La présidente sortante Petra Gössi règle ses comptes avec le PLR
«J'aurais parfois envie de prendre certains délateurs par le col»

Dans une interview accordée à Blick, la présidente sortante du parti libéral-radical parle ouvertement de son salaire, des courriers haineux reçus pendant la pandémie, et règle ses comptes avec ses détracteurs au sein du parti.
Publié: 18.07.2021 à 06:10 heures
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Dernière mise à jour: 18.07.2021 à 13:25 heures
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«J'ai déjà perdu une relation à cause du travail»: Petra Gössi sur le poids de la fonction.
Photo: Thomas Meier
Simon Marti, Reza Rafi. Daniella Gorbunova (adaptation)

Mme Gössi, vous êtes à l'origine du virage écologique de PLR, mais voilà que vous démissionnez. Cela signifie-t-il que le renouveau environnemental de votre parti est terminé?
Petra Gössi : Les objectifs que nos délégués ont définis demeurent. La seule question est de savoir comment les atteindre.

Votre parti se dirige donc vers un conflit interne au sujet du climat.
Nous savons que la loi sur le CO2 sur laquelle nous avons voté ne va pas dans le sens souhaité par le peuple. Quelques voix au sein du parti demandent que le PLR se concentre à nouveau sur les questions de politique financière et économique à l'avenir. Mais ce n'est qu'une petite minorité. L'objectif suisse de l'accord de Paris sur le climat demeure. Le PLR doit y faire face et trouver de nouvelles solutions pour les générations futures.

Quelles propositions concrètes le PLR peut-il amener?
Lors d'une prochaine tentative, nous adopterons probablement une position plus radicale. La difficulté est que, d'une part, le peuple a rejeté les taxes d'incitation et, d'autre part, que nous ne voulons pas contribuer à augmenter massivement les subventions publiques. Mais nous avons un avantage: tout le monde a maintenant vu que, même en matière de politique environnementale, nous ne pouvons trouver de solutions qu'avec la participation du PLR.

Comment comptez-vous vous sortir du dilemme taxes/subventions?
Ce ne sera pas facile, mais je peux vous dire que le PLR ne se dérobera pas à ses responsabilités. Pour l'instant, nous nous en remettons à des solutions libérales telles que l'expansion du système d'échange de quotas d'émission. Et nous voulons que toutes les entreprises puissent récupérer leurs prélèvements si elles réduisent leurs émissions de CO2. Les questions environnementales sont toujours présentes dans l'esprit des gens, et elles deviennent également de plus en plus importantes pour les entreprises. Si nous laissons de côté ces questions, nous courons le risque de devenir un parti qui ne se distingue que sur un seul sujet politique et qui perd les élections lorsque ce sujet n'est pas en vogue. N'oublions pas que cette retenue nous a coûté 10% de notre part d'électeurs au cours des 20 à 30 dernières années. Or, un parti populaire doit apporter des réponses aux questions qui préoccupent la population.

Et pourquoi les jeunes citadins soucieux de l'environnement devraient-ils voter pour le PLR et non pas pour les Verts libéraux?

Tous les partis populaires établis, qui ne visent pas seulement des votes de contestation, sont en difficulté. Nous devons prouver que la responsabilité du climat ne peut être assumée que par un parti qui a plus à offrir que des slogans. Un parti qui a deux conseillers fédéraux et des dizaines de conseillers d'État aux exécutifs cantonaux, par exemple.

Qu'est-ce qui vous a motivé à prendre vos fonctions en tant que présidente en 2016?

J'adore les défis. J'ai été contactée par le comité. Ce qui comptait pour moi, c'était la perspective de ne pas passer mon temps en tant que backbencher au Conseil national: je voulais pouvoir façonner autant que possible le futur de notre parti. Et le fait que mon employeur m'ait offert la possibilité de réduire considérablement ma charge de travail a aidé.

Et avez-vous été en mesure de façonner le futur?

