouse.
Ces prises de parole, à la barre du tribunal d'Avignon pour les 32 accusés comparaissant libres ou depuis leur box pour les 18 accusés détenus (NDLR: le 51e, en fuite, est jugé in absentia), se feront dans des conditions strictement définies.
«Ce moment doit pouvoir permettre à chaque accusé d'ajouter éventuellement un mot. Il ne s’agit pas de répéter ce qui a pu être plaidé par les avocats ces derniers jours. Il est évident que ce qui a déjà été dit serait répétitif et je pourrais dans ce cas couper l'intervention», avait prévenu jeudi le président de la cour, Roger Arata.
«Message d'espoir» ou acquittements?
Dans son réquisitoire, les 25, 26 et 27 novembre, l'accusation avait requis la peine maximale possible, soit 20 ans de réclusion criminelle, contre Dominique Pelicot, le «chef d'orchestre» de cette décennie de viols sur son épouse. Puis les réquisitions s'étaient étalées de 10 à 18 ans de réclusion contre les 49 accusés poursuivis pour viols aggravés, quatre ans de prison étant demandés contre le dernier, seulement poursuivi pour «attouchements» sur Gisèle Pelicot.
La cour suivra-t-elle ces réquisitions, plus sévères que la moyenne générale des condamnations pour viols en France, qui était de 11,1 ans en 2022, selon le ministère de la Justice? Ou, à l'inverse, osera-t-elle suivre la trentaine de demandes d'acquittement formulées par les avocats de la défense, selon qui leurs clients ont été «manipulés» par le «monstre», le «loup» ou encore «l'ogre» Dominique Pelicot, et «n'avaient pas l'intention» de violer son ex-épouse?
Par sa décision, la cour enverra «un message d'espoir aux victimes de violences sexuelles», avait en tout cas espéré lors du réquisitoire Laure Chabaud, l'une des deux représentantes du ministère public à ce procès devenu également emblématique des questions de soumission chimique et de consentement.
Le verdict devrait tomber jeudi
Cette dernière semaine va clore une procédure hors norme, débutée le 2 septembre à Avignon, au puissant retentissement national et international. Une fois les dernières paroles des accusés exprimées, la cour se retirera pour délibérer, un processus «prévu pour durer trois jours», avait précisé M. Arata vendredi.
Les cinq magistrats professionnels de la cour criminelle donneront alors leur verdict, «en principe jeudi à 09h30», avait ajouté le magistrat: mais, «si jamais nous avions besoin de temps supplémentaire, nous pourrions décaler le prononcé du délibéré au jeudi après-midi ou au vendredi matin».