«Une déclaration de guerre»
La France revendique le Gruyère!

Des publicités françaises affirmant que «Le Gruyère, c'est nous» ont suscité quelques émois sur les réseaux sociaux. Philippe Bardet, directeur de l'Interprofession du Gruyère dans sa version originale, s'en amuse.
Publié: 05.10.2021 à 13:25 heures
|
Dernière mise à jour: 05.10.2021 à 16:54 heures
8 - Adrien Schnarrenberger - Journaliste Blick.jpeg
Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

De Bulle à Albeuve en passant par La Roche, c’est la mobilisation. La cause? Des publicités qui fleurissent en France, notamment sur les trams de Besançon. Le slogan: «Le Gruyère, c’est nous».

Il n’en fallait pas davantage pour toucher la corde sensible des Gruériens, aussi attachés à leur bout de terre qu’à leur fromage. «La guerre, maintenant!», «Aux armes, citoyens!» ou encore «Ils seront utiles, ces F-35, finalement»: sur les réseaux sociaux, les réactions fusent, à mi-chemin entre offense et second degré.

Le feu identitaire brûle-t-il aussi du côté des gardiens du temple, la fameuse Interprofession du Gruyère? Philippe Bardet, le directeur, s'amuse de notre téléphone. «Le slogan est un peu provocateur, c'est vrai, mais je trouve que c'est de bonne guerre. C'est peut-être parce que je suis Broyard et non Gruérien AOP!»

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Une bataille de longue date

Plus sérieusement, l'homme fort du fromage fribourgeois explique que les deux entités (l'Interprofession du Gruyère et Gruyère France) s'entendent bien. Même si le Covid a provoqué l'annulation de la traditionnelle rencontre annuelle et a peut-être fait tourner les têtes de l'autre côté de la frontière, relève-t-il avec humour.

Attention: le Gruyère est une affaire sérieuse avec laquelle on ne badine pas. Cela tombe bien: le directeur de l'Interprofession, très pédagogue, aime les histoires. L'homme nous raconte que l'entente franco-suisse autour du trésor laitier n'a pas toujours été un long fleuve tranquille — loin de là.

«La protection du Gruyère a commencé en 1930 à Rome, lors d'une convention internationale pour la protection des dénominations. Dans la foulée, les magistrats Émile Savoy puis surtout Benard de Gottrau se sont beaucoup battus contre un Gruyère d'origine française, une thèse qui leur était insupportable», raconte Philippe Bardet.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Seule condition: les trous

Néanmoins, la convention internationale de Stresa sur les fromages, en 1951, a reconnu l'origine française et a fait du Gruyère une propriété franco-suisse, malgré l'onomatisme (le produit est baptisé d'après la région d'origine, la Gruyère). Depuis, et cela a été confirmé tant dans les années 1980 que récemment, les deux pays possèdent un droit d'utilisation.

Une garde partagée qui tient à une condition sine qua non: contrairement au fromage suisse, le Gruyère France doit impérativement avoir des trous «d'une taille allant du petit pois à la cerise», explique Philippe Bardet, satisfait du régime actuel. Contrairement à l'Emmental helvétique qui souffre d'un «trou de protection», précise-t-il «sans mauvais jeu de mots».

Dans les faits, la «vraie» bataille pour la paternité du Gruyère n'est pas livrée à son cousin français mais à d'autres fromages qui se prétendent être du Gruyère sans trous. «Là, ça nous dérange. Nous sommes intervenus pas plus tard qu'il y a quelques semaines en Roumanie», poursuit le Fribourgeois.

Carton pendant le Covid-19

Les volumes français sont, de toute manière et quel que soit le slogan utilisé, incomparables avec ceux enregistrés en Suisse, infiniment plus importants. Et Philippe Bardet est un homme comblé. «Je viens d'avoir les chiffres d'exportations du mois d'août. Par rapport à l'année passée, qui était déjà un record, nous sommes largement en avance: 660 tonnes de plus que les 13'000 enregistrées à la même période en 2020», note-t-il.

Les ventes indigènes sont en très léger recul. Les chiffres 2021 sont bons, mais ceux de 2020 étaient exceptionnels. La faute aux (ou grâce aux)... «confinements» de l'an dernier. «Lorsqu'ils étaient bloqués à la maison, les Suisses se sont réfugiés dans le Gruyère. Ils en mangent plus volontiers chez eux qu'au travail ou au restaurant.»

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la