Une vieille proposition est en train de refaire surface en Suisse: le Conseil fédéral examine la possibilité d'une taxe pour la main-d'œuvre qualifiée en provenance de pays tiers, rapporte le «Tages-Anzeiger» ce lundi. Il cherche ainsi à contrer, entre autres, l'initiative populaire «Pas de Suisse à 10 millions !» de l'UDC.
Déjà en 2014, après l'acceptation de l'initiative de l'UDC sur l'immigration de masse, cette proposition avait été avancée par les milieux économiques libéraux. Aujourd'hui, voilà l'idée remise sur la table. Le but est de rendre l'immigration plus chère et donc de la réguler par le biais d'une taxe. La Suisse deviendrait ainsi un pays à «droit d'entrée».
A lire aussi
Seuls ceux qui peuvent se permettre de rester ou qui sont d'une grande utilité pour leurs employeurs immigreraient. Une partie des recettes de cette taxe serait reversée à la collectivité afin de compenser les coûts engendrés par l'immigration, comme la raréfaction et le renchérissement des terres et des infrastructures. Seulement voilà: la taxe sur l'immigration est un sujet hautement controversé.
Le monde économique craint une aggravation de la pénurie
Le monde économique s'oppose fermement à cette idée. «La Suisse a besoin de chercheurs et de spécialistes provenant de pays hors de l'UE pour conserver sa position de pointe en matière de recherche et de développement», assure Rudolf Minsch, économiste en chef chez Economiesuisse. L'Union patronale suisse se montre également sceptique.
Diverses associations mettent en garde contre une aggravation de la pénurie de main-d'œuvre due à l'évolution démographique. Elles critiquent le fait que cette taxe se concentre de façon unilatérale sur les coûts de l'immigration et qu'elle ignore l'utilité des immigrés qualifiés pour l'économie suisse. Ces derniers contribueraient déjà au financement des infrastructures et des œuvres sociales par le biais des impôts et des taxes.
Les partis ont également exprimé leurs critiques dans le «Tages-Anzeiger». Le coprésident du PS Cédric Wermuth estime que la taxe touche les mauvaises personnes et qu'elle est la conséquence d'une politique d'implantation délibérée de la Suisse, avec des investissements trop faibles dans la formation et des impôts sur les entreprises trop peu élevés. Le conseiller national des Vert-e-s Balthasar Glättli demande de supprimer les obstacles bureaucratiques à la reconnaissance des formations des personnes ayant fui leur pays et d'améliorer la garde des enfants pour augmenter le taux d'activité des femmes.
Gerhard Pfister regrette l'absence de stratégie du Conseil fédéral
Le chef des Vert'libéraux Jürg Grossen estime également que cette taxe n'est pas la bonne solution, et le président du Centre Gerhard Pfister parle lui aussi d'une «proposition mal ficelée». Il ne voit aucune stratégie permettant au Conseil fédéral de lutter efficacement contre l'initiative de l'UDC. Fin juin, le Conseil fédéral a annoncé qu'il ne répondrait pas à l'initiative par un contre-projet, mais par des «mesures d'accompagnement».
L'UDC fait également part de son mécontentement. Le chef du groupe parlementaire Thomas Aeschi souligne que la Suisse doit également être plus sélective en matière d'immigration en provenance de l'UE. Seule l'initiative populaire de l'UDC permettrait d'endiguer l'immigration à long terme. En revanche, les entreprises actives au niveau international comme Google, Nestlé ou Novartis restent pour le moment silencieuses sur ce qu'elles pensent d'une éventuelle taxe sur l'immigration.
Même le Conseil fédéral semble peu convaincu par cette mesure, car il veut éviter les conflits avec l'UE. Une taxe d'immigration pour les citoyens de l'UE serait incompatible avec la libre circulation des personnes. Le ministre de la Justice Beat Jans a souligné au printemps au Parlement qu'une telle taxe limiterait les droits de libre circulation et serait difficilement acceptable pour les partenaires européens.