Le droit successoral révisé entrera en vigueur dès le 1er janvier prochain, et avec lui son lot de changements. Le point central: la réduction des réserves héréditaires des descendants ainsi que la suppression des réserves héréditaires des parents.
Concrètement, cela signifie que jusqu'à présent, la part réservataire des enfants s'élevait au moins aux trois quarts de la part d'héritage légale. Celle-ci sera réduite à la moitié dès 2023. Pour les parents, la part réservataire est totalement supprimée. «Ces mesures augmentent la flexibilité des futurs testateurs dans leur planification successorale», explique Mattia Hotz, expert de la question chez UBS.
Les nouveautés en matière de droit successoral s'appliquent également aux documents de succession existants, comme les testaments. Selon le spécialiste d'UBS, cela pourrait entraîner des problèmes d'interprétation, suivant la manière dont le testament est formulé.
«Il y a un potentiel de conflit», juge Mattia Hotz. Ce dernier recommande à ses clients de faire vérifier leur testament existant en fonction des modifications législatives qui vont intervenir. Le cas échéant, il faut l'adapter ou le renouveler.
L'héritage, source de disputes
Cette évolution légale n'est pas anodine, car il n'est pas rare que les enfants se disputent à propos de l'héritage de leurs parents. C'est surtout la maison familiale, difficile à partager équitablement, qui pose problème. «Dans la plupart des cas, ce bien immobilier représente à lui seul une part substantielle de la fortune totale», explique Mattia Hotz.
«Le plus souvent, les parents veulent traiter leurs enfants de manière égale», abonde Gabrielle Sigg, responsable de l'exécution testamentaire chez VZ, une grande entreprise de conseil financier. C'est aussi ce que veut le droit successoral — mais ce n'est pas toujours possible, par exemple lorsqu'il n'y a pas suffisamment d'autres biens pour réaliser un partage équitable.»
Que se passe-t-il dans le cas où un enfant hérite de la maison familiale? «Il doit compenser en versant une quote-part à ses frères et sœurs avec sa propre fortune ou ses propres biens, ce qui peut représenter une charge financière importante», analyse Mattia Hotz.
Il existe néanmoins des cas où les parents décident de ne pas traiter les enfants de manière équitable, et de privilégier un enfant qui reprendrait le bien immobilier familial. «Une telle mesure entraîne souvent des conflits entre les enfants — il faut donc bien réfléchir avant de prendre cette décision», préconise l'expert d'UBS.
L'évaluation, une étape-clé
Même dans le cas où les parents veulent traiter tous les frères et sœurs de manière équitable, il y a des écueils. Le principal consiste en l'évaluation du bien, pour fixer le prix de la maison familiale. S'agit-il de la valeur marchande du bien au moment du partage ou selon une valeur fixée dans le testament?
Prenons un exemple: un testament stipule que la maison de la famille Rochat doit être attribuée à la fille pour 500'000 francs. Le document date toutefois d'il y a dix ans, et le quartier est devenu si prisé que le bien immobilier vaut aujourd'hui 1,5 million de francs. Selon le testament, la fille Rochat doit 250'000 francs à son unique frère, alors qu'elle devrait verser 750'000 francs selon le marché actuel.
L'évaluation est donc déterminante, et Mattia Hotz conseille de consigner dans le testament une disposition sur la manière dont le bien immobilier doit être évalué. «Par exemple en faisant la valeur moyenne de deux expertises», explique le Zurichois.
Un cadeau empoisonné?
Reste un piège: qu'en est-il de l'impôt sur les gains immobiliers? Celui-ci s'applique lorsqu'un propriétaire vend son bien et réalise un bénéfice. Si la maison reste dans la famille, cet impôt est reporté... mais il reste latent. «Tout dépend si l'enfant souhaite vendre son bien, explique Gabrielle Sigg. Si la maison est vendue, l'impôt sur les gains immobiliers peut être considérable, tant les prix du marché ont explosé ces dernières années.»
Le montant de l'impôt varie en fonction du canton et de la durée de possession. Mais, dans tous les cas, la spécialiste de VZ conseille de prendre en compte ce montant dans la gestion de la succession. «De manière concrète, il convient de déduire la moitié de l'impôt latent lors de l'évaluation du bien immobilier», recommande Gabrielle Sigg.
Les enfants qui héritent de la maison de leurs parents devraient en outre se demander si le bien immobilier est vraiment supportable pour leur situation financière. Dans certains cas, les parents n'ont pas toujours fini de payer leur maison — celui qui hérite du bien doit aussi en assumer l'hypothèque.
Discuter est la clé
Une chose est certaine: pour éviter au maximum le risque de conflits potentiels, il faut communiquer et mettre les choses au clair du vivant de toutes les parties. La succession est un thème souvent tabou, et en parler est primordial, insiste Mattia Hotz. «Dans nos consultations, nous constatons régulièrement que les souhaits et les idées des parents ne correspondent pas à ceux des enfants», souligne l'expert en successions.
De nombreux enfants, par exemple, ne sont plus intéressés par la reprise du bien immobilier de leurs parents. «Un entretien de clarification au sein de la famille peut ici aider à trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties», poursuit-il.
Gabrielle Sigg est du même avis: «L'héritage doit être discuté et le plus transparent possible.» La spécialiste du patrimoine plaide pour que les membres d'une famille élaborent ensemble une solution et la consignent par écrit. Outre un testament, un pacte successoral signé à la fois par les parents et les enfants est également approprié. «C'est la meilleure façon de minimiser les conflits», promet-elle.