«Je soutiens cette opération»
Slava Bykov choque en justifiant l'invasion de l'Ukraine

Voilà des propos qui risquent de faire grand bruit dans le canton de Fribourg et pas seulement: la légende du hockey sur glace Slava Bykov a accordé une interview à un média de son pays d'origine. Et il défend sans réserve les agissements de Vladimir Poutine.
Publié: 09.06.2022 à 12:52 heures
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Dernière mise à jour: 09.06.2022 à 14:22 heures
Slava Bykov affiche un soutien entier à Vladimir Poutine.
Photo: Keystone
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Les personnalités russes en Suisse sont rares. Celles à être sorties de leur silence depuis le début de l'invasion russe en Ukraine encore plus. L'interview accordée par Slava Bykov à un média de son pays d'origine en est d'autant plus retentissante.

La légende du hockey sur glace s'est en effet exprimée dans un entretien fleuve accordé au média en ligne Absatz. À la faveur des outils de traduction automatiques et des réseaux sociaux, les propos tenus par Slava Bykov commencent déjà à faire du bruit en Suisse romande et en particulier à Fribourg, où l'ancien No 90 (61 ans) a gardé le statut de demi-dieu depuis ses exploits sous le maillot de Gottéron.

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Blick a sélectionné et traduit du russe les principaux extraits de l'entretien. De la légitimation de l'«opération spéciale» au retour de bâton des sanctions contre la Russie sur les occidentaux, l'ancien roi de la glace russe semble vouer une fidélité absolue à Vladimir Poutine, avec qui il s'est souvent affiché. Rappelons aussi que Slava Bykov, installé avec sa famille à Marly (FR), a conduit deux fois l'équipe nationale russe au titre de champion du monde (2008 et 2009).

«Les Suisses se punissent eux-mêmes»

L'entretien commence pourtant de manière anodine. «L'été est-il arrivé, en Suisse?», «Comment se passe votre début de journée?», demande le journaliste. L'occasion pour le Fribourgeois d'adoption d'expliquer qu'il ne se considère plus vraiment comme un sportif, mais plutôt comme un grand-père avant tout: son épouse et ses enfants, c'est sacré. «J'étais loin d'eux pendant des années, alors je compense».

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Les choses sérieuses commencent lorsque Slava Bykov est interrogé sur les sanctions infligées par la Suisse à la Russie. Pour lui, il s'agit d'une «punition que la Confédération s'inflige à elle-même». En faisant cela, la Suisse se met dans le risque de connaître des pénuries à l'approche de l'hiver.

«Comme partout dans le monde, les sanctions contre la Russie ont un retour de bâton (ndlr: sur les pays occidentaux). Les prix des denrées alimentaires augmentent, les prix de l'essence augmentent, les prix de l'énergie vont certainement augmenter. Nous verrons le coût de ces sanctions en hiver. Mais on peut, de fait, affirmer que les Suisses se punissent eux-mêmes.»

Un discours des plus moulés, que l'on retrouve dans la bouche de nombreuses personnalités publiques russes. Le rédacteur en chef du journal des expatriés russes en Suisse romande, interrogé par Blick la veille l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, tenait par exemple des propos similaires. D'où la difficulté de savoir si ces déclarations relèvent vraiment de l'avis personnel de Slava Bykov.

«Il y a un président en Ukraine?»

«Que pensez-vous de l'opération spéciale en Ukraine?», demande ensuite frontalement le journaliste. Là aussi, le discours du binational s'inscrit parfaitement dans le narratif utilisé par Vladimir Poutine: une grande guerre patriotique pour galvaniser l'esprit russe et retrouver le pouvoir soviétique d'antan.

Slava Bykov (à droite) avec Vladimir Poutine, en 2008.
Photo: DR

«Pendant la Seconde guerre mondiale, le père de ma femme a combattu les fascistes, se souvient le hockeyeur. Puis, jusqu'en 1950, il a nettoyé les territoires (ndlr: de l'URSS) des membres du mouvement de Stepan Bandera (ndlr: personnalité politique ukrainienne proche de l'extrême-droite qui luttait pour l'indépendance de l'Ukraine). S'il y a eu des purges, ce n'est tout de même pas pour rien.»

Après ces déclarations qui ne sont rien d'autre qu'une légitimation des goulags, Slava Bykov enchaîne: «Bandera, Shukhevych (ndlr: autre figure similaire des luttes pour l'indépendance ukrainienne) sont une abomination, dont il y a à nouveau des échos aujourd'hui (...), la jeunesse (...) subit un lavage de cerveau. Comme je l'ai dit plus tôt, un Russe préfère venir à la rescousse plutôt que d'offenser, donc, en tant que Russe décent, je soutiens l'aide de la Russie au Donbass et à ces personnes qui ont perdu des proches et vivent un génocide depuis des années.»

Interrogé sur «le président de l'Ukraine», Volodymyr Zelensky (non cité dans l'article), le Fribourgeois d'adoption — dont le maillot a été retiré par Gottéron — répond du tac-au-tac: «Il y a un président là-bas? Ce n'est qu'un théâtre de marionnettes.»

«J'ai un rapport ambigu à la NHL»

Ce n'est qu'après ce gros morceau politique que l'ancien buteur de Gottéron est interrogé sur son sport — qui apparaît comme un prétexte. Et le père d'Andreï n'est pas tendre avec la ligue nord-américaine, la NHL, préférant encenser son pendant russe (KHL), qu'il assure suivre avec passion.

Slava Bykov affirme avoir «un rapport ambigu à la NHL». «Je suis inquiet et heureux pour nos gars qui représentent le hockey russe là-bas, mais je n'aime pas leur attitude (ndlr: celle de la NHL) envers le reste de la communauté mondiale. Ils n'ont tout simplement aucun respect pour le reste du monde. Tout le monde a vu ce qu'ils ont fait aux Jeux olympiques. Est-ce du respect? Ils n'y envoient pas leurs joueurs!»

«L'âme russe, c'est l'amour du prochain»

L'ancien joueur et entraîneur de l'équipe nationale russe explique aussi avoir tenté d'apporter un peu de son pays dans le canton de Fribourg. «Vivant ici depuis plus de 30 ans, les membres de ma famille et moi-même avons toujours essayé de transmettre l'essence du caractère russe et de l'âme russe à la population locale. Il s'agit avant tout de l'amour du prochain, de la gentillesse et de l'honnêteté. Tout le monde sait qu'un Russe (...) préfère venir à la rescousse plutôt que d'offenser.»

Dernière question, qui illustre peut-être la pression que subissent actuellement les personnalités publiques russes expatriées à l'étranger: «Quels sont vos plans pour cet été? Envisagez-vous de vous envoler vers la Russie pour les vacances?» Slava Bykov ne semble, malgré les propos tenus dans l'interview, pas convaincu. Il décline poliment l'invitation: «La situation aérienne est compliquée. (...) Pour moi, la famille est primordiale (...)», expliquant ainsi qu'il préfère rester en Suisse pour passer du temps avec ses petits-enfants.

Contacté par Blick pour s'exprimer sur le contexte dans lequel cette interview a été donnée, Slava Bykov n'a pas donné suite à nos appels.

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