Oui, je le pense. Une chose qui est peut-être moins perceptible à l'extérieur, mais qui est extrêmement importante à l'interne, est par exemple le fait que nous ayons fait entrer une femme forte au Conseil fédéral. La question des femmes, qui était dans l'air au sein du PLR depuis Elisabeth Kopp, avait pour ainsi dire disparu du jour au lendemain. Et voilà qu'en 2018, nous avons une femme conseillère fédérale, une femme secrétaire générale et, enfin, une autre à la tête du parti. Il y a aussi le fait que nous ayons repris et établi la question de l'environnement au sein de notre parti, alors que plusieurs de mes prédécesseurs avaient échoué dans ce domaine.

Donc, en somme, un bilan positif ?

Oui. Mais cette année de pandémie a été difficile, car j'aime aller vers les gens. Il faut aimer le faire. Si cela vous stresse d'être en contact permanent avec les autres, ce poste est difficile. Cela signifie également que, parfois, vous ne rentrez pas chez vous avant onze ou douze heures du soir. Si quelqu'un vous attend à la maison, c'est encore plus difficile. Mais si vous pouvez gérer ça, c'est un travail passionnant. Vous entrez en contact avec toutes sortes de personnes et vous pouvez faire la différence. Mais c'est un travail usant. À un moment donné, on arrive à un point où l'on se dit: ça suffit, je veux faire autre chose.

En plus de toutes les difficultés de la fonction, vous vous êtes parfois attirée les foudres de la population.

Il y a des moments faciles où vous pouvez suivre le courant et des moments où vous devez faire face à la tempête. Et vous devez être capable d'endurer cette tempête. Vous ne pouvez pas prendre les critiques personnellement, vous devez savoir qu'elles font partie du jeu. Heureusement, j'ai un environnement privé qui ne s'intéresse pas trop à ce que dit la presse, car il se forge sa propre opinion. Mais le poste a son prix. Dans mon cas, une de mes relations précédentes a échoué à cause de cela. Vous devez être capable d'y faire face. On me parle souvent dans la rue, souvent dans des moments très touchants, mais en réalité il est rare que je sois aussi assaillie.

Cela semble s'être aggravé. Le Palais fédéral et les conférences de presse du Conseil fédéral sont aujourd'hui mieux protégés.

Le coronavirus n'a pas fait du bien à notre pays. L'incertitude, le mécontentement et les émotions ont grimpé.

Comment avez-vous ressenti cela ?

En recevant plus de courriels «méchants» que d'habitude. En tant que personne exposée, vous recevez toujours des courriers insultants - cela fait partie du jeu. Mais ces derniers mois, le phénomène a augmenté massivement.

De combien de personnes parlons-nous ici ?

Maintenant, depuis le déconfinement, il y en a moins. Mais pendant des mois, il y a eu certainement vingt e-mails par jour, dont certains sur un ton extrêmement grossier.

Comment réagissez-vous à cela ?

J'ai développé une compétence: je vois immédiatement l'objet d'un courriel. Je le supprime si nécéssaire. J'ai transmis des courriels menaçants au Service fédéral de sécurité afin que l'expéditeur soit dans leur collimateur. J'ai également demandé à plusieurs reprises à notre secrétariat général de trouver une photo de cette personne et ne pas la laisser entrer. Il y a enfin des gens qui m'ont écrit sur le ton le plus agréable pendant plusieurs semaines, et qui ont soudainement retourné leur veste.

Cette forme d'exposition a certainement augmenté avec internet.

Je trouve que les médias sociaux sont les plus difficiles à gérer. Si vous le faites bien, cela prend du temps, et si vous le faites à moitié, c'est mauvais. Ce n'est pas mon monde. Mais ça fait partie du jeu, de nos jours. C'est pourquoi nous avons proposé une formation aux membres de notre parti qui siègent au Parlement.

Un coaching Twitter et Facebook pour le groupe parlementaire du PLR?

Exact, pour ceux qui le souhaitaient.

Est-il facile de rester silencieuse? Par exemple, lorsque vous lisez des spéculations sur vos deux conseillers fédéraux et que vous savez en réalité beaucoup mieux ce qui se déroule en coulisses?

