Réalité ou discours alarmiste?
L'initiative sur la biodiversité serait une menace pour la loi sur l'électricité

Les opposants à l'initiative sur la biodiversité, soumise au vote en septembre prochain, estiment qu'un oui empêcherait la mise en œuvre de la loi sur l'électricité acceptée récemment par le peuple. Réalité ou discours alarmiste?
Publié: 21.06.2024 à 14:00 heures
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A peine a-t-il gagné la votation sur la loi sur l'électricité qu'Albert Rösti est à nouveau au travail.
Photo: keystone-sda.ch
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Céline Zahno

Albert Rösti n'aura pas jubilé longtemps. Après le oui à la loi sur l'électricité, le ministre de l'Environnement et de l'énergie est déjà confronté à la prochaine campagne de votation. Le conseiller fédéral s'engage contre l'initiative sur la biodiversité, sur laquelle la Suisse votera le 22 septembre prochain. 

Le chef du DETEC l'assure: l'initiative «Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage» serait un pas en arrière pour le développement des énergies renouvelables qui vient d'être décidé. Les associations d'électricité et les responsables de la politique énergétique craignent que le projet tire la prise de la loi récemment votée.

Une menace pour la loi sur l'électricité?

L'initiative veut inscrire la protection de la nature et de la biodiversité dans la constitution. Concrètement, la Confédération et les cantons devraient définir davantage de zones protégées afin de garantir et de promouvoir la biodiversité. Cela rendrait notamment la mise en œuvre de projets hydroélectriques plus difficile, prévient la conseillère nationale PLR Jacqueline de Quattro.

Si le projet devait être accepté, les défenseurs de la nature pourraient s'appuyer sur le nouvel article de loi en cas d'opposition et avoir plus de poids dans la balance. Michael Frank, de l'association faîtière de la branche électrique (AES), va encore plus loin: toutes les portes ouvertes par la loi sur l'électricité pour faire avancer le tournant énergétique seraient fermées d'un coup.

«Un discours visant à faire peur»

Une fois de plus, les défenseurs de la nature sont présentés comme des obstacles à la transition énergétique. Pour Raimund Rodewald, qui s'engage en faveur de l'environnement, estime qu'il s'agit d'un «pur discours visant à faire peur»: «Les opposants évoquent un conflit là où il n'y en a pas», argue-t-il.

Pour le prouver, les initiateurs ont demandé un rapport juridique. Selon l'expert en droit de l'environnement Peter M. Keller, il n'est pas certain que l'initiative sur la biodiversité mette en difficulté les nouveaux projets électriques. L'initiative exige que «l'essence» des objets protégés soit «conservée intacte». Mais elle ne définit pas ce que cela signifie exactement.

Théoriquement, cela pourrait être interprété de la sorte: la construction de centrales électriques dans certains paysages serait pratiquement impossible, d'après l'avis juridique. En revanche, une interprétation réservée n'interférerait pas avec la loi sur l'électricité.

L'initiative est une grande boîte noire

«Nous ne pouvons qu'espérer que la mise en œuvre de l'initiative sur la biodiversité serait compatible avec la loi sur l'électricité. Nous n'en avons pas la certitude», déclare Michael Frank de l'Association des électriciens. L'initiative semble être une grande boîte noire. «Une acceptation signifierait au moins une énorme insécurité pour les projets en cours et les nouveaux projets et continuerait à les retarder ou, dans le pire des cas, les rendrait impossibles», souligne Michael Frank.

Raimund Rodewald précise toutefois ce qu'il entend par «contenu central des zones protégées»: le défenseur de l'environnement parle ici du noyau central des perles du paysage, comme les chutes du Rhin. Mais de tels paysages ne sont déjà pas sacrifiés à la production d'énergie aujourd'hui. De plus, le Parlement est responsable de la définition des critères exacts dans une loi. Il est d'ailleurs très peu probable que ce dernier, dominé par les partis bourgeois, mette en œuvre l'initiative de manière à empêcher les projets énergétiques.

Beaucoup de points restent donc flous à l'heure actuelle. Mais ce qui est clair, c'est que si le oui l'emporte en septembre, Albert Rösti aura du pain sur la planche.

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