Les autorités ne savent toujours pas qui est le corbeau. En d'autres termes, la personne qui, des mois durant depuis 2018, a adressé des lettres anonymes menaçantes et injurieuses à de nombreuses célébrités du pays, comme le révélait Blick en mars 2022. Mais, selon de nouveaux documents en notre possession, son portrait criminel a désormais été brossé par le Ministère public de la Confédération (MPC). D'autre part, l'ampleur de son inquiétante correspondance est bien plus conséquente qu'initialement imaginé.
Au total, 26 courriers ont été recensés et reliés par le MPC, ce 27 janvier. Dans le lot des personnes et entités visées, on trouve pêle-mêle le conseiller fédéral socialiste fribourgeois Alain Berset, la sénatrice écologiste neuchâteloise Céline Vara ou encore la députée socialiste vaudoise Jessica Jaccoud.
Mais aussi l'ancien chef suppléant de la Division maladies transmissibles de l'Office fédéral de la santé publique Patrick Mathys, la préfète du Jura bernois Stéphanie Niederhauser, le virologue et membre de la task force Covid Didier Trono, la Chancellerie de l'État du Valais, «La Matinale» et l'émission «Forum» de la RTS, la journaliste du service public Jennifer Covo, ainsi que sa collègue Esther Coquoz. Fin de ce «petit» florilège.
Le suspect serait un homme peu éduqué
À regarder les courriers hostiles, dont certains contenaient de la poudre qui s'est heureusement à chaque fois révélée inoffensive, un constat s'impose. Le contexte et quelques mots changent, mais le «style», souvent obscène et complotiste, tout comme la mise en page, sont systématiquement identiques.
Des ressemblances troublantes qui n'ont pas échappé à la procureure chargée de l'affaire. Voici ce qu'elle écrit, dans une missive adressée aux parties, ce 30 janvier: «Au stade actuel de la procédure, il a été établi que les cas objets de la présente procédure sont tous le fait d'un seul auteur de sexe masculin, âgé entre 50 et 75 ans, n'ayant probablement pas fait d'études supérieures et présentant un lien fort avec le canton de Vaud, mais également avec la culture alémanique.»
Problème: l'enquête patine. La procureure le reconnait: «Malgré les nombreuses recherches et mesures d'investigations entreprises par la police judiciaire fédérale en collaboration avec les polices cantonales concernées et les divers services techniques (notamment des analyses de trace (sic), des recherches approfondies et du monitoring en sources ouvertes et sur les réseaux sociaux, un profilage géographique criminel, des diffusions nationales et internationales ou encore des vérifications approfondies et complémentaires relatives à des personnes suspectes), il n'a pour l'heure pas été possible d'identifier l'auteur de ces courriers ni de le localiser.»
Enquête suspendue?
Le MPC semble impuissant. En l'état, il ne voit pas quels autres actes d'instruction «raisonnables et proportionnés» pourraient être entrepris afin d'aller plus loin. Il précise en outre que «les preuves dont il est à craindre qu'elles disparaissent ont été administrées (ndlr: recueillies)».
Conséquence? L'organe chargé d'enquêter sur les délits relevant de la juridiction fédérale «entend suspendre la présente procédure, sachant que celle-ci peut être reprise à tout moment [...], lorsque le motif justifiant la suspension a disparu». Les plaignantes et les plaignants ont jusqu'au 1er mars pour se déterminer. Le corbeau, quant à lui, passe — pour l'instant — entre les mailles du filet.