C’est un nouveau scandale dont notre pays aurait pu se passer, mais après tout l’argent n’a pas d’odeur, pas même celle du sang, ni celle des tripes des enfants retournées sous le soleil après un bombardement.
La RTS a révélé que des entreprises suisses, souvent romandes, exportaient en toute quiétude du matériel militaire en direction d’Israël, facilitant ainsi les massacres de civils. Ces entreprises, qui portent des noms que la poésie romantique allemande n’aurait pas certes reniée (Constellium Valais, Alpes Laser, etc.), se murent dans le silence ou alignent les éléments de langage comme leurs clients les cadavres.
Les entreprises ne font pas de morale
On sait depuis longtemps à quoi s’attendre du côté des industriels, que l’on tente de rendre sympathiques, en les présentant comme de simples PME. Quand on ne les loue pas comme des fleurons de l’innovation et du savoir-faire suisse, nous fabriquons bien des montres, pourquoi ne pourrions-nous pas exceller aussi dans la fabrication non pas d’armes, voyons, qu’allez-vous penser, mais de matériel militaire non létal, enfin pas trop létal, bref vous nous avez compris.
Les industriels n’ont d’ailleurs pas à s’embarrasser de morale, moins encore d’éthique. Comme l’explique Philippe Cordonnier, de Swissmem: «C’est la responsabilité de l’entreprise de savoir si elle accepte ou non de vendre du matériel à des sociétés qui sont dans des pays en conflit. Nous n’avons pas à définir ce qu’une entreprise doit faire ou non.»
Au marché de décider! Liberté des entreprises! Car ces ventes ont lieu de la manière la plus légale qui soit, et avec la bénédiction du Conseil fédéral, des politiques qui s’opposent aux durcissements des lois sur l’exportation. L’essentiel, ce sont les affaires! Business is business.
Un soutien idéologique avant tout
Or, les milieux patronaux ne s’en tiennent pas à une neutralité débonnaire et intéressée. Leur soutien à l’armée israélienne n’est pas seulement une affaire de gros sous, mais d’idéologie, et cela remonte à bien avant l’attaque du 7 octobre.
Les partis qui défendent le plus avidement les ventes d’armes et de matériel militaire sont aussi ceux qui demandent que la Suisse cesse de financer l’agence onusienne d’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), qu’elle ne reconnaisse pas un État de Palestine et qui, de manière générale, continuent de qualifier de simple «riposte» ce que certains experts nomment de plus en plus fréquemment sinon un génocide, du moins des crimes importants contre l’humanité.
À une époque pas si lointaine, la Suisse pouvait passer pour une référence en matière de bons offices diplomatiques, portée par la confiance qu’elle inspirait. C’était avant que ne s’en mêlent les marchands de canons, les milieux patronaux, les partis bourgeois et Ignazio Cassis, dont l’impeccable sourire dissimule de plus en plus mal les errances sanglantes de la position suisse.