Les chiffres sont alarmants. La Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) a enregistré environ 32 agressions antisémites en Suisse depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre. En temps normal, on enregistre une cinquantaine de cas d'agression antisémite par an, se désole le secrétaire général de la FSCI Jonathan Kreutner.
«Les cas graves d'antisémitisme ont également augmenté. Ces deux dernières semaines, il y a eu quatre cas de ce type. En général, on en compte un tous les deux ans.» Sont considérés comme des cas graves les agressions physiques contre des personnes juives. «C'est très inhabituel. D'autant plus que l'escalade n'a pas encore vraiment commencé en Israël», poursuit Jonathan Kreutner.
«Les temps sont difficiles, même en Suisse»
Face à cette montée de haine, une partie de la communauté juive de Suisse est inquiète. Plusieurs personnes juives ne se sentent plus en sécurité en Suisse depuis quelques jours. «Moi aussi, je suis devenu plus vigilant, assure Jonathan Kreutner. Mais je me sens en sécurité en Suisse. Je fais confiance aux autorités.» Selon lui, la Suisse est loin de l'Allemagne ou de la France, où l'antisémitisme est parfois ouvertement affiché.
Malgré tout, le président de la FSCI Ralph Lewin observe des tendances dangereuses. Dans une lettre ouverte à la communauté juive, il écrit: «Les temps sont difficiles, y compris en Suisse. Nous avons un sentiment d'insécurité. Cette forte augmentation des incidents antisémites et des manifestations demandant l'extinction d'Israël nous inquiètent.»
L'antisémitisme remonte à la surface
Ces dernières années, les attaques antisémites en Suisse pouvaient être clairement attribuées à des groupes connus pour leur racisme envers les juifs. Dans la situation actuelle, c'est différent, souligne Jonathan Kreutner. «Alors qu'auparavant, nous enregistrions plutôt des agressions provenant de l'environnement migratoire, il est désormais difficile d'évaluer ces attaques. Elles proviennent plutôt du cœur de la société.» Il est vrai que l'antisémitisme a toujours été présent au sein de la société. Mais le fait que les événements récents le fassent remonter à la surface est un nouveau phénomène, selon le secrétaire général.
Jehuda Spielman n'a pas encore vécu d'expériences négatives. Ce conseiller municipal PLR de la ville de Zurich est membre de la communauté juive orthodoxe. Le zurichois de 28 ans porte toujours le couvre-chef juif, la kippa. «A Zurich, on est habitué à la présence de personnes juives. Pour moi, rien n'a changé au cours des deux dernières semaines.» Il est hors de question pour lui de renoncer à l'expression extérieure de sa religion pour des raisons de sécurité.
«Nous ne devons pas faire de pas en arrière, mais aller de l'avant et faire face aux discussions», poursuit Jehuda Spielman. Selon lui, c'est le moment d'annoncer la couleur. «Bien sûr, chacun peut décider pour lui-même s'il souhaite porter des signes distinctifs juifs ou non. Mais il faudrait continuer à le faire pour montrer que nous sommes nombreux au sein même de la société, et non pas des gens isolés et bizarres.»
Mario Fehr visite des synagogues
En fin de compte, ce n'est pas à la communauté juive de lutter contre l'antisémitisme. C'est à la société civile de le faire. «Il ne faut pas laisser quelqu'un tenir un propos antisémite et ne pas le contredire», déclare Jehuda Spielman. Ce week-end, la communauté juive a reçu le soutien des politiques dans sa lutte contre l'antisémitisme. Le président du gouvernement zurichois Mario Fehr a visité samedi trois synagogues zurichoises. Il a également porté une kippa lors de sa ballade dans la ville.
Au travers de cette action, le politique a voulu se montrer solidaire de la communauté juive, a-t-il expliqué. Un engagement clair envers la communauté juive, que cette dernière accepte volontiers. «Nous ne devons pas laisser la vie juive se restreindre en Suisse. Ce pourrait avoir des conséquences dramatiques», déclare le secrétaire général Jonathan Kreutner. «Cela signifiait aussi une capitulation complète face au terrorisme.»