Ils ont labouré les greens, creusé des trous pour y planter des légumes, écrit des tags sur le gazon... et déclenché une tempête médiatique. Ces deux dernières semaines, les actions de vandalisme d'activistes climatiques sur plusieurs terrains de golf en Suisse romande ont eu un immense écho, tant médiatique que politique.
En résumé? La droite s'est engouffrée dans la brèche, avec de multiples condamnations sur les réseaux sociaux et dans la presse. Marc-Olivier Buffat, membre du comité directeur du PLR Suisse, a dit tout le mal qu'il pensait de l'action et surtout de l'absence de condamnation de la gauche écologiste. Car Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale et présidente des Vert-e-s genevois, avait refusé de condamner l'opération militante sur le plateau du «19h30», avant de corriger le tir sur Twitter, puis dans une interview à Blick.
Beaucoup de bruit et de réactions, donc, mais une grande question jusqu'ici sans réponse: qui sont ces activistes? Sont-ils les mêmes que ceux qui se collent au bitume sur les autoroutes du pays? Nous avons voulu savoir qui se cache derrière «Grondements des Terres», le mouvement qui a revendiqué l'action de Lausanne.
Mais cela n'a pas été une mince affaire. Très prudents, nos interlocuteurs n'ont accepté de se livrer à Blick uniquement par email ou par téléphone – avec un numéro masqué. Le tout, de manière anonyme, «pour des raisons de sécurité». À noter qu'une plainte pour dommage à la propriété a été enregistrée par la police lausannoise, ce qui peut également expliquer la réticence des fauteurs de trouble à dévoiler leur identité.
Autre mystère: Grondements des Terres nous a assuré dès ses premiers messages n'être à l'origine que de la vandalisation du golf de Lausanne. Les sites de Payerne (VD) et Cologny (GE) auraient été saccagés quelques jours plus tard par d'autres groupes de militants, inspirés par cette première action.
Quelques centaines de personnes impliquées
Voici ce que Blick a tout de même appris: bien que très jeune (le groupe s'est formé il y a deux mois), celui-ci semble avoir du succès auprès de nombreux militants écologistes, et compterait régulièrement de nouveaux adhérents.
Combien sont-ils exactement? Difficile à évaluer. Si l'on en croit l'estimation de Nadia G.*, une des porte-paroles, ils seraient plusieurs centaines à avoir pris part aux assemblées et aux deux actions entreprises jusqu'à présent: l'occupation d'une forêt à Vufflens-la-Ville (VD) et la vandalisation dudit golf lausannois. «Bien que les militants et militantes participent à nos assemblées, ce ne sont pas forcément celles et ceux qui participent aux actions, ou vice-versa, et qu'il soit possible que certains ou certaines ne s'identifient pas aux Grondements des Terres», précise-t-elle au bout du fil.
L'un d'entre eux, contacté par Blick, donne l'image d'un profil tourné vers l'environnement: «J'ai choisi mon parcours professionnel par rapport à cette thématique, écrit-il par message anonyme. Je me suis aussi lancé dans le bénévolat et dans différents groupes, comme les Jeunes Vert-e-s, ou encore la Grève du Climat. Mais au fur et à mesure, j'ai trouvé que la politique actuelle n'avait pas les capacités nécessaires pour créer une société écologique et sociale assez rapidement. Alors, face à l'urgence, j'estime que les ZAD, blocages et désarmements, sont les solutions qu'il nous reste.»
Le golf, une cible toute trouvée
En ce qui concerne leurs intentions, ces activistes prônent une lutte écologique avant tout «territoriale et paysanne». Ils sont favorables à tout type d'actions pour le climat visant l'accaparement des territoires et des ressources. Ce pourquoi leur dernière victime en date était, selon eux, une cible symbolique toute trouvée: «Aller planter des patates et des topinambours sur un terrain de golf, c’est à la fois s’attaquer au quatrième sport le plus polluant au monde, ainsi que défendre une production alimentaire locale, diversifiée et bio», argumente Nadia G..
Mais dans un climat où les actes militants écolos ne cessent de faire scandale en Suisse et dans le monde, l'opération a eu le don d'irriter non seulement certains politiciens (comme nous le mentionnons plus tôt), mais aussi une frange de la société civile. Celle-ci même a manifesté son incompréhension sur les réseaux sociaux.
«Vous n'avez pas des moyens plus intelligents?»
«Si le golf de Lausanne n'existait pas, il a fort à parier que ce terrain serait bétonné...» commente un internaute sur Twitter. «Vous n'avez pas des moyens plus intelligents pour faire passer vos messages?», interpelle un autre.
Le militant anonyme contacté par Blick répond sans pincettes: «Vous voulez dire que planter des topinambours et des patates, c'est choquant?, écrit-il. Vous savez à quel point ces types en costard détruisent la planète? Ça, c'est choquant! Tout doit être fait pour éviter la destruction de l'environnement et de l'humanité.»
Il rebondit: «Les personnes qui jouent au golf sont les mêmes qui ont participé au Forum de Davos et à la débâcle de Credit Suisse. Les mêmes, qui dealent des matières premières, qui conduisent des SUV et qui jurent que tout ira bien... alors que les émissions de CO2 ont encore augmenté de 3% en 2021.» Pour ce dernier, la crise écologique est le résultat d'un système capitaliste promu par les élites... Et celles et ceux qui sont irrités par la vandalisation d'un terrain de golf en feraient partie.
Nadia G. confirme cette pensée: «Oui, certains de ces critiques font partie de l'élite économique et s'accrochent à leurs privilèges. D'autres ont envie de voir le mouvement écolo comme gentil et pacifique. Mais tant que l'on croit qu'il est possible de sauver la planète en ne questionnant pas son système, cela ne fonctionnera pas.»
En d'autres termes: ces opérations «choc» seraient tout à fait nécessaires, aux yeux du groupe. Avant d'ajouter: «Quoi qu'il en soit, nos actions jusqu'à présent étaient plutôt gentilles.»
«Nous ne sommes pas des écoterroristes»
Et il faudra s'attendre à davantage de grabuge de la part des Grondements des Terres. Celui-ci ne concernera pas forcément un club de golf, mais plutôt d'autres types d'actions militantes: «Si des personnes nous appellent à l'aide pour contrer un projet dans leur village, nous pourrions le faire», soutient la porte-parole.
Reste à savoir jusqu'où pourrait aller le groupe. Selon sa communicante, les Grondements des Terres seraient favorables à «monter en intensité». Elle refuse toutefois catégoriquement le terme d'«écoterroriste». «Je trouve cette qualification très problématique. Des gens peuvent être choqués que l’on plante des patates sur des terrains de golf et que l'on s'attaque à la propriété privée. Mais cela n'a rien à voir avec du terrorisme, nous ne nous en prendrons jamais à la vie humaine.»
Un indice de plus? «Je ne peux pas en dire plus pour des questions de sécurité. Les réactions des autorités sont de plus en plus violentes envers les militants et militantes pour le climat. Nous gardons un œil sur l'agro-industrie, la privatisation des terres, le bétonnage, l’artificialisation…» Les prochaines actions pourraient être réalisées dans les mois qui viennent.
*Nom anonymisé