Commentaire de Michel Jeanneret
Les Vert-e-s doivent enfin entrer au Conseil fédéral

Le Conseil fédéral n’est plus apte à faire face aux défis actuels, estime Michel Jeanneret, rédacteur en chef de Blick en Suisse romande. Pour résoudre la crise qui mine notre système de santé et empoigner les enjeux environnementaux, il lui faut deux nouveaux membres.
Publié: 24.10.2023 à 17:01 heures
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Dernière mise à jour: 24.10.2023 à 17:04 heures
Pour résoudre la crise qui mine notre système de santé et empoigner les enjeux environnementaux, il lui faut deux nouveaux membres au Conseil fédéral, estime notre rédacteur en chef Michel Jeanneret.
Photo: keystone-sda.ch
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Michel JeanneretRédacteur en chef

Les Vert-e-s doivent entrer au Conseil fédéral. L’idée paraît saugrenue, alors que le parti écologiste vient de perdre cinq sièges à la Chambre du peuple et 3,8% des voix glanées en 2019. Dans la configuration actuelle, les Vert-e-s ne méritent bien évidemment pas un siège à l’Exécutif. Sauf si la classe politique avait la bonne idée de dépoussiérer une vielle idée: le passage du Conseil fédéral à neuf membres.

Pourquoi faudrait-il enfin renforcer notre gouvernement? Pour les raisons suivantes:

  • Pour régler la guerre stérile qui ne manquera pas de diviser le Parti libéral-radical (PLR) et Le Centre. Les centristes ayant désormais un siège de plus que les libéraux-radicaux au National et une avance de 0,2 point, ils auraient tort de ne pas revendiquer l’un des deux sièges que le PLR occupe au Conseil fédéral. Un élargissement à neuf sièges permettrait d’offrir un deuxième fauteuil gouvernemental au Centre, tout en ne faisant pas du PLR une victime. Même si une majorité de l’électorat souhaite que le PLR lâche un de ses deux conseillers fédéraux, cette conséquence du 22 octobre serait injuste, en regard du très faible avantage acquis dimanche par Le Centre et de coude-à-coude qui pourrait s’inscrire dans la durée.

  • Pour mieux représenter les sensibilités politiques. À l’heure actuelle, seuls 75,6% de la population — soit la force électorale des quatre partis gouvernementaux — est représentée au Conseil fédéral. Un huitième, mais surtout un neuvième siège, permettrait aux Vert-e-s d’entrer à l’Exécutif, ce qui ferait bondir sa représentativité à 92,2% si l’on inclut la force politique des Vert’libéraux qui visent le même but avec d’autres méthodes. Au pays qui a érigé le consensus en vertu absolue, l’argument a du poids.

  • Pour faire de l’écologie une vraie priorité à l’échelle de notre pays. Dans tous les sondages, l’avenir de notre planète arrive sur le podium des préoccupations citoyennes et l’environnement figure dans tous les programmes partisans. En 2023, il est incompréhensible qu’un pays démocratique et responsable ne dispose pas d’un Département de l’environnement (ou mieux, de la nature) pour proposer des mesures de préservation concrètes de ce patrimoine vital.

  • Pour pouvoir être efficace. On ne cesse de répéter — à raison — que les Départements fédéraux de l’intérieur (DFI) et de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) sont des départements mammouths. Il est temps de s’atteler concrètement (et exclusivement) à la baisse du pouvoir d’achat — qui dépend en bonne partie de mesures à prendre à l’échelle suisse, sans ancrage dans le contexte international. Il est temps qu’un Département de la Santé (sous tous ses aspects, notamment préventifs) voie le jour pour empoigner un peu sérieusement ce problème qui renforce les inégalités et menace notre paix sociale.

L’idée d’un élargissement du Conseil fédéral a plus de 120 ans. En 1900, le peuple rejetait à 65% la proposition d’un passage à neuf conseillers fédéraux (inutile de féminiser la fonction dans le contexte de l’époque) qui auraient été élus par le peuple. Rebelote en 1942, avec une majorité encore plus claire de 67,6%.

On va y venir, autant y aller tout de suite

Les Chambres fédérales ont directement balayé cette idée à deux reprises, en 2004 et 2012 et toute velléité ultérieure n’aura débouché que sur des passes d’armes politiques sans action concrète. À l’exception d’une initiative parlementaire de la libérale-radicale Isabelle Moret, intitulée «Représentation équitable des communautés linguistiques au Conseil fédéral avec neuf membres», rejetée, elle aussi, par 97 voix contre 88 en 2016.

Devant tant de refus, pourquoi ressusciter cette vieille mélodie? Parce que le peuple ne s’est plus prononcé depuis plus de 70 ans et que ça finira comme la caisse unique: on l’aura balayée plusieurs fois, mais on va finir par y passer.

Autant élargir notre Conseil fédéral le plus vite possible. Faire évoluer nos institutions en fonction de la transformation du monde, c’est une question de bon sens. Et c’est protéger notre prospérité.

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