«Les mêmes chances pour tous»: voilà un slogan qui n'est plus d'actualité, surtout pas dans le domaine de l'immobilier. Les prix sont devenus si exorbitants que le seul moyen d'acquérir un bien est d'hériter, notamment en profitant des centaines de milliers de logements que les «baby-boomers» vont libérer malgré eux.
Aujourd'hui, il faut pouvoir compter sur papa ou maman. Soit par un héritage direct, soit par un prêt pour rassembler suffisamment de fonds propres. «L'immobilier n'a jamais été aussi inabordable qu'actuellement», confirme Fredy Hasenmaile de Credit Suisse.
Selon cet expert immobilier, il y a deux raisons à cela: «Jamais nous n'avions eu une hausse des prix aussi constante sur une longue durée.» De plus, la réglementation plus stricte en matière de financement est un obstacle pour de nombreux propriétaires.
Les salaires ne suivent pas
Ces dernières années, il va sans dire que les prix des logements en propriété ont augmenté nettement plus que les salaires. Selon Wüest Partner, les prix de l'immobilier ont en moyenne plus que doublé depuis 2000. Or, selon l'Office fédéral de la statistique, le salaire moyen n'a augmenté que de 25% au cours de la même période...
L'achat d'un logement en propriété devient donc de plus en plus cher par rapport au revenu du travail. «Les acheteurs doivent donc soit épargner plus longtemps et attendre un âge avancé avant d'acheter une maison, ou alors espérer un don ou un héritage», explique Marius Brülhart.
Ce professeur d'économie à l'Université de Lausanne est bien placé pour l'affirmer: il mène depuis plus d'une décennie des recherches sur la répartition des richesses en Suisse.
Deux tiers des logements sont trop chers!
Il existe différentes études sur la faisabilité de s'offrir un logement aujourd'hui en Suisse. L'une d'entre elles, réalisée par la Banque cantonale de Zurich, chiffre à 10% la part de locataires qui pourraient acquérir un bien.
Credit Suisse prend le problème dans l'autre sens: dans sa dernière étude immobilière, le groupe bancaire estime le nombre des objets à acheter sur le marché encore abordables pour le Suisse moyen.
Les auteurs font le calcul suivant pour évaluer la viabilité d'un crédit hypothécaire: les coûts (frais d'intérêts, amortissement, entretien) ne doivent pas représenter plus d'un tiers du revenu brut du ménage. Résultat: pour un ménage disposant d'un revenu annuel moyen de 134'000 francs, la part des objets sur le marché encore supportables atteint moins d'un tiers (31%).
En d'autres termes, plus des deux tiers des logements de quatre pièces et plus proposés sont trop chers pour que les banques puissent accorder une hypothèque avec un revenu moyen (134'000 francs) et un taux d'endettement de 80%.
«Pour les générations Y et Z, un vœu pieux»
L'évolution du taux de logements en propriété au cours des dernières années reflète cette évolution. Il montre que de moins en moins de personnes âgées de 30 à 50 ans parviennent encore à acquérir un logement. «Pour les générations Y et Z, cela signifie que leur rêve de devenir propriétaire restera le plus souvent un vœu pieux», résume Fredy Hasenmaile.
Ce n'est pas nouveau. En revanche, ce qui est intéressant, c'est que le taux de propriétaires a légèrement augmenté dans la catégorie d'âge des... 20 à 30 ans. «Cela peut paraître étonnant, mais il y a une explication à cela: il est probable que cette catégorie ait reçu de l'argent des parents pour investir», explique l'expert de Credit Suisse à Blick.
Et c'est de plus en plus le cas aujourd'hui: l'héritage, les avancements d'hoirie ou les donations sont devenus une nécessité dans la classe moyenne pour pouvoir s'offrir un logement.
«Les propriétaires ne peuvent presque plus se passer de ce soutien. Et celui-ci ne provient presque jamais d'amis ou de connaissance: l'immobilier, c'est une affaire de cercle interne de la famille», conclut Fredy Hasenmaile.