Le bracelet électronique, on l'a tous vu dans les séries TV, généralement américaines. Il surgit parfois dans la presse, généralement lorsqu'une personnalité est condamnée (récemment, l'ancien président américain Donald Trump). Ou pour relater un couac cocasse, type «il accroche son bracelet à son chat et part faire la fête».
Cette mesure existe-t-elle en Suisse? Oui, bien sûr. Est-elle beaucoup utilisée? Pas vraiment. À l'heure où les prisons romandes frôlent l'asphyxie, notamment à Champ-Dollon, à Genève, et au Bois-Mermet, à Lausanne, on peut se demander pourquoi ce bracelet n'est pas proposé plus souvent.
Le bracelet, pour un an maximum
Posons le contexte: la surveillance électronique est possible uniquement si la peine ne dépasse pas 12 mois. Elle concerne typiquement des détenus envoyés à Champ-Dollon ou au Bois-Mermet.
Ces établissements cumulent plusieurs fonctions: la détention avant jugement, l'exécution de courtes peines ou en attente d'un transfert, et, à Genève, l'attente d'un renvoi du pays. D'où le manque de place régulièrement pointé du doigt.
Une solution vraiment moins chère
Le bracelet électronique coûte, par ailleurs, beaucoup moins cher qu'une nuit en prison. Dans le canton de Vaud, un détenu paie 15 francs par jour s'il effectue sa peine chez lui, avec un bracelet. À Genève, il coûte 20 francs.
En revanche, en prison, une journée en détention dans un secteur de basse sécurité coûte 320 francs par jour, dans les deux cantons. «Ces coûts sont facturés au canton responsable de la personne placée», précise Martine Clerc, porte-parole du Département vaudois de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES). «En détention avant jugement, le coût journalier est lui de 224 francs, facturé au Ministère public», ajoute-t-elle. Idem à Genève.
Très peu de personnes en profitent
Le bracelet, moins onéreux, permettrait de vider un peu ces établissements bondés... Et pourtant, seules 19 personnes le portent à Genève, contre 26 dans le canton de Vaud, au 1er mai 2024. Un triple problème découle du cadre légal encadrant l'option bracelet. Parmi les conditions: demander activement la surveillance électronique, avoir un titre de séjour en Suisse et un emploi.
Mieux «vendre» le bracelet
«Je pense qu'on pourrait mitiger un peu, estime la ministre genevoise des Institutions et du numérique, dont dépend la justice, Carole-Anne Kast. On devrait le proposer, sans l'imposer, mais ne pas laisser la demande au bon vouloir de la personne.»
Les chômeurs et les retraités, c'est non
La conseillère d'État socialiste poursuit: «On peut également discuter de la nécessité d'avoir un travail pour bénéficier de cette mesure. Une personne au chômage ou à la retraite pourrait très bien effectuer sa peine à domicile.» L'élue précise que le règlement relevant du droit fédéral, elle n'a pas le pouvoir de changer les choses.
Cette nécessité de l'emploi est révélatrice d'un système tourné vers la prison comme première option. Le bracelet est plutôt une «dérogation» pensée pour ceux qui perdraient leur job derrière les barreaux, et se retrouveraient au chômage après la prison. Avec les risques de récidives qu'on imagine.
Sans permis de séjour, pas de bracelet
Dans le contexte genevois, la ministre socialiste doute de l'efficacité de la mesurer pour désengorger les prisons. «Ce sont surtout les courtes peines qui posent un problème. Si Champ-Dollon n'accueillait que les détenus avant jugement, il n'y aurait pas de souci de surpopulation», analyse-t-elle.
Le bracelet électronique porté à la cheville est en réalité un émetteur. Un récepteur, qui peut se comparer à une borne wifi, est placé au domicile du condamné. Les deux appareils communiquent entre eux par radiofréquence et tracent un rayon, en l’occurrence le domicile du détenu, que ce dernier ne doit pas quitter durant des heures définies. En fonction de sa situation, la personne peut se déplacer à heure fixe, par exemple pour se rendre au travail. Toutes les personnes majeures résidant avec le condamné doivent donner leur accord. Des agents peuvent débarquer dans le logement sans prévenir et à tout moment. L'entreprise suisse Geosatis, qui a démarré comme start-up de l'EPFL, est leader mondial de la fabrication de ces bracelets. Elle est basée dans le Jura, au Noirmont. Blick a cherché à savoir combien coûtait un bracelet à l'achat, mais l'entreprise n'a pas répondu.
Le bracelet électronique porté à la cheville est en réalité un émetteur. Un récepteur, qui peut se comparer à une borne wifi, est placé au domicile du condamné. Les deux appareils communiquent entre eux par radiofréquence et tracent un rayon, en l’occurrence le domicile du détenu, que ce dernier ne doit pas quitter durant des heures définies. En fonction de sa situation, la personne peut se déplacer à heure fixe, par exemple pour se rendre au travail. Toutes les personnes majeures résidant avec le condamné doivent donner leur accord. Des agents peuvent débarquer dans le logement sans prévenir et à tout moment. L'entreprise suisse Geosatis, qui a démarré comme start-up de l'EPFL, est leader mondial de la fabrication de ces bracelets. Elle est basée dans le Jura, au Noirmont. Blick a cherché à savoir combien coûtait un bracelet à l'achat, mais l'entreprise n'a pas répondu.
Si l'on prend le classement des délits commis par ceux qui se retrouvent derrière les barreaux de la prison genevoise, la moitié concernent des infractions à la Loi sur les étrangers. Or, pas de permis de séjour en Suisse signifie: pas de bracelet électronique.
Travail d'intérêt général boosté à Genève
À Genève, Carole-Anne Kast travaille sur un projet pilote autour du travail d'intérêt général (TIG). Pour cela, pas besoin d'avoir un boulot: «Nous voulons 'vendre' le TIG aux personnes concernées, explique la ministre. Cela fonctionnerait par exemple avec les gens qui ne paient pas leurs amendes: avant d’être mis aux arrêts, venez faire du TIG!»
Vaud champion de la semi-détention
Le canton de Vaud connaît aussi la surpopulation carcérale, depuis plus d'une décennie. «Le service pénitentiaire fait une utilisation intensive des mesures alternatives aux peines de prison», assure le conseiller d'État vaudois du DJES, Vassilis Venizelos.
La semi-détention, dans le canton de Vaud, représente ainsi 47% du total des cas en Suisse. «Ce qui en fait le premier canton du pays en la matière, indique le ministre écologiste. Pour la surveillance électronique, cette proportion s’élève à 20%.»
Nouvelle prison des Grands-Marais
Le Canton de Vaud recourt également au placement de personnes détenues hors canton —plus de 200 actuellement— et va construire de nouvelles infrastructures. «Notamment la prison des Grands-Marais, qui offrira 410 places de détention supplémentaires à l’horizon 2030-32», annonce le conseiller d'État.
Plusieurs investissements sont par ailleurs en cours pour moderniser les infrastructures actuelles – ainsi qu'une étude sur la surpopulation carcérale, pour mieux comprendre ses causes et effets.