Ce qui devait arriver arriva. À force de tremper ses gros doigts dans le pot de confiture, la Ville de Lausanne a fini par se faire prendre en flag'. Grâce aux lampes torches de nos confrères de la RTS, lumière a été faite sur une pratique ahurissante, venant de la part d'un gouvernement à majorité rose-verte.
D'une main (moite et collante), le chef-lieu vaudois, à l'instar de plusieurs autres collectivités publiques, a emprunté 40 millions de francs à la FIFA l'an dernier. De l'autre, il a refusé au petit peuple l'installation d'une fan-zone lors de la Coupe du monde au Qatar. La raison alors invoquée? La Municipalité «est attachée au respect des droits humains, y compris dans le sport». Vous voyez l'ampleur de la fumisterie?
Ce double discours a fait sauter des plombages au sein de l'organe délibérant de la quatrième ville suisse, ce mardi soir. Fait suffisamment rare pour être relevé: toutes les formations politiques ont soutenu une même interpellation urgente, en l'occurrence déposée par la vert'libérale Virginie Cavalli.
Diaboliser puis profiter
Cette conseillère communale bien inspirée a d'abord souligné que l'Exécutif a tiré profit des prêts avantageux de la FIFA, «en faisant fi de toute considération éthique». La Lausannoise a ensuite enfoncé le clou: «On ne peut pas diaboliser d'un côté une institution et ensuite profiter des conditions de prêt alléchantes qu'elle offre.»
Des baffes, enrobées de bon sens, envoyées avec suffisamment d'élan pour faire trembler la municipale socialiste Florence Germond? Jugez plutôt l'attitude de la responsable de la caisse communale et donc de ces emprunts à la FIFA! Face aux critiques, l'édile du parti à la rose a commencé par dévoiler la liste des entités auprès desquelles la Ville emprunte à court terme pour ses besoins en liquidités.
Avant de jeter un nuage de poudre de perlimpinpin, qui fera se tordre de rire les plus cyniques. «Chacun jugera si ces entités sont problématiques ou pas, mais dans le système financier actuel, nous sommes démunis pour changer les règles du jeu», a-t-elle osé lancer, selon «24 heures». En clair: circulez, il n'y a rien à voir!
Lausanne doit assumer ses torts
Ainsi, pour Florence Germond, si son collège a un double discours, c'est la faute du capitalisme. Si la majorité rose-verte agite son doigt professoral tout en se cachant comme le plus sournois des cancres, c'est la faute de la finance. Si la Municipalité de gauche écope sur ce coup du carton rouge de l'incohérence, c'est la faute de l'ordre établi.
Avec une défense pareille, on comprend mieux pourquoi l'élue a refusé de venir s'expliquer sur le plateau du «19h30». Lorsque l'on joue à l'extérieur, le public tolère moins facilement les dégagements malhonnêtes. Enchaîner les feintes dans ces conditions est aussi plus dangereux… Si l'on persévère trop longtemps dans sa fuite en avant, on risque de se tordre la cheville face à cette question fondamentale: à quoi bon voter pour la gauche si celle-ci est pieds et poings liés, comme le suggère Florence Germond, l'une de ses figures de proue romandes?
La morale de l'histoire, comme l'écrit avec délice sur Twitter un certain Blaise Petitpierre? Arrêter... de faire la morale. D'autant plus quand on se trouve à l'origine dans une situation bancale. Nul n'ignore les liens entre la capitale olympique et le CIO. Ou avec le Qatar, qui apprécie investir au bord du Léman sans que cela fasse frétiller un sourcil. Sans oublier Ineos, géant de la pétrochimie, qui a fait du club de foot local l'une de ses vitrines.
Fermer les yeux sur ces faits et en même temps se draper dans une posture de donneuse de leçons sur des choses aussi anecdotiques qu'une fan-zone revient à s'acheter une conscience politique à bon prix. Comme cette majorité de gauche à la tête de la Ville de Lausanne, qui ferait mieux d'assumer ses actes et d'arrêter de faire porter le poids de sa confusion morale à sa population. Ou, alors, de véritablement faire le ménage là où elle le peut. Malgré le capitalisme, malgré la finance et malgré l'ordre établi.