Une initiative est lancée
La gauche veut piocher dans les caisses de la BNS pour financer l'AVS

Le projet de réforme de l'AVS et l'augmentation de l'âge du départ à la retraite des femmes ne passe pas auprès de la gauche ni des syndicats. Ces derniers lancent une initiative pour piocher dans les bénéfices de la Banque nationale suisse au profit de l'AVS.
Publié: 24.05.2022 à 16:39 heures
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Pour la coprésidente du PS Mattea Meyer, les bénéfices de la Banque nationale suisse (BNS) doivent profiter au peuple.
Photo: Philippe Rossier
Ruedi Studer

102,5 milliards de francs. C’est la coquette somme à laquelle s’élève la réserve pour distribution de la Banque nationale suisse (BNS) à la fin de l’année 2021. Une fortune qui devrait progressivement profiter à la Confédération et aux cantons, et sur laquelle lorgne l’Union syndicale suisse (USS).

Avec le lancement de son initiative populaire «Renforcer l’AVS grâce aux bénéfices de la Banque nationale», l’organisation de salariés veut qu’une partie des bénéfices réalisés par la BNS soit reversée à l’AVS. La récolte des signatures commence ce mardi.

Actuellement, deux tiers des revenus nets de la BNS sont versés aux cantons et le tiers restant à la Confédération. Six milliards de francs sont ainsi répartis chaque année. Les auteurs de l’initiative ne veulent pas toucher à la dotation des cantons, qui continueront à recevoir deux tiers de cet argent distribué, avec un plafond de 4 milliards. L’AVS devrait également profiter d’une certaine somme, on parle ici de centaines de millions ou de milliards.

L’AVS doit également bénéficier d’un effet rétroactif: les revenus accumulés depuis 2015 grâce aux intérêts négatifs doivent également servir à la prévoyance vieillesse. Ils se sont entre-temps accumulés à plus de 11 milliards de francs.

«La fortune nationale doit revenir au peuple»

Devant les médias à Berne, la coprésidente du PS Mattea Meyer a défendu cette vision: «Si la situation des retraites doit être améliorée pour de larges couches de la population, la manière la plus efficace et la plus solidaire de le faire passe par un renforcement de l’AVS.» Pour elle, les bénéfices de la Banque nationale doivent y contribuer, car «les bénéfices de la fortune nationale doivent revenir au peuple, et il n’y a pas de lieu plus durable que l’AVS, a exposé la socialiste. Tout le monde en profite de la même manière.»

Les seuls produits des intérêts négatifs accumulés suffiraient à assurer le financement de l’AVS pour la prochaine décennie, a souligné le patron de l’USS, Pierre-Yves Maillard. Il s’agirait non seulement d’une solution simple, mais aussi d’une solution juste, «car les intérêts négatifs ont considérablement affaibli les rentes du deuxième pilier, avance le Vaudois. Une restitution via l’AVS ne serait rien d’autre qu’une juste compensation.»

Contre le démantèlement prévu de l’AVS

Le lancement de cette nouvelle initiative sur l’AVS n’est pas fortuit. Il s’agit d’une riposte de la gauche au démantèlement de l’AVS prévu par les partis bourgeois et conservateurs, qui comprend notamment l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. La gauche a déposé un référendum contre cette mesure, sur laquelle les électeurs devront se prononcer cet automne.

«Nous avons le choix: stabilisons-nous l’AVS au détriment des femmes en procédant à un démantèlement des rentes? Ou acceptons-nous un financement solidaire et social via les actifs populaires de la Banque nationale suisse?», a demandé Mattea Meyer. La coprésidente du PS a rappelé que le seul produit des intérêts négatifs était presque deux fois plus élevé que les économies qui pourraient être réalisées d’ici 2030 grâce au relèvement de l’âge de la retraite des femmes.

La droite contre-attaque

Avec leur initiative, les syndicats devancent la Fédération des contribuables suisse alémanique (Bund der Steuerzahler), qui prévoit une initiative similaire. Cette dernière irait toutefois moins loin: seules les recettes des intérêts négatifs seraient visées pour être versées à l’AVS, soit plus de 11 milliards de francs cumulés jusqu’à présent, auxquels s’ajoutent actuellement un à 2 milliards de francs chaque année.

«Le texte de l’initiative est actuellement en examen préliminaire auprès de la Chancellerie fédérale», explique le conseiller national UDC Alfred Heer. Il s’attend à ce que celui-ci soit mis au point dans les prochaines semaines. «Nous commencerons probablement la récolte de signatures après les vacances d’été», poursuit le Zurichois.

Le fait que deux initiatives populaires traitent alors de la même problématique ne le dérange pas. «Le fait qu’une initiative vienne de deux côtés différents augmente la pression, estime le conservateur. Ce n’est pas si mal. Cela augmente les chances de succès pour qu’au moins notre variante 'plus douce' passe.»

Il ne dit pas s’il approuvera également l’initiative des syndicats. «Je vais l’étudier de près, affirme-t-il. Rien n’est encore décidé.»

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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