Pas d’alcool à la Migros
Histoire d'un coup de génie marketing

L'interdiction de l'alcool chez Migros, qui vient de tomber, remonte à 1928. A cette époque, Gottlieb Duttweiler achète une cidrerie et adopte l'idée des ses fondateurs. Pour doper les ventes.
Publié: 06.11.2021 à 13:58 heures
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Dernière mise à jour: 07.11.2021 à 08:32 heures
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L'interdiction de l'alcool à Migros remonte à 1928.
Photo: Keystone
Christian Kolbe

L'histoire de l'interdiction de l'alcool chez Migros commence avec du jus de pomme. En 1928, le fondateur de Migros, Gottlieb Duttweiler (1888-1962), reprend une cidrerie en faillite à Meilen, sur le lac de Zurich.

La particularité de cette usine de transformation de pommes, fondée en 1896, était qu'elle était dédiée à la santé publique. Le cidre doux devait servir à lutter contre la consommation excessive d'eau-de-vie et d'eau-de-vie de fruits bon marché, notamment au sein du prolétariat. C'est ce que l'on peut lire sur la page d'accueil de Migros.

Avec cet achat, Migros n'acquiert pas seulement un autre site de production, «Dutti» reprend également l'engagement des fondateurs de l'entreprise, qui s'étaient consacrés à la lutte contre l'alcool. Car le nom complet de la cidrerie de Meilen est «Alkoholfreie Weine AG». Dans son propre magazine «Brücke», le fondateur de Migros s'exprime sur le thème de l'alcool.

Cet homme qui, auparavant, ne dédaignait pas un bon verre de vin ou un cigare, écrit alors: «lorsque le moût est distillé en schnaps, il signifie – consommé avec excès – la destruction de la santé, la diminution de l'honneur et de la joie de vivre».

La lutte contre les «colosses du capital alcoolique»

Gottlieb Duttweiler fait de la nécessité une vertu. Avec l'achat de la cidrerie, l'entrepreneur s'est en effet endetté et a un besoin urgent d'argent. En se parant de la vertu de la lutte contre l'alcool, drogue populaire, «Dutti» s'appuie sur son charisme et son image de combattant solitaire qui se bat contre les grandes entreprises pour obtenir des prix plus bas et des clients en bonne santé. «Qu'est-ce que la Migros isolée, solitaire, face aux colosses du capital alcoolique et de l'industrie alimentaire?», demande-t-il dans «Brücke».

Un véritable manifeste politique, qui est en effet également ce qu'on appellerait aujourd'hui une stratégie marketing. Et ça fonctionne : «Dutti» baisse les prix, vend les bouteilles de cidre sans alcool en multipacks et transforme trois de ses légendaires camionnettes de vente en «voitures à boissons». Les livreurs donnent du klaxon comme d'un clairon, font le tour de Zurich et le «Süssmost», devient une boisson populaire parmi les groupes sociaux à faible revenus.

Le cidre doux comme boisson populaire

Les entrepôts de la cidrerie de Meilen se vident en un clin d'oeil, les affaires sont en plein essor. Une seule chose est claire : le triomphe du «cidre doux» ne laisse aucune place à l'alcool chez Migros. Un prix que Gottlieb Duttweiler est prêt à payer, puisqu'il inscrit l'interdiction de l'alcool dans le statuts de son entreprise.

Entre temps, les beaux principes ont quand même pris du plomb dans l'aile. Migros a toujours conservé, même du vivant de Duti, un assortiment d'aliments alcoolisés, comme des tartes aux cerises et du chocolat. Entre temps, la marque vend de l'alcool dans les succursales de Denner, Migrolino et VOI, et ses locaux sont très souvent flanqués d'un marchand de boissons alcoolisées.

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