Le président de l'Union suisse des paysans Markus Ritter n'en croyait pas ses yeux lorsqu'il a vu le résultat du vote. Par 94 voix contre 89, le Conseil national a rejeté mercredi un projet de nouvelle réglementation visant à rendre l'agriculture plus verte. Un résultat auquel le «chef» des agriculteurs ne s'attendait pas.
Avec ce projet, la Confédération voulait promouvoir la biodiversité et réduire la consommation de pesticides. Le texte aurait imposé aux agriculteurs de cesser toute culture sur 3,5% de leur surface agricole, afin de dédier cette part aux abeilles, aux coléoptères et aux papillons.
Les agriculteurs avaient déjà commencé à semer
CET objectif de 3,5% est très controversé dans le monde agricole. Par deux fois déjà, la Confédération avait repoussé d'un an l'introduction de cette réglementation sous la pression du lobby des agriculteurs. Et pour cause. Lorsque le Parlement a décidé à la fin de l'année dernière de ne pas mettre en œuvre la mesure, les agriculteurs avaient commencé depuis longtemps à semer sur les surfaces concernées par la réglementation
Désormais, celle-ci ne devrait plus être d'actualité. En effet, il est pratiquement sûr que sa suppression sera validée par le Conseil des Etats.
Les organisations de protection de la nature et de l'environnement comme le WWF ont exprimé leur consternation. L'introduction des 3,5% de surfaces écologiques était «une promesse du Conseil fédéral et du Parlement à la population pour réduire l'utilisation des pesticides dans l'agriculture», déclare Jonas Schmid, porte-parole du WWF. Il rappelle que le Parlement s'était auparavant prononcé à plusieurs reprises en faveur de cette mesure. Et de regretter le retour en arrière du Conseil national: «Il serait au moins honnête de rester droit et d'expliquer à la population qu'il ne souhaite pas réduire l'utilisation des pesticides», conclut-il.
Les protestations des agriculteurs ont porté leurs fruits
La raison de cette décision inattendue réside dans le contexte des protestations des paysans en Europe, qui ont également touché la Suisse ces dernières semaines, et plus particulièrement la Romandie. Markus Ritter en est convaincu. «Les manifestations ont conduit à un changement de mentalité», dit-il. Ici, ce sont des conseillères et conseillers nationaux PLR romands qui fait basculer le vote. Avec une UDC unie et la majorité de Centristes, ils ont enterré pour de bon cette réglementation.
Les paysans suisses exigent entre autres des prix équitables pour les producteurs, et moins de contraintes en matière d'environnement. La pression des paysans en colère a manifestement pesé plus lourd que les paroles du ministre de l'Agriculture Guy Parmelin. Ce dernier avait indiqué au Conseil national qu'il serait presque contraire au principe de bonne foi de supprimer la réglementation des 3,5%. En effet, il y a trois mois seulement, le Parlement avait chargé le Conseil fédéral d'élaborer un compromis. Le Conseil national vient d'en décider autrement.