Joël Mesot, président de l'EPFZ
Les universités, ces lieux où se construit l'avenir

Chaque deux semaines, à travers sa chronique, un chercheur nous emmène dans les coulisses de la recherche suisse. Joël Mesot, le président de l’EPFZ, se penche sur les techniques innovantes telles que l'ARNm ou les tests PCR, créées dans les universités.
Publié: 15.07.2021 à 08:57 heures
Photo: Editing Lab
Joël Mesot

Après des mois de pandémie, des termes sibyllins tels que test PCR ou ARN messager nous sont familiers. Actuellement, environ 35% de la population suisse est entièrement vaccinée. Ce chiffre doit être nettement plus élevé si nous voulons endiguer le risque d’une nouvelle vague d’infection. Il a fallu moins d’une année à la science et à l’industrie pour mettre au point un vaccin très efficace contre le Covid-19. Une performance tout simplement remarquable.

Les recherches fondatrices de l'ARN messager

Deux sociétés de biotechnologie se démarquent clairement dans ce contexte: Moderna et BioNTech. Les deux sont issues de monde universitaire: les fondateurs de Moderna ont des liens avec l’université de Harvard et le MIT, ceux de BioNTech avec l’université de Mayence. Les deux sociétés développent leurs vaccins sur la base de l’ARN messager. Les ARN messagers sont des molécules qui, lorsqu’elles sont inoculées, transportent les plans de construction d’une protéine du pathogène jusque dans les cellules humaines. Notre système immunitaire peut alors l’identifier comme étranger et fabriquer des anticorps permettant de combattre le virus.

Pour leur technologie d’ARN messager, les deux entreprises s’appuient sur les recherches menées par la biochimiste Katalin Kariko et l’immunologue Drew Weissmann à l’université de Pennsylvanie au début des années 1990. Avant de pouvoir apporter la preuve expérimentale de leur théorie dans les organismes vivants, les deux scientifiques ont dû franchir bien des obstacles. Kariko a reçu peu de fonds pour ses recherches. Très persévérante, elle n’a jamais abandonné. Aujourd’hui, la scientifique d’origine hongroise est pressentie pour le prochain prix Nobel.

Le Dr. Katalin Kariko.
Photo: Matthew McDermott/Polaris

Les origines du test PCR

Pour le diagnostic du Covid-19, nous avons recours aux tests PCR, une référence absolue pour l’analyse du patrimoine génétique. Le test est basé sur la réaction en chaîne par polymérase, dans laquelle le matériel génétique du virus est amplifié. Pour la petite histoire, on pourrait dire que le test PCR est né dans les «hot springs» du parc national de Yellowstone. Dans les années 1960, le microbiologiste Thomas Brock était à la recherche d’organismes capables de survivre même dans les sources thermales chaudes. Il a donné le nom de Thermus aquaticus à une bactérie particulièrement résistante. Une enzyme isolée de cette bactérie permet aujourd’hui de copier le patrimoine génétique dans le test PCR. Le test lui-même a été mis au point dans les années 1980 et a valu un prix Nobel à ses inventeurs, les scientifiques Kary Mullis et Michael Smith.

Il peut s’écouler beaucoup de temps avant que les résultats de la recherche ne soient mis en application. Et le chemin à parcourir est risqué. Mais comme l’atteste l’histoire de l’ARN messager et du test PCR, les progrès en médecine et en diagnostic commencent souvent par la persévérance d’esprits brillants. Les universités sont des lieux privilégiés pour donner à ces personnes l’espace nécessaire pour réussir. Et c’est bien là que se construit notre avenir.


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