La plus terrible leçon des législatives du mercredi 22 novembre aux Pays-Bas n’est peut-être pas la victoire du flamboyant Geert Wilders, leader peroxydé du parti de la Liberté (PVV, Extrême droite). Le fait que celui-ci, comme le prédisaient les sondages, obtiennent 37 sièges sur 150 dans un pays ébranlé par la montée de la criminalité, déstabilisé par les mesures écologiques coercitives imposées aux paysans, et travaillé au corps par le rejet de l’immigration massive, n’a, au fond, rien de surprenant.
Le résultat le plus emblématique de ce scrutin est la défaite cinglante de l’alliance entre les travaillistes et les Verts, conduite par l’ancien vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans. Avec 26 sièges, soit loin derrière le parti de Wilders, cette plate-forme sociale-démocrate écologiste n’a en rien profité du charisme et de l’expérience de sa tête de liste.
Timmermans, 62 ans, a pourtant des arguments. Chargé du «Green Deal» à la Commission jusqu’à ces derniers mois, l’homme était le «Monsieur Climat» de l’Europe depuis 2019. Problème: cette Europe-là angoisse. Elle ne produit que de nouvelles régulations. Et elle n’arrive même pas à convaincre les jeunes croisés de la cause climatique, car ceux-ci rêvent de rupture radicale plus que de réformes.
La question de l’immigration
Ajoutez à cela la question de l’immigration, sur laquelle le Premier ministre libéral sortant Mark Rutte a démissionné en juillet faute de majorité parlementaire ou la fatigue engendrée dans l’opinion publique par la guerre en Ukraine, et vous retrouvez dans les urnes néerlandaises à peu près le résultat des récentes législatives en Suisse.
Comme l’UDC, Geert Wilders s’en prend de longue date à l’islam qu’il accuse de déstabiliser les Pays-Bas, d’une part par le prosélytisme religieux et d’autre part via la mafia marocaine du trafic de drogue. Comme l’UDC qui mena campagne avec succès pour l’interdiction des minarets, Wilders veut stopper la construction de lieux de prières musulmans. Comme l’UDC, qui vient de se faire plaisir avec l’invitation à Zurich du premier ministre Viktor Orbán par la Weltwoche, Wilders veut une «Europe à la carte», qu’il envisage en organisant un référendum (encore très flou) sur la sortie possible de l’Union pour son pays.
Attention danger?
Attention danger? Tous aux abris? Faut-il s’attendre, aux élections européennes de juin 2024, à une irrésistible poussée nationale-populiste? Pas si vite. L’important est surtout d’ouvrir les yeux. Les Néerlandais sont réputés pragmatiques. Ils sont classés parmi les «pays frugaux» car ils refusent de dépenser sans compter pour Bruxelles.
Et bien, que la Commission européenne en tire les conséquences! Pourquoi ne pas se concentrer dans les six prochains mois sur trois objectifs seulement: la réforme (urgente) du droit d’asile, l’indispensable industrie de défense européenne, et l’instauration de la fameuse taxe carbone aux frontières de l’UE approuvée en avril.
Trois dossiers d’ici juin 2024
Trois dossiers! Lisibles. Compréhensibles par tous. L’exemple suisse le démontre depuis des décennies: des partis comme l’UDC, et des dirigeants comme Orban ou Wilders, seront toujours en embuscade pour tirer sur l’intégration européenne. Et ce, même s’ils en profitent éhontément, comme la Hongrie! L’essentiel est donc, pour leurs adversaires, de réagir au lieu de les courtiser comme l’a fait une partie de la droite helvétique et néerlandaise.
Les peuples, avec leurs différences, ne sont pas devenus antieuropéens. Ils ont juste besoin d’être convaincus que cette Europe-là sert leurs intérêts, qu'elle règle leurs problèmes et qu’elle est à leur service. Pas le contraire.