Le désespoir du directeur de la Santé lucernois, Guido Graf, était clairement palpable lors de la conférence de presse de son canton mardi matin, au moment d'annoncer que les unités de soins intensifs lucernoises ne pourront bientôt plus accueillir certains patients en raison du manque de ressources.
«Le triage est prévisible», a déploré le conseiller d'Etat, interdit. Guido Graf et les responsables des hôpitaux lucernois ont dressé un tableau sombre de la situation sanitaire. «C'est le calme avant la tempête», a ajouté Christoph Henzen, chef de l'état-major contre la pandémie de l'hôpital cantonal de Lucerne. D'ici la fin de la semaine, Omicron sera probablement à l'origine de 80% des contaminations au Covid-19 dans toute la Suisse. Toute la population sera probablement contaminée par le variant sud-africain au cours des deux ou trois prochains mois, craint-il.
Avec des conséquences dramatiques pour les hôpitaux. D'une part, le canton de Lucerne s'attend à deux fois plus d'hospitalisations. D'autre part, à de nouvelles pertes de personnel. La situation, déjà tendue, risque donc encore de s'aggraver. Les services de soins intensifs doivent porter secours à des personnes plus jeunes, principalement non-vaccinées. De nombreuses opérations ont déjà dû être reportées.
Retarder les décisions de triage
Les décisions de triage de patients ne sont plus qu'une question de temps à Lucerne, selon les responsables, qui essaient de les retarder autant que possible.
Lors d'une décision de triage, il faut décider, en raison du manque de capacités, quel patient peut continuer à bénéficier d'un traitement de médecine intensive. «Le cas échéant, des vies doivent être sacrifiées», a déclaré Andreas Fischer, du forum d'éthique de l'hôpital cantonal. Mais ni le type de maladie, ni le statut vaccinal ne devraient jouer un rôle. Le pronostic médical à court terme et la durée du traitement à prévoir sont les seuls éléments à prendre en compte: «La priorité absolue est de sauver le plus de vies possible.»
Des mesures plus sévères exigées
Au vu des 25'000 nouvelles infections quotidiennes attendues par la Task Force dans toute la Suisse dès le mois de janvier, le conseiller d'Etat Guido Graf a été clair: «Nous avons besoin de mesures plus strictes dans toute la Suisse!»
Le Conseil fédéral doit prendre les devants. «Les mesures cantonales conduisent à un patchwork. Nous devons éviter cela à tout prix», a déclaré le directeur de la Santé lucernois. Fermer des clubs dans un canton n'a pas de sens si les gens peuvent se rendre dans d'autres cantons, cela ne fait que déplacer le problème. La Confédération devrait également pouvoir ordonner des mesures pour les écoles. «Ce n'est pas un virus cantonal», assène Guido Graf.
Interdiction de visite dans les hôpitaux
Toutefois, devant la situation intenable des hôpitaux, le canton de Lucerne ne reste pas les bras croisés. A partir de mercredi et jusqu'à nouvel ordre, les visites seront interdites à l'hôpital cantonal de Lucerne ainsi qu'à la clinique Hirslanden St. Anna, le plus important centre hospitalier privé de la Suisse centrale.
Des exceptions ne sont prévues que dans certaines situations, par exemple pour les proches parents de personnes en fin de vie ou ayant besoin de soutien, ou à l'hôpital pédiatrique.
Une fois de plus, Guido Graf a appelé à la vaccination.«La pandémie dure depuis bien trop longtemps et trop de gens ont tout perdu», a-t-il déploré. Il ne faut pas prolonger cette pandémie, nous le devons aussi au personnel hospitalier. De nombreuses hospitalisations sont évitables, a-t-il clairement expliqué. Son appel sera-t-il entendu?
(Adaptation par Lauriane Pipoz)