Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis compte bien se rendre à Bruxelles prochainement. Et pour cause: c'est maintenant officiel, la Suisse va négocier avec l'Union européenne. Mais à quel niveau et dans quel but? Voici les principales questions et réponses.
Sur le mandat de négociation avec l'UE
Que signifie la décision de vendredi?
Le Conseil fédéral a décidé – une nouvelle fois – d'une feuille de route qui explique précisément comment il compte entamer les négociations avec l'Union européenne. Lorsque celle-ci aura également adopté son mandat, les choses sérieuses pourront commencer, ce qui pourrait déjà être le cas en mars.
Sur quoi porteront les négociations?
De nouvelles règles vont être insérées dans cinq accords déjà existants, afin de déterminer sous quelle forme le droit européen sera repris par la Suisse. Les différents accords, dont certains datent de plusieurs décennies, seront pour ainsi dire mis-à-jour.
La Suisse pourra toujours décider de manière autonome si elle souhaite reprendre ou non le droit européen, écrit le Conseil fédéral. Les votations resteront également de mise. Mais si la Suisse décide de ne pas appliquer le droit de l'Union européenne, elle devra accepter des mesures de compensation.
En cas de litige, la Suisse et l'UE seront représentées à parts égales au sein d'un tribunal arbitral, qui devra trancher. Le tribunal arbitral pourra néanmoins faire appel à la Cour de justice européenne, l'autorité compétente en matière de droit européen.
De nouveaux accords sur l'électricité et la sécurité alimentaire devraient venir s'ajouter aux accords existants. La Suisse doit aussi négocier sur les partenariats auxquels elle entend prendre part dans les domaines de la recherche, de la formation et de la santé. Enfin, il s'agira de discuter du coût d'accès à l'UE – c'est-à-dire du montant de la fameuse contribution dite de cohésion.
Que veut obtenir le Conseil fédéral à Bruxelles?
Après avoir écouté les commissions parlementaires, les partis et d'autres groupes d'intérêt, le Conseil fédéral a procédé à quelques ajustements et a précisé sur quels points il souhaitait obtenir davantage. Par exemple, les mesures de compensation ne devront être prononcées que lorsque le tribunal arbitral aura rendu une décision définitive. La Suisse compte également faire respecter sa volonté d'une immigration orientée vers le marché du travail, afin de ne «mieux protéger le système social suisse», peut-on lire sur le site du Conseil fédéral.
Combien de temps les négociations vont-elles durer?
Début juin, l'Union européenne élira un nouveau Parlement, lequel devra ensuite désigner une nouvelle Commission. En principe, il faudrait trouver une solution avant que l'autorité exécutive de l'Union européenne ne soit renouvelée, c'est-à-dire d'ici à l'automne 2024. Mais ce délai semble intenable. Les négociations devraient donc prendre beaucoup plus de temps. Ignazio Cassis n'a d'ailleurs pas souhaité donner plus de précisions sur le calendrier.
Pourquoi la Suisse a-t-elle besoin d'un accord?
La Suisse n'est pas membre de l'Union européenne. Mais elle entretient des relations étroites avec elle. Notamment parce que l'UE est son principal partenaire commercial. La Suisse fait partie du marché intérieur européen, un marché commun de libre-échange. Et pour y participer, il a fallu conclure différents accords avec l'UE.
Cette nouvelle salve de négociations vise à clarifier le développement, la surveillance et l'interprétation de ces règles. Les pourparlers permettront également de clarifier la manière de résoudre les litiges en cas de divergences d'opinion.
Que se passera-t-il en cas d'échec des négociations?
Depuis que la Suisse a abandonné les négociations sur un accord-cadre, l'UE met des coups de pression sur la Suisse partout où elle le peut. Elle n'offre par exemple pas de nouveaux accords, quand bien même ceux-ci seraient importants pour la Suisse. Et sans solution pour les questions institutionnelles, il n'y en aura toujours pas. La coopération en matière de recherche deviendrait encore plus difficile. Les hautes écoles suisses ne peuvent déjà plus diriger de projets du programme Horizon. Les chercheurs et les projets délaissent donc la Suisse au profit des autres pays de l'UE.
Quelles sont les chances maintenant?
A peine Ignazio Cassis a-t-il annoncé l'adoption du mandat de négociation vendredi, que les critiques pleuvent déjà sur le conseiller fédéral. L'UDC parle de «soumission». L'Union syndicale suisse se montre également sceptique: le mandat de négociation risque d'entraîner de «douloureuses détériorations». Le constat est donc clair: Même si une coalition de centre-gauche a jusqu'à présent toujours permis de construire une majorité sur les questions européennes, l'ambiance reste morose.
Et même si un accord est trouvé, celui-ci devra encore être adopté par le Parlement. Le cas échéant, un référendum aurait probablement lieu. Le chemin est encore long. Et il risque fort d'être semé d'embûches.