Nous célébrons aujourd’hui la Fête nationale, occasion de rendre hommage à cette poignée d’hommes réunis sur la prairie du Grütli, décidés à vivre libres, à déterminer eux-mêmes leur destin. La naissance du pays qui est le nôtre fut assez turbulente.
Il fallut se défendre contre les puissants qui voulaient réduire à néant l’expérience démocratique tentée au bord du Lac des Quatre-Cantons. Ayant pris conscience de leur valeur militaire au fil de leurs victoires, nos devanciers ont été tentés par l’aventure au-delà des frontières. Ils furent promptement ramenés chez eux, gagnant en sagesse ce qu’ils avaient perdu à Marignan.
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Savoir rester à la place qui est la nôtre
La Suisse ne serait pas un Etat colonial, elle resterait de taille modeste mais aurait un rôle à jouer dans les affaires du monde. La neutralité était née, elle nous a permis d’échapper aux grands conflits qui ont endeuillé le monde au siècle passé.
Contrairement à ce que d’aucuns imaginent aujourd’hui, la neutralité n’est pas la forme ultime de la lâcheté, bien au contraire. Il faut du courage pour jouer la partition que l’Histoire nous a confiée.
Certes, la musique suisse est souvent inaudible dans le fracas des canons qui vomissent la mort un peu partout sur la planète. Il faut cependant garder à l’esprit que la neutralité ne peut s’incarner que dans la discrétion. Il n’est pas question de jouer du tambour lorsqu’on cherche à favoriser l’issue d’un conflit, à soulager les populations victimes d’un sort funeste.
Savoir-faire ou faire savoir
Malheureusement, la discrétion est mal vécue dans un monde où il est important de briller. Les bons offices ne sont pas les amis de la publicité même si beaucoup cherchent à concilier les deux.
L’Histoire nous a permis d’acquérir un indéniable savoir-faire diplomatique mais aujourd’hui, les compétences s’effacent devant le faire savoir. Il faut se montrer, poser avec les puissants, bref, jouer à la grenouille qui se voyait plus grosse que le bœuf. C’est sans doute valorisant pour quelques-uns mais le tribut est très lourd.
Certes, ce n’est pas ici que le coût de notre bruyant tambourinage se fait sentir, c’est là où notre action n’est plus possible. Ce sont les populations à qui nous ne pouvons plus offrir notre aide qui souffrent du besoin de notoriété qui frappe certains.
Aider dans l’ombre ou palabrer en pleine lumière?
La neutralité suisse n’est pas un concept à géométrie variable. Il faut accepter l’ombre lorsqu’on travaille à résoudre les conflits. Il faut côtoyer des gens infréquentables lorsqu’on prétend réconcilier les belligérants, car faute de victoire militaire, les adversaires doivent bien se parler à un moment où un autre. C’est ainsi que nous accomplirons la mission qui est la nôtre.
Vouloir parader dans les cénacles les plus prestigieux, c’est renoncer à un héritage qui nous vaut la situation enviable qui est la nôtre aujourd’hui. Nous vivons dans un pays libre et en paix. A l’heure où la guerre frappe en Europe, c’est un privilège que beaucoup nous envient.
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Notre histoire, notre héritage
La chance qui est la nôtre nous oblige non seulement quant à notre rôle dans le monde mais aussi par rapport aux générations futures dont nous sommes en train de brader l’héritage. Notre neutralité est parfois inconfortable, souvent incomprise, voire attaquée.
Souvenons-nous avec Pascal que «les belles actions cachées sont les plus estimables». Gardons à l’esprit la mission qui est la nôtre et veillons à poursuivre notre travail envers les victimes du malheur. Notre destin est d’aider.
Vive la Suisse!