Cela fait partie du travail, et pas seulement avec les conseillers fédéraux. Je devine au libellé des articles qui a fait fuiter quelle information et j'aurais parfois envie de les prendre par le col, surtout si l'information provient de nos propres rangs. Mais cela fait partie de la culture du débat. Je suis heureuse que le PLR ait réappris à débattre.

Ce n'était pas le cas avec le dossier européen ...

Le Conseil fédéral a reporté sa décision. Cela a permis aux groupes les plus divers de se former. Mais ce que je voulais dire, c'est ceci: une partie de la culture du débat au sein du parti consiste à rester objectif et à ne pas tirer sur une personne afin d'imprimer sa propre marque.

Parlons encore de vos conseillers fédéraux: le fait qu'une tension émerge est incontestable. Tout comme le scénario d'un PLR avec un seul conseiller fédéral.

Nous le saurons après les prochaines élections. Ce qui me dérange, c'est que notre peuple adopte en partie ce récit. Le PS est exactement dans la même situation! Qui dit que le PS pourra garder ses deux conseillers fédéraux? Au lieu de nous concentrer sur nos propres forces, nous faisons une fixation sur la menace de pertes. C'est dommage.

Mais le conflit qui touche à l'écologique demeurera après vous.

Je suis convaincue que l'aile à laquelle vous faites référence ne se lèvera pas pour dire qu'il ne faut rien faire. Je n'y crois pas quand je regarde le monde. Bien sûr, il y a des associations avec cette attitude. Mais si les représentants élus n'agissent qu'en fonction des associations et non de leur base, c'est-à-dire leur parti, ce n'est pas prometteur. Au final, ce sont les délégués qui décident, et ce sont eux qui ont contribué à déterminer le nouveau cap.

Vos critiques sont axées sur les associations ?

Je trouve généralement difficile de gagner sa vie en tant que politicien grâce à un mandat associatif. Il convient d'acquérir de l'expérience en dehors de la politique afin de pouvoir apporter de manière indépendante toute la diversité de notre société en politique. On ne gagne pas d'argent au PLR: le parti n'est que l'étrier.

Avez-vous entendu des critiques à ce sujet ?

Mes détracteurs ont certainement eu du mal à accepter que je sois indépendante. Lorsque je suis devenu présidente du parti, j'ai renoncé à tous mes mandats associatifs, tandis que d'autres commencent à les collectionner. Mon indépendance était et reste importante pour moi. C'est pourquoi je n'avais aucun conflit d'intérêts.

Encore une fois: vous dites que vos adversaires ne font pas de la politique sans conflits d'intérêts?

Non, je ne dis pas cela. Je dis que mon indépendance est l'un de mes meilleurs atouts. Il y a des personnes qui savent gérer les dépendances, mais d'autres ne mettent en avant que l'opinion de leur association.

Que pensez-vous de la possibilité d'une coprésidence partagée entre libéraux et radicaux?

Je ne suis ni pour ni contre. La discussion est passionnante, mais elle ne doit pas porter sur le partage des responsabilités. En définitive, la responsabilité est indivisible.

C'est là que le scepticisme entre en jeu.

Cela dépend beaucoup des personnalités qui s'associent. Dans certains cas, je sens l'espoir de pouvoir se cacher derrière une autre personne. Si telle est l'intention, alors cela ne fonctionnera pas.

Quels motifs soupçonnez-vous pour certains d'entre eux?

Il y a une considération qui, à mon avis, ne fonctionnera pas: il ne sera pas possible d'unir les deux ailes dans une double présidence. Comment les deux personnes sont-elles censées décider des questions litigieuses ?

Faudrait-il que la présidence soit mieux rémunérée pour la rendre plus attractive?

Non. Bien sûr, le salaire n'est pas à la hauteur de l'effort, mais l'attrait de ce poste est différent: vous pouvez façonner la politique depuis le premier rang. C'est ce qui attire les gens, pas l'argent.

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