Chronique d'Ilias Panchard
Le retour du nucléaire? Même les imbéciles n’y croient pas!

Pour sa nouvelle chronique, le président de Sortir du Nucléaire et conseiller communal Vert lausannois Ilias Panchard revient sur l'offensive des pro-nucléaires ces dernières semaines.
Publié: 12.09.2024 à 13:57 heures
Ilias Panchard, président de Sortir du nucléaire
Photo: KEYSTONE

Le nucléaire revient sur le devant de la scène. La teneur du débat peut donner l’impression qu’à l’avenir la Suisse misera sur de nouvelles centrales nucléaires. Pourtant, en y regardant de plus près, une évidence s’impose: on assiste au chant du cygne des pro-nucléaires.

En effet, comme je le relevais récemment dans ma chronique Blick, l’énergie nucléaire ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Alors pourquoi diable les nucléocrates mettent autant d’énergie et dépensent des millions pour tenter de supprimer l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires?

Sauver les meubles

Le véritable objectif des pro-nucléaires n’est pas la construction de nouvelles centrales nucléaires. Aucune ne sera jamais construite en Suisse et tout le monde le sait parfaitement.

L’offensive des pro-nucléaires n’est qu’une tentative pour sauver les meubles et convaincre la population de la nécessité de revenir en arrière sur la fermeture des centrales actuelles. La tâche sera heureusement très difficile pour eux car le peuple veut en sortir définitivement, comme exprimé à plusieurs reprises dans les urnes.

Mais alors, quelles sont les visées réelles des pro-nucléaires? Premièrement, prolonger au maximum la durée de vie des centrales nucléaires vieillissantes et, deuxièmement, subventionner le nucléaire avec de l’argent public.

Vu le vieillissement avancé de la plupart de nos centrales nucléaires, le débat sur leur durée d’exploitation ne va pas tarder à reprendre de l’ampleur. Évoquer la possibilité de construire de nouvelles centrales leur permet d’élargir de sujet et de pouvoir par la suite faire une demande «raisonnable» de prolongation de quelques dizaines d’années d’exploitation. Cela alors que la Suisse abrite déjà Beznau, plus vieille centrale nucléaire en activité au monde.

Les pro-nucléaires sont vraiment prêts à tout

Sur le subventionnement, il n’est pas étonnant que des parlementaires de droite interviennent maintenant dans le débat pour demander un subventionnement public du nucléaire. 

La raison est pourtant simple: plus personne ne veut investir un seul centime dans le nucléaire. Malgré l’insistance des lobbys pro-nucléaires, aucun industriel suisse de l’énergie ne soutient une relance de l’atome. Bien au contraire. La dernière intervention critique en date est celle du directeur suisse d’Alpiq qui affirmait clairement sur les ondes de la matinale radio du service public que son groupe n’avait aucunement l’intention de construire une nouvelle centrale nucléaire.

Pour réussir ces objectifs cachés, les pro-nucléaires sont vraiment prêts à tout. Il suffit d’observer leur initiative pour le comprendre. Tout d’abord, elle ne fait aucunement mention du nucléaire dans son texte. De nombreuses personnes ont ainsi signé cette initiative sans savoir qu’elle prône un retour du nucléaire, induites en erreur dans la rue par des récolteurs rémunérés se gardant bien d’évoquer le but réel du projet. Voire leur faisant croire que le projet viserait à développer les énergies renouvelables (je l’ai vécu moi-même à Lausanne). Malgré leur attitude offensive et leur arrogance dans le débat public, les pro-nucléaires avancent donc masqués et n’hésitent pas à mentir à la population.

Des initiants malhonnêtes

Le deuxième exemple de la malhonnêteté des initiants, prêts à tout pour sauver le nucléaire de son agonie, concerne les signatures rémunérées. Ces chantres de l’économie libérale ont une certaine cohérence : ils n’ont en effet pas récolté dans la rue de façon bénévole et ont payé la quasi-totalité des paraphes, sans oser confronter leurs convictions. Une récente enquête du Tages Anzeiger montre que le comité d’initiative a commandé 80’000 signatures à une entreprise de récolteurs. Pour la modique somme de 7,5 francs la signature, soit un contrat à 600’000 francs!

Pour un thème aussi majeur, il devrait pourtant être simple de mobiliser des militant-e-s et des citoyen-ne-s pour battre le pavé et discuter avec nos concitoyen-ne-s pour les convaincre du bien-fondé d’un nouveau vote sur le sujet. Mais quand on a des millions à disposition, il suffit de passer commande pour réussir à déposer une initiative populaire. Puis d’investir encore plus de millions dans la campagne de votation.

Pour finir, en réponse au collègue chroniqueur Philippe Nantermod, disons-le franchement : aujourd’hui, seuls les imbéciles sont aujourd’hui convaincus qu’une nouvelle centrale nucléaire sera construite un jour en Suisse. À moins que toute cette offensive des pro-nucléaires ne soit qu’une stratégie pour contourner la volonté populaire, torpiller la transition énergétique et freiner l’inéluctable sortie du nucléaire…

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