Paul* est passé d’un salaire «à six chiffres» au surendettement et aux idées suicidaires. «Par le passé, je suis allé consulter parce que j’avais envie de me foutre en l’air. Les dettes ne s’effacent même pas avec la mort.» A part si la descendance refuse l’héritage.
Des enfants, le fringant quinqua — qui a souhaité garder l'anonymat — en a deux, devenus grands. «Ce sont eux qui me permettent de tenir le coup. Si je ne les avais pas, je serais déjà parti dans un endroit où l’Office des poursuites ne pourrait pas me retrouver. Ça fait huit ans que je vis très chichement alors que je gagne une somme située entre 5000 et 10’000 francs par mois. Ma box Swisscom est mon seul luxe.»
Avant toute chose, posons les bases. «On parle de surendettement lorsque quelqu'un ne peut pas rembourser ses dettes dans un avenir prévisible», explique Pascal Pfister, secrétaire général de Dettes Conseils Suisse (CDS).
Combien de personnes sont-elles concernées? «Personne ne sait exactement», déplore-t-il, dans un e-mail adressé à Blick. Selon l'Office fédéral de la statistique, 15% des ménages fait face à des retards de paiement. L'agence de crédit CRIF calcule un surendettement à 6,4%. Le canton de Neuchâtel est le plus touché (10,5%), suivi de Genève (9,9%).
«Les personnes demandant des conseils ont plus de la moitié de leurs dettes envers lʼÉtat», relève Pascal Pfister, qui se base sur les statistiques 2022 de CDS. Plus de trois quarts d'entre elles ont des arriérés d'impôts et 59% doivent de l'argent à leur assurance maladie.
Les coûts totaux pour la société n'ont jamais été calculé, déplore notre interlocuteur. Mais, un cas en Suisse alémanique, 250'000 francs de dettes ont engendré une charge de 2 millions, assumés en grande partie par les contribuables.
Avant toute chose, posons les bases. «On parle de surendettement lorsque quelqu'un ne peut pas rembourser ses dettes dans un avenir prévisible», explique Pascal Pfister, secrétaire général de Dettes Conseils Suisse (CDS).
Combien de personnes sont-elles concernées? «Personne ne sait exactement», déplore-t-il, dans un e-mail adressé à Blick. Selon l'Office fédéral de la statistique, 15% des ménages fait face à des retards de paiement. L'agence de crédit CRIF calcule un surendettement à 6,4%. Le canton de Neuchâtel est le plus touché (10,5%), suivi de Genève (9,9%).
«Les personnes demandant des conseils ont plus de la moitié de leurs dettes envers lʼÉtat», relève Pascal Pfister, qui se base sur les statistiques 2022 de CDS. Plus de trois quarts d'entre elles ont des arriérés d'impôts et 59% doivent de l'argent à leur assurance maladie.
Les coûts totaux pour la société n'ont jamais été calculé, déplore notre interlocuteur. Mais, un cas en Suisse alémanique, 250'000 francs de dettes ont engendré une charge de 2 millions, assumés en grande partie par les contribuables.
Dans ce café vaudois, ce Neuchâtelois ne se départit presque jamais de son optimisme et de son sourire. «Sinon, à quoi bon?» Pourtant, chaque mois, l’Office des poursuites saisit le salaire de cet employé de commerce de formation, qui occupe un poste à responsabilité.
Encore 40’000 francs à rembourser après huit ans
Et lui laisse le minimum vital pour une personne seule: 1200 francs, après paiement des charges fixes. Objectif: payer ses créanciers. «On me prend tout, jusqu’au treizième. Mais le problème principal, c’est que les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul. Donc, avec les 1200 francs qu’on me laisse chaque mois, je ne peux pas les payer. Résultat, ça s’accumule et de nouvelles dettes s’ajoutent à mon ardoise.»
Une ardoise qui s’est élevée à près de 70’000 francs par le passé. Aujourd’hui, Paul doit encore 40’000 francs. «Ça n’en finit jamais, on vous tient constamment la tête sous l’eau. Au début de l’année, je devais plus que 30’000 francs. Au mois de juin, j’avais payé 15’000. Mais de nouveau créanciers sont sortis du bois après avoir été notifiés… Ça donne le sentiment de jamais s’en sortir. C’est frustrant. Avant chaque sortie, je dois peser le pour et le contre. Surtout que mon minