L'année électorale ne commence pas sous les meilleurs auspices pour Nuria Gorrite. Le jour de l'An, un communiqué annonçait que la cheffe du gouvernement vaudois se trouve à l'isolement jusqu'au 6 janvier en raison d'un test positif au Covid. Rien de sensationnel jusqu'ici: d'autres membres de l'exécutif cantonal ont connu cette mésaventure par le passé.
D'après les règles en vigueur, le fait que l'isolement prenne fin le 6 janvier atteste de symptômes au plus tard le 28 décembre. Ce simple calcul mathématique devient très piquant à la lueur d'une information dont dispose Blick: le 29 décembre, soit mercredi dernier, la ministre socialiste a fait la fête dans un restaurant de Crans-Montana, en Valais.
Une soirée que Nuria Gorrite pourrait amèrement regretter depuis son isolement à domicile. La cheffe du gouvernement du plus grand canton romand a non seulement créé l'esclandre — nous y reviendrons —, mais elle doit surtout répondre à une question particulièrement sensible: s'est-elle rendue dans un établissement public avec des symptômes du Covid?
Selon les calculs du médecin cantonal vaudois, l'élue était déjà symptomatique au moment où elle a passé la soirée avec six de ses amis. Elle ne savait évidemment pas qu'elle était positive au Covid — s'étant de plus soumise à des autotests négatifs — mais souffrait de «légers picotements dans la gorge» (lire ci-dessous).
«Ils étaient debout et sans masque»
Histoire de «saler l'addition», plusieurs images que nous avons pu consulter montrent la cheffe du gouvernement vaudois debout sans masque dans le restaurant, un comportement contraire aux règles en vigueur. Contacté, le personnel de l'établissement confirme les faits. «Ils étaient debout sur une plateforme en attendant qu'on les mette à table, rapporte une serveuse. Tout le groupe de madame Gorrite ne portait pas de masque.»
Après les règles sanitaires, la troupe a entravé les règles de bienséance. D'après nos informations, de nombreux clients de plusieurs tables se sont plaints du comportement de la conseillère d'État et de ses camarades de tablée auprès du personnel de l'établissement. «Ils avaient manifestement beaucoup bu, ils ne faisaient que de crier et dérangeaient tout le restaurant, se désole une responsable. Leur comportement n'a pas changé malgré plusieurs remises à l'ordre.»
Présent à la table à côté de la conseillère d'État, un client se dit «absolument outré» du comportement de l'élue. N'ayant «jamais vu cela de sa vie dans un restaurant», il a entamé le dialogue avec Nuria Gorrite, qu'il a prise à partie. «Je lui ai dit qu'on avait instauré le 30 km/h à Lausanne la nuit pour limiter les nuisances sonores, et qu'il fallait prendre des mesures pour qu'elle respecte les autres clients au restaurant» explique le témoin à Blick. Une attaque que n'aurait pas goûtée les proches de la conseillère d'État. «Ils m'ont répondu 'Et si c'était Pascal Broulis, vous auriez osé dire la même chose'?»
Serveurs surpris par son CV
La tension n'est pas retombée par la suite. Lorsque notre témoin et ses acolytes ont quitté le restaurant, ils auraient été gratifiés pour toute excuse d'un «bon débarras» par les membres de la tablée de Nuria Gorrite. «Elle est cheffe des ressources humaines: comment peut-on se comporter de cette manière en public?», interroge le client.
Le personnel de l'établissement n'avait, lui, pas connaissance du CV de Nuria Gorrite. «Nous sommes tous Français et, désolé de le dire ainsi, mais nous ne nous intéressons pas beaucoup à la politique suisse», confesse la responsable. Celle-ci a été d'autant plus surprise d'apprendre qu'il s'agissait de la cheffe du gouvernement du plus grand canton romand.
«Même un client que je sers souvent et qui est adorable est venu se plaindre du comportement de cette table, poursuit la tenancière. Effectivement, ils ont déconné.» À l'avenir, l'établissement réexaminerait attentivement l'opportunité de recevoir la conseillère d'État, du moins si elle ne se comporte pas plus convenablement.
