Sur le rayon, deux drapeaux suisses s’accolent au prix: 3,68 francs. Au premier abord, en ce mercredi 31 mai, la «viande séchée Rauchmöckli» de la marque Alpina vendue dans cette succursale lausannoise d’Aldi Suisse paraît bien helvétique. Sauf qu’il y a un hic.
À y regarder de plus près, l’autocollant apposé au dos de la barquette mentionne: «Elaboré en Suisse avec de la viande de DE/CH». En d’autres termes, cette denrée est à base de bœuf allemand et suisse.
Est-ce le cas dans d’autres magasins du distributeur allemand? Pourquoi afficher la croix blanche sur un aliment provenant en partie d’un pays voisin? La clientèle ne risque-t-elle pas d’être induite en erreur? Est-ce bien légal? Blick a adressé toutes ces questions au hard-discounter.
Étiquettes bientôt remplacées
«À la suite d'une erreur lors de la gestion des articles, le drapeau suisse s’est égaré sur l’étiquette de prix du mauvais produit, écrit le service de presse d’Aldi Suisse dans son e-mail, daté du 2 juin. Pour la viande séchée 'Rauchmöckli', il ne devrait effectivement pas y avoir de drapeau suisse.» Il est d’ailleurs souligné que c’est «à juste titre» que ledit étendard ne figure pas sur l’emballage.
L’entreprise s’excuse pour «cette méprise». «Nous avons déjà adapté l’information dans notre système et nous remplacerons les étiquettes de prix dans les filiales concernées dès que possible.»
Combien d'étalages sont-ils touchés? «L'article fait partie de notre assortiment standard. Une grande partie de nos filiales est donc concernée», précise le distributeur. Ce lundi 5 juin, l'un des deux fanions a disparu, mais pas celui reproduit directement sur la petite cartouche, a constaté Blick.
Une loi complexe
L’usage des armoiries de la Confédération et de symboles comme Guillaume Tell, le Cervin ou Dame Helvetia à des fins publicitaires est encadré par la loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance. Les critères sont précis, mais des exceptions existent.
Qu’en est-il pour la viande fumée? Dans ce cas précis, «le drapeau suisse peut être utilisé si au moins 80% du poids des matières premières qui la composent proviennent de Suisse, et si la transformation qui lui confère ses caractéristiques essentielles (en l’occurrence le fumage) a eu lieu en Suisse», développe Nicolas Guyot, de l’Institut fédéral de la propriété intellectuel (IPI), contacté par Blick.
Éviter toute tromperie
Et ce, pour éviter toute tromperie. «Dans le contexte des photos envoyées (ndlr: celles publiées par Blick), le drapeau suisse est bien mis en évidence, il est accrocheur et clairement utilisé de manière à indiquer qu’il s’agit d’un produit suisse, analyse le chef adjoint du service juridique sur le droit de la propriété industrielle, ce lundi 5 juin. Par conséquent, les deux critères ci-dessus doivent être cumulativement remplis pour cette viande.»
En clair: «Si dans un paquet il y a plus de 20% du poids de la viande qui provient d’Allemagne, l’utilisation du drapeau suisse est illégale», résume Nicolas Guyot. Voilà la question tranchée. Ou presque: Aldi n'indique pas quelle est la quantité de bidoche germanique dans cette charcuterie «recomposée».