Le Parti socialiste (PS) est dans le dur. Il a perdu six sièges dimanche lors des élections au Grand Conseil bernois. Cette défaite vient alimenter une addition toujours plus salée de 45 mandats perdus dans les cantons, davantage que toutes les autres formations politiques.
En ce lendemain qui déchante, Blick est allé à la rencontre de Mattea Meyer, coprésidente du parti à la rose. Autour d'un verre d'eau minérale, la Zurichoise de 34 ans n'a pas voulu se défaire de son optimisme, à un an et demi des élections fédérales de 2023.
Codiriger un parti qui enchaîne les défaites électorales, est-ce que ça donne toujours du plaisir?
Mattea Meyer: Oui. Il y a de nombreux chantiers pour une meilleure politique. Nous avons obtenu la poursuite des aides dans le cadre du Covid, par exemple, parce que nous nous sommes beaucoup battus. Je préfère regarder vers l'avant d'un oeil optimiste.
Qu'est-ce qui vous donne cette foi à toute épreuve, en dépit de tels résultats électoraux?
Tout seuls, nous avons évité l'abolition du droit de timbre. Nous venons de lancer une initiative pour des crèches qui bénéficie d'un large soutien. Et avec notre initiative sur un fonds climat, conjointement avec les Verts, nous montrons comment rendre notre pays indépendant du gaz et du pétrole. Le PS a des réponses concrètes aux grands défis de notre époque comme la crise climatique ou les inégalités qui persistent.
Mais les électeurs semblent voir les choses différemment.
Les pertes sont douloureuses, oui. Il faut gagner des élections pour pouvoir changer les choses. Mais il faut remettre ces résultats dans leur contexte: il y a eu la vague verte de 2019, et elle se manifeste désormais dans les scrutins cantonaux. Dans de nombreux cantons, nous étions longtemps bien plus forts que les Verts ou les Vert'libéraux, et les choses s'équilibrent un peu. Sur le long terme, nous sommes en train de nous stabiliser, mais à un niveau trop bas. Une chose est sûre: nous n'allons pas nous en contenter!
Si cela continue, le PS devra céder l'un de ses deux sièges au Conseil fédéral aux Verts...
Il y a aujourd'hui une majorité au Conseil fédéral de deux représentants de l'UDC et deux du PLR, quand bien même ces deux formations n'ont pas la majorité au Parlement. Cela ne reflète pas ce que souhaite la population. Le PS est le deuxième parti en termes de force électorale et a donc droit à deux sièges au Conseil fédéral. Je suis convaincu que cela ne changera pas après les élections nationales de 2023. La question n'a donc pas lieu d'être.
Et si les Verts venaient à être plus forts?
Encore une fois: nous sommes le deuxième parti du pays, devant le PLR. Nos deux conseillers fédéraux font un bon travail et jouissent du soutien d'une grande partie de la population. Imaginez qu'Ignazio Cassis ait été en charge du département de la Santé lors de la crise du Covid... Qu'a-t-il fait au début de la guerre en Ukraine? Il est brièvement venu devant la presse dire que c'était un jour triste et au revoir merci. Pour moi, ce n'est pas une attitude digne d'une telle situation de crise.
Mais, depuis, il s'est clairement rangé du côté de l'Ukraine.
Il a mis bien trop longtemps à s'engager en faveur de sanctions contraignantes en tant que président de la Confédération. Nous payons ce retard en ce qui concerne leur mise en oeuvre. Et il n'est pas concevable que ce soit simplement une obligation de déclaration. Si un bénéficiaire de l'aide sociale est soupçonné d'avoir perçu de l'argent de manière abusive, il a des détectives privés sur le dos. Et lorsqu'il s'agit de Russes sanctionnés, une obligation d'annonce suffirait? Le département de l'Économie n'a même pas pris la peine de former correctement les cantons.
Votre parti s'est surtout fait remarquer avec des manifestations pour la paix. Est-ce que cela suffit? Ou la Suisse devrait plutôt livrer des armes à l'Ukraine?
Il est important de revenir à un mouvement de politique de paix. Depuis le début de la guerre, le PS s'engage pour que nous agissions là où c'est le plus pertinent: sanctionner les milliards des oligarques et le commerce des matières premières. En tant que pays militairement neutre, nous ne pouvons pas livrer d'armes. C'est normal. Mais nous devrions fournir des casques ou des gilets de protection à la population civile, au personnel médical ou aux pompiers.
Certaines régions allemandes envisagent d'interdire l'emblème «Z» utilisé par la Russie pour représenter cette action militaire. La Suisse devrait-elle en faire de même?
