La cheffe de CSS, Philomena Colatrella
«Le système hospitalier doit être plus efficace»

Pour la première fois en douze ans, les primes d'assurance maladie diminuent. Blick s'est entretenu en exclusivité avec la patronne de la CSS, Philomena Colatrella. Selon elle, de nombreuses réformes deviennent urgentes.
Publié: 29.09.2021 à 06:44 heures
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Dernière mise à jour: 29.09.2021 à 07:38 heures
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«Sans réformes, il ne sera pas possible de freiner durablement les coûts», dit Philomena Colatrella.
Photo: Philippe Rossier
Christian Kolbe (Interview), Philippe Rossier (Photos), Alexandre Cudré (adaptation)

Chaque automne, c’est la même histoire. Une partie importante de la population tremble à l’approche de l’annonce de l’augmentation du prix des primes maladies et attend de pied ferme la conférence de presse du Conseil fédéral.

Cette année, la crainte n’était pourtant pas justifiée. Pour la première fois depuis quinze ans, le montant moyen de primes maladies va baisser. Philomena Colatrella, CEO de CSS, qui réduira ses primes d’environ 3% en 2022, évoque avec Blick les primes, les réformes autour des coûts et la pandémie.

La pandémie de Covid-19 n’a pas vraiment ralenti la hausse des coûts de la santé. Pourquoi les primes sont-elles subitement en diminution?
La pandémie a entraîné une plus faible augmentation des coûts, notamment en raison du report de beaucoup d’opérations. Cependant, il s’agit d’un effet à court terme. À cela s’ajoute la réduction des réserves.

Y a-t-il une menace de choc des primes dans les prochaines années?
Il est clair que nous sommes dans une situation particulière en ce moment. L’évolution des primes dépend du nombre de demandes de prestations. Mais ce nombre ne diminue pas vraiment. Sans réformes, il ne sera pas possible de réduire durablement les coûts.

La CSS fait baisser les primes de manière significative. Est-ce parce que votre compagnie a perçu des primes trop élevées ces dernières années?
Non, nous avons toujours fait des calculs serrés. Nous pouvons réduire la prime de 1,1% en moyenne parce que nous avons eu moins de dépenses que prévu. Les primes sont des prévisions basées sur l’année précédente. Cette évolution n’était pas prévisible à l’époque. En conséquence, les réserves ont augmenté. Nous réagissons maintenant en réduisant une partie de nos réserves. Nous réduisons donc nos primes de 2,8% l’année prochaine.

CSS s’est jusqu’à présent abstenue d’effectuer des remboursements. D’où vient ce retournement? Est-ce dû à la pandémie?
Ces dernières années ont été marquées par de très bons investissements. Cela signifie que même avec des primes calculées au plus juste, les réserves ne peuvent plus être réduites et nous avons décidé de rembourser 90 millions de francs à nos assurés l’année prochaine.

Pourquoi les réserves sont-elles réduites maintenant?
C’est lié à une nouvelle réglementation. Les compagnies d’assurance peuvent volontairement réduire une partie de leurs réserves. Après la réduction, la CSS dispose toutefois encore d’une marge suffisamment importante pour la potentielle prochaine pandémie ou un krach boursier.

Avant le Covid-19, on avait tendance à penser qu’il y avait trop d’hôpitaux et trop de lits. Est-ce toujours vrai?
Oui. Il y a encore beaucoup d’hôpitaux, si l’on compare avec d’autres pays, c’est pour cela que les réformes sont importantes. Le système hospitalier doit devenir plus efficace, davantage d’interventions doivent se faire en ambulatoire plutôt qu’en stationnaire.

N’est-il pas plus judicieux de garder des lits de soins intensifs en réserve?
Non. Cela coûte très cher et ne mène pas au but recherché à cause du manque de personnel. Il est important que les différents acteurs du système de santé continuent à se parler afin de pouvoir garantir des soins de qualité.

Parler, cependant, ne réduit pas les coûts. Où est-il encore possible de réaliser des économies?
Nous avons trois pistes à ce sujet. Premièrement, le financement uniforme des prestations hospitalières ambulatoires et stationnaires, de sorte que les interventions ambulatoires soient plus nombreuses. Il est ensuite nécessaire de poursuivre le développement des soins intégrés. Et enfin, il faut actualiser les structures tarifaires, comme le nouveau tarif Tardoc pour les médecins. Ce sont les principaux piliers des réformes.

