Son empire est au bord du gouffre
Un milliardaire autrichien met Julius Baer en grande difficulté

L'empire immobilier du copropriétaire de Globus, René Benko, connaît de graves difficultés. Les premières demandes de mise en faillite ont dû être déposées. La banque privée zurichoise Julius Baer se retrouve elle aussi au centre de la tempête.
Publié: 26.11.2023 à 13:36 heures
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Dernière mise à jour: 29.11.2023 à 11:21 heures
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René Benko a obtenu de la banque Julius Baer un crédit de 600 millions de francs en trois tranches de 200 millions. Au moins une tranche présente un risque élevé de défaillance.
Photo: keystone-sda.ch
Beat Schmid*

La situation du groupe immobilier de René Benko, l'une des plus grosses fortunes d'Autriche, continue de s'aggraver. Vendredi, on a appris qu'une filiale de son groupe Signa avait dû se déclarer en faillite. Comme l'ont rapporté plusieurs médias, Signa Real Estate Management Germany a déposé vendredi après-midi une demande d'insolvabilité auprès du tribunal de Charlottenburg à Berlin. L'entreprise est une filiale de Signa Prime Selection, qui possède entre autres le grand magasin de luxe berlinois KaDeWe.

Au total, l'empire immobilier de René Benko se compose de plus de 1000 sociétés. Il menace d'imploser s'il ne parvient pas à se procurer dans les prochains jours des liquidités à hauteur d'environ 500 millions d'euros (environ 485 millions de francs suisses). Cet argent est nécessaire pour honorer les dettes à court terme et rembourser un emprunt.

En raison du manque de liquidités, une des sociétés a dû se déclarer en faillite. Si le groupe ne parvient pas à se procurer rapidement des capitaux supplémentaires, les demandes d'insolvabilité pourraient se multiplier. La dette du groupe s'élève actuellement à 13 milliards d'euros. Les crédits bancaires s'élèveraient à 7,71 milliards d'euros dont une grande partie serait être constituée d'hypothèques garanties par des lettres de gage.

Julius Baer dans la panade

Mais René Benko a également contracté des crédits spéciaux garantis par ses propres actions ou par des revenus locatifs. Le milliardaire aurait obtenu de tels crédits, appelés Structured Loans dans les milieux spécialisés, de la banque privée zurichoise Julius Bär. Blick l'a appris d'un initié, la banque aurait accordé au financier autrichien trois tranches de crédit de 200 millions de francs chacune. L'une des tranches serait couverte par des garanties dont la valeur est sujette à caution, explique la source proche du dossier.

Les garanties devraient être des actions de l'empire Benko, qui ont fortement perdu de leur valeur à la suite des récentes turbulences. Si des parties de l'entreprise devaient maintenant faire faillite, la valeur des actions pourrait rapidement tomber proche de zéro. Lundi dernier, la banque Julius Baer a lancé un avertissement sur ses bénéfices et a indiqué qu'elle avait comptabilisé une provision de 70 millions de francs entre le 31 octobre et le 19 novembre.

Une autre dépréciation de 130 millions possible

Si la tranche de crédit de 200 millions devait être entièrement amortie, la banque risque de devoir procéder à un nouvel amortissement de 130 millions de francs. Samedi, elle n'a pas répondu à une question concernant le crédit total de 600 millions. En raison du secret bancaire, Julius Baer ne peut pas prendre position sur les relations avec les clients. Il n'est pas improbable que la banque doive émettre un nouvel avertissement sur bénéfices dès la semaine prochaine.

Avec le crédit de 600 millions accordé à René Benko, Julius Baer a pris un énorme risque. On le voit au fait que les 600 millions représentent presque un bénéfice annuel entier pour la banque. Normalement, un crédit à un seul client ne devrait jamais représenter plus d'un quart du bénéfice annuel.

Comment la banque a-t-elle pu prendre un risque aussi important? C'est à cette question que doivent répondre le directeur de la banque Philipp Rickenbacher et le président du conseil d'administration Romeo Lacher, eux qui ont vu passer la demande de crédit sur leur bureau. Selon les informations, l'autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) est intervenue. Si de nouvelles dépréciations ont lieu, cela devrait avoir des conséquences sur le personnel de Julius Baer.

Globus jusqu'à présent épargné par la tempête

Les grands magasins suisses Globus, dont la moitié appartient à l'empire Signa, ne sont pas directement touchés par la tempête. L'autre moitié appartient au groupe thaïlandais Central Group, contrôlé par l'une des familles les plus riches du pays. Tos Chirathivat est président et CEO du groupe qui a ouvert son premier centre commercial en Thaïlande en 1957. Avec le groupe Signa, la famille Chirathivat a racheté en 2020 à Migros la chaîne Globus et ses biens immobiliers pour un milliard de francs.

Si le groupe Signa devait effectivement s'effondrer, Tos Chirathivat devrait augmenter sa participation dans Globus. Soit il reprend entièrement les 50% de Benko, soit il les partage avec d'autres investisseurs. Étant donné qu'aucune dette ne doit être honorée immédiatement chez Globus, il n'y a pas d'urgence. Selon des initiés, une décision sur la future structure de propriété de la chaîne Globus pourrait être prise en janvier. Dans le groupe britannique de grands magasins Selfridges, le Central Group a déjà repris la part de Signa de Benko.

* Au cours de sa carrière, le journaliste économique Beat Schmid a travaillé pour plusieurs grands groupes de presse. Il écrit pour Blick sur des sujets financiers.

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