La ministre s'excuse
Contactée, Nuria Gorrite explique qu'après contrôle de son certificat Covid, son groupe a été invité à patienter en consommant un verre au bar. Elle confirme avoir consommé brièvement debout et sans masque en attendant qu'une table se libère. «Sur le moment, il ne m'est pas apparu que cette proposition du restaurant ne respectait pas les règles en vigueur qui auraient commandé que nous consommions assis. À une époque où les autorités demandent à chacune et chacun de respecter les règles sanitaires, je regrette mon erreur sur le moment et je souhaite m'en excuser.»
Au sujet de sa conduite dans l'établissement, Nuria Gorrite estime que son groupe d'amis «de sa sphère privée» était «à la fête, dans l'ambiance bruyante et animée au sein de ce restaurant de montagne». Elle confesse avoir «parlé fort, ri et même chanté à deux reprises». «Comme tout le monde après deux ans de pandémie, j'ai besoin de retrouver de la légèreté et faire la fête avec mes amis est la manière qui me convient». La socialiste reconnaît que son niveau de décibels a été «élevé», mais met cela sur le coup de son caractère de bonne vivante, «comme un article de Blick l'a relevé il y a un mois».
Néanmoins, là aussi, la conseillère d'État formule des excuses. «Je suis désolée que des personnes aient été importunées par le bruit de notre groupe d'amis d'humeur joyeuse. Je regrette par ailleurs que ce problème n'ait pas été réglé en personne et sur place et qu'elles ont estimé nécessaire de recourir à la presse pour une question de voisinage de table», riposte Nuria Gorrite. Selon elle, sa seule interaction à l'intérieur du restaurant a été, outre des remontrances «une fois» de la serveuse, «une personne de la table voisine sur un reproche lié à sa couleur politique».
«J'ai fait cinq autotests négatifs»
Voilà pour le volet «bonnes moeurs». Quid de l'infection au Covid confirmée par communiqué de l'État de Vaud le jour de l'An? La conseillère d'État se justifie. Voici sa réponse: «Je suis pleinement vaccinée et ai reçu mon booster le 16 décembre. Soucieuse de protéger mon entourage, j’ai également effectué 5 autotests entre le début de mon séjour à Crans-Montana le 25 décembre et le 31 décembre. Durant toute cette période, je me sentais très bien. Les résultats se sont d’ailleurs tous avérés négatifs jusqu’au 31 décembre où un nouvel autotest réalisé ce jour-là a donné un résultat positif».
La ministre vaudoise affirme avoir pris immédiatement contact avec l’Office du médecin cantonal vaudois et avoir réalisé en parallèle un test PCR qui a confirmé cette contamination. «Je suis aussitôt rentrée me mettre en isolement à mon domicile. Par souci de transparence, j’ai fait envoyer un communiqué de presse le 1er janvier expliquant ma situation.»
Dans le cadre de son entretien avec l’Office du médecin cantonal vaudois, ce dernier a cherché à préciser le début de l'infection afin de fixer les dates de l'isolement de Nuria Gorrite. «Il a évalué que de très légers picotements que j’avais ressentis au fond de la gorge autour du 28 décembre pouvaient rétrospectivement être considérés comme de premiers symptômes supposés. Il a donc fixé la date de fin de mon isolement au 6 janvier compris, en comptant 10 jours dès cette date supposée du 28 décembre.»
La cheffe du département des infrastructures et des ressources humaines tient à préciser que, sur le moment, ces légers picotements ne lui ont pas paru être des symptômes du Covid, en raison de sa «forme physique parfaite» et des autotests négatifs. «Ce n’est qu’en y réfléchissant a posteriori lors de la discussion avec le médecin cantonal que cette hypothèse a été soulevée», affirme Nuria Gorrite. Concernant les mises en quarantaine d’éventuels cas contacts, «cela ne concernait pas les personnes guéries ou vaccinées depuis moins de 12 mois, conformément à la règle dite des 2G».