Vous parlez de soins intégrés, par exemple le modèle du médecin de famille. Existe-t-il encore vraiment des personnes qui n’ont pas un modèle de ce genre, moins cher, et disposent encore de l’assurance de base?
Ces modèles correspondent en effet à 70% de nos assurés. Mais il s’agit de mettre en place les bonnes incitations et convaincre les 30% restants.

De quel genre de personnes s’agit-il?
Nous ne connaissons pas les profils exacts. Mais il est important que certains patients, qui souffrent de maladies chroniques par exemple, choisissent ces modèles. De cette façon, leur traitement pourra être mieux pris en charge.

Beaucoup de gens se disent fatigués par la pandémie. Et vous?
Je ressens la même chose. Cette situation me fatigue beaucoup. D’un autre côté, j’ai fini par l’accepter. Et puis il y a des moyens de faire face à la pandémie. J’ai été vaccinée, je fais attention dans les grands rassemblements de personnes, je garde mes distances et je respecte les mesures d’hygiène.

La CSS incite-t-elle ses employés ou ses clients à la vaccination?
Non. Mais nous les informons et les sensibilisons.

Est-il concevable de réduire les prestations pour les personnes non vaccinées?
La suppression des prestations pour les personnes non vaccinées n’est pas une option. C’est un «no-go». Nous ne sommes pas autorisés à le faire et nous ne le ferons pas. Un système d’assurance maladie solidaire ne fait pas ce genre de choses.

Le système de santé va-t-il être influencé à long terme par la pandémie?
Cela n’est pas encore très clair. Vous savez, au plus haut de la pandémie, beaucoup de gens hésitaient à aller chez le médecin. La demande de services de télémédecine, d’analyse de symptômes en ligne ou de consultations téléphoniques a augmenté d’un tiers. Cette tendance se poursuit à l’heure actuelle. Le système de santé a passé ce «stress test».

Mais n’est-ce pas la Confédération qui a payé pour tout cela? Donc le contribuable.
Ce n’est pas vrai. Dans une première phase, les caisses d’assurance maladie ont pris en charge les coûts des tests. À elle seule, la CSS a déboursé 80 millions de francs suisses supplémentaires l’année dernière à cause de la pandémie. Les coûts pour tous les assureurs s’élèvent pour l’instant à 700 millions de francs, que nous avons pu amortir grâce à nos réserves.

Et pour la vaccination?
La CSS a payé 24 millions de francs pour les vaccinations jusqu’à fin juin 2021.

Quel sera le coût total de la vaccination pour la CSS?
Les estimations sont difficiles en ce moment. Nous ne savons pas quelle proportion de la population sera finalement vaccinée et si des rappels ou des vaccinations annuelles seront ajoutés.

La pandémie affecte aussi les gens psychologiquement. Qui sont les personnes les plus touchées?
Nous constatons une augmentation des services en psychiatrie ambulatoire pour les jeunes. Les résultats de notre étude sur la santé vont dans le même sens: les jeunes femmes jusqu’à 30 ans souffrent particulièrement des conséquences psychologiques de la pandémie. Cette tranche d’âge est aussi celle qui utilise le plus fréquemment nos services numériques pour les troubles anxieux.

Les hôpitaux modernes disposent de chambres simples ou doubles. Les assurances complémentaires sont-elles encore nécessaires?
Les assurances complémentaires sont un besoin de nos clients. Il ne s’agit pas seulement du choix de la chambre et du niveau de confort, mais aussi du libre choix du médecin. Et la possibilité de fournir certaines innovations médicales comme les thérapies numériques. Nous devons montrer le plus clairement possible quelle valeur ajoutée nos clients obtiennent, car ce marché est important.

Tellement important que l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a tapé sur les doigts des assureurs à ce sujet…
Ce que la Finma a exhorté les assureurs et, indirectement, les hôpitaux à faire, c’était d’assurer la transparence et d’obtenir des factures d’hôpital propres. Il est important de tracer une ligne claire entre les prestations de l’assurance de base et les prestations d’assurance complémentaire.

La CSS a-t-elle également mis fin à ses contrats avec les hôpitaux?
Oui, nous avons mis fin à 116 contrats, l’année dernière. Nous ne voulons désormais que des contrats dans lesquels les prestations supplémentaires de l’assurance complémentaire sont clairement indiquées. Nous sommes en négociation avec tous ces hôpitaux.

Qu’est-ce que cela signifie pour les clients?
Nous ne laissons jamais nos clients en plan. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour trouver des solutions provisoires avec les hôpitaux.

Opposent-ils de la résistance?
La plupart d’entre eux ont compris que les choses ont changé sur le marché de l’assurance complémentaire.

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