Le Conseil fédéral ne fait pas mystère de son scepticisme face à la proposition émanant de l'UDC. «Aucun scénario ne prévoit des procédures d'asile délocalisées à l'étranger», explique Samuel Wyss, du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM).
Au contraire, le gouvernement continue de miser sur «des procédures d'asile rapides et équitables avec une exécution conséquente des renvois pour les personnes qui n'ont pas besoin de protection.»
Dans une interview accordée à Blick, le président de l'UDC, Marco Chiesa, demandait que les requérants d'asile entrés illégalement en Suisse soient expulsés vers un pays africain. Cette proposition fait écho à un projet du gouvernement britannique d'expulser vers le Rwanda les migrants entrés illégalement en Grande-Bretagne.
Compatible avec le droit?
Sous l'ancien Premier ministre Boris Johnson, Londres avait conclu un accord controversé avec le Rwanda afin d'expulser par avion les demandeurs d'asile vers ce pays d'Afrique de l'Est. Leurs demandes d'asile seront désormais examinées au Rwanda et non plus en Grande-Bretagne. Des projets similaires sont discutés depuis longtemps au Danemark.
Tandis que des voix considèrent ce système comme illégal, Marco Chiesa est convaincu de sa compatibilité avec la Convention de Genève sur les réfugiés. L'homme fort du premier parti du pays réclame donc que la Suisse externalise à son tour ses demandes d'asile.
Ce qui explique que le Tessinois formule une telle demande des mois après le projet britannique, c'est la situation actuelle en Italie. Le nouveau gouvernement transalpin a rompu unilatéralement les accords en vigueur du système Schengen-Dublin. L'Italie n'accepte plus de récupérer les migrants déboutés dans les autres pays européens qui sont entrés par son territoire sur le Vieux-Continent.
184 personnes bloquées en Suisse
En clair, en raison de l'arrivée en permanence de nouveaux migrants par la Méditerranée, Rome a arrêté d'accepter les «réfugiés Dublin». La Suisse devrait renvoyer vers l'Italie 184 personnes, puisque c'est ce pays qui est responsable de ces personnes en tant que premier point d'entrée en Europe. Or, pendant que l'Italie dit «no», ces requérants restent sur les bras des cantons suisses, déjà sous pression en raison de leurs limites en matière d'hébergement.
Le Conseil fédéral ne veut pas pour autant s'écarter de sa politique d'asile actuelle. Il estime qu'une externalisation des procédures d'asile n'est «pas réalisable». Cela soulèverait en effet des questions juridiques complexes, en plus de la nécessité de passer des accords avec les pays tiers qui seraient prêts à mettre en place des centres de procédure correspondants dans leur pays.
«Il faudrait, de plus, obtenir de ces Etats des garanties que des normes procédurales suffisantes sont respectées, ainsi que les droits humains», soulignait déjà le Conseil fédéral dans sa réponse à des demandes similaires par le passé.
Baume-Schneider ne devrait pas serrer la vis
Le gouvernement semble plutôt partager les inquiétudes du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, selon lesquelles les requérants d'asile transférés au Rwanda «n'ont pas accès à une procédure équitable et efficace pour déterminer leur statut de réfugié».
Les sept Sages préfèrent se ranger derrière la réforme de l'asile introduite en 2019 dans notre pays, qui a entraîné une nette diminution des demandes d'asile. Seuls 2% environ de toutes les demandes d'asile en Europe seraient actuellement déposées en Suisse. Le Conseil fédéral veut continuer sur cette voie.
Il est difficile d'imaginer que la nouvelle conseillère fédérale socialiste Elisabeth Baume-Schneider, en tant que ministre de la Justice, serrera la vis dans ce domaine par rapport à la pratique de Karin Keller-Sutter (PLR).
Volte-face italienne en 2023?
De plus, les autorités suisses partent du principe que l'Italie reprendra bientôt les réfugiés Dublin. Il a été annoncé que ce serait à nouveau le cas à partir de Noël. «Et Noël est maintenant passé, relève le porte-parole du SEM Samuel Wyss. Mais il est important de souligner que ces dernières années, l'Italie n'a pas non plus accepté de transferts Dublin pendant les Fêtes de fin d'année, jusqu'à l'Epiphanie, le 6 janvier, inclus.»
«Le SEM s'attend à ce que la suspension soit levée après les Fêtes de fin d'année», précise Wyss. «Cette attente est partagée par les autres Etats Dublin concernés».