Fils de fer barbelé, véhicules blindés et avions de combat F/A Super Hornet volant à basse altitude... Non, Lugano, chef-lieu du Tessin, ne se prépare pas à une invasion, mais plutôt à réparer celle qui fait actuellement rage sur le Vieux Continent.
Concernant l'Ukraine Recovery Conference, qui se tiendra les 4 et 5 juillet, au centre de congrès et à la Villa Ciani, les locaux sont divisés: «On se croirait un peu dans un film de James Bond», commente Susanna Plata face à Blick TV à propos des mesures de sécurité prises en préambule du sommet. «Beaucoup de fumée pour pas grand chose. Le président de la Confédération n'a rendu service à personne», déclare le marchand de légumes Massimo Mion, qui s'attend à voir arriver moins de clients en raison de cette grande manifestation. Silvia Keck, en revanche, estime qu'il s'agit d'«une bonne publicité».
Vers une «Déclaration de Lugano»
Le président de la Confédération Ignazio Cassis et le Premier ministre ukrainien Denys Schmyhal ouvriront la conférence ce lundi à 11h30. Après un discours du président Volodimir Zelensky en vidéo, les participants se répartiront en petits groupes pour discuter des différentes dimensions de la reconstruction. À savoir: société, économie, environnement, infrastructure et numérisation.
Ce mardi matin, les participants vont s'engager formellement à soutenir et à reconstruire l'Ukraine. Blick a été informé qu'une «Déclaration de Lugano» serait rédigée. Celle-ci doit contenir, outre une déclaration de solidarité générale, des principes concrets pour une reconstruction durable et orientée vers l'avenir du pays.
Peu de personnalités politiques
La cheffe de l'UE Ursula von der Leyen sera présente, mais les grands noms de la politique internationale ne seront pas au rendez-vous. Les chefs d'État de la Pologne, de la Lituanie, de la Slovaquie et de la République tchèque seront par contre bien présents.
Au moins 15 ministres et 52 délégations officielles de 38 pays et de l'UE sont également attendus, ainsi que des représentants de 14 organisations internationales. Au total, plus de 1000 participants sont attendus, y compris des représentants de la société civile, de l'économie et de la science. L'Ukrainien le plus haut placé parmi les participants est évidemment le Premier ministre Denys Shmyhal.
Querelle chez les Ukrainiens
Comme le révélait Blick jeudi, le parlement de Kiev s'est disputé au sujet de Lugano. Le parti actuellement au pouvoir voulant exclure les autres partis démocratiques du sommet.
Après un coup d'éclat, le parti Pour l'avenir, qui fait partie de la fraction gouvernementale, Solidarité européenne, dirigé par l'ex-président Petro Porochenko, le parti progressiste Holos et la Patrie envoient chacun un représentant en Suisse.
Zelensky en vidéo
Le président ukrainien ne sera de la partie que virtuellement. Il a toutefois été impliqué «dès le début» dans les préparatifs, a souligné jeudi à Berne l'ambassadeur ukrainien en Suisse, Artem Rybchenko.
En raison de la guerre, Zelensky doit rester en Ukraine, a-t-il ajouté. Depuis l'invasion de Poutine, il ne s'est absenté de la capitale Kiev que quelques fois, et n'a encore jamais quitté son pays.
Les principes de Lugano au lieu du plan Marshall
Kiev veut débloquer des fonds pour les régions déjà libérées rapidement, et présente elle-même un premier projet de reconstruction. La Suisse modère les attentes d'un projet du type plan Marshall et voit plutôt en cette conférence une sorte de rampe de lancement pour la reconstruction.
«Il s'agit de principes, pour que tout soit prêt à la fin de la guerre», a déclaré jeudi à Berne le représentant spécial du DFAE Simon Pidoux. Car sans lignes directrices, il n'y aura pas non plus d'argent de la part de l'UE, a clairement expliqué sa cheffe Ursula von der Leyen au président de la Confédération Ignazio Cassis, lors du WEF. Il faut veiller à ne pas recréer une caste d'oligarques ukrainiens.
La corruption, toujours un problème
L'Ukraine est – à l'exception de la Russie – le pays le plus corrompu d'Europe selon de nombreux critères. Ignazio Cassis a donc déjà demandé un «contrôle continu» des dons.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba a défendu son pays lors de sa visite au WEF: «Si nous étions aussi corrompus que certains aiment le dire, notre pays aurait échoué dans les trois premiers jours, comme Poutine l'avait initialement prévu, car le système aurait été corrompu. Les gens n'auraient pas été prêts à le défendre».
L'économie en ruines
Selon les estimations, chaque nouvelle semaine de guerre provoque des dommages aux infrastructures dont la note s'élève à 4,5 milliards de dollars américains. La Banque mondiale a pronostiqué une baisse du produit intérieur brut de 45% cette année en raison du manque d'investissements, des exodes massives, des blocages de ports et de la baisse des exportations et des importations.
Mais il y a une lueur d'espoir: «60% de la population est pleinement opérationnelle, 34% continuent à travailler partiellement», déclare Andy Hunder, président de la Chambre de commerce américaine en Ukraine, à Blick. Selon un sondage interne, près de 95% prévoient de poursuivre leurs activités au cours du deuxième semestre 2022. Et d'ajouter qu'après la guerre, l'Ukraine se présentera aux entreprises internationales comme une alternative à la Russie.
La ville la plus sûre de Suisse
Jusqu'à 1600 soldats sont mobilisés pour la rencontre. Le centre-ville de Lugano est largement bouclé. Outre la police du lac de Lugano, deux patrouilleurs P16 de la marine suisse sécurisent le lac de Lugano.
En raison de sa topographie, proche de la frontière nationale et entourée de nombreuses montagnes, Lugano est relativement difficile à protéger depuis les airs. Ainsi, un canon antiaérien est stationné à l'embouchure du fleuve, en bordure du Parco Ciani. A l'aéroport de Lugano-Agno, des troupes forment un cordon de sécurité autour des pistes d'atterrissage et de décollage pour protéger les personnalités politiques en visite. Des hélicoptères militaires, dont deux Super Puma, sont en outre prêts à décoller de l'aérodrome militaire de Locarno (TI).