De la même manière que l'on devrait interdire les symboles nazis, on devrait aussi y réfléchir pour le «Z». Je trouve totalement incompréhensible que quelqu'un se solidarise avec Vladimir Poutine en arborant ce sigle. Mais le problème est bien plus grand lorsque le plus grand parti du pays, l'UDC, joue la carte de la compréhension avec Vladimir Poutine et légitime et soutient indirectement ses actions. C'est dangereux.
Qu'entendez-vous par là?
Le jour où la guerre a éclaté, fin février, la «Weltwoche», qui est le journal de l'UDC, a écrit qu'il fallait espérer que Vladimir Poutine «ramène l'Occident à la raison». Et il n'y a pas eu de tollé à l'interne. Cela montre la sympathie au sein de l'UDC pour des hommes autocratiques qui bafouent les droits des femmes et des personnes LGBT, tout comme le droit des gens à vivre en paix et en liberté. Je m'inquiète de voir le PLR et le Centre marcher main dans la main avec cette formation.
N'est-ce pas le fait que les alliances bourgeoises fonctionnent qui vous irrite?
L'UDC ne fait pas qu'afficher de la compréhension pour la guerre d'agression de Poutine, elle a également dénigré notre conseiller fédéral en le qualifiant de «dictateur du Covid», en plus d'autres attaques racistes. Et cela n'affecte pas du tout le PLR et le Centre! Je ne comprends pas que leurs présidents respectifs Thierry Burkart et Gerhard Pfister puissent continuer de hausser les épaules et distribuer indirectement des sièges dans les exécutifs à l'UDC. Ils légitiment ainsi l'attitude digne de Donald Trump de l'UDC et détournent le regard lorsqu'elle foule aux pieds nos valeurs démocratiques.
Ce n'est pas qu'une alliance électorale: ils ont abouti en commun à une réforme de la prévoyance vieillesse.
En réduisant les rentes des femmes et en accordant des cadeaux fiscaux aux riches et aux grands groupes, comme avec la suppression de l'impôt anticipé? Les bourgeois font de la politique sur le dos des habitants de ce pays. Une femme sur quatre n'a que l'AVS à la retraite, une femme sur deux doit vivre avec moins de 3000 francs par mois. Parallèlement, la Banque nationale est assise sur plus de 100 milliards de francs de fortune qui appartient au peuple et pourrait être redistribuée équitablement à la population par le biais de l'AVS.
L'AVS doit être assainie. Les femmes devraient aussi y contribuer, non?
En tant que jeune femme, je sais que je travaillerai aussi longtemps que mon coprésident Cédric Wermuth, par exemple.
Il ne travaillera que jusqu'à 64 ans?
(Rires) Je le dis de manière symbolique. Pour les hommes et les femmes de ma génération, il sera évident que l'âge de la retraite sera le même pour les deux. Parce que je suis convaincue que notre politique d'égalité passant par davantage d'égalité salariale ou plus de places de crèches sera un succès.
Vous allez donc voter oui cet automne?
Justement pas! Le relèvement de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans touche la mauvaise génération, celle de nos mères. Des femmes qui ont travaillé pendant des années sans être payées ou pour de bas salaires et qui n'avaient pas de crèches. Je ne suis pas prête à faire payer à ces femmes, une fois de plus, les manquements de la politique. La compensation prévue est absolument insuffisante.
À vous entendre, plus tard, la retraite pour tous à 65 ans sera acceptable?
L'égalité de l'âge de la retraite sera acceptable pour ma génération, car les femmes et les hommes pourront beaucoup mieux concilier vie professionnelle et vie familiale — grâce à notre politique. Le choix de l'âge de la retraite est d'ailleurs une question éminemment politique: allons-nous dépenser notre argent public pour abaisser l'âge de la retraite pour tous ou pour faire des cadeaux fiscaux à quelques-uns?
Passons à un tout autre sujet: début avril, les dernières mesures de lutte contre le Covid sont appelées à tomber alors que les cas d'infection restent à un niveau élevé. Est-ce une bonne idée, selon vous?
Avec le nombre élevé de cas, je pense qu'il serait judicieux de maintenir l'obligation de porter un masque dans les transports publics. Cela permettrait de protéger les personnes vulnérables. Je maintiendrais également l'obligation d'isolement.
La taskforce Covid a même évoqué une obligation vaccinale dans l'optique de cet automne. Qu'en pensez-vous?
La préparation de l'automne est capitale! À cet égard, je considère que les cantons ont surtout un devoir à remplir. Je compte aussi sur les tests gratuits qui aident à endiguer le virus. Mais je ne crois pas à une vaccination obligatoire. L'accent doit continuer à être mis sur la manière dont la sensibilisation permet de lever le scepticisme des personnes inquiètes face à la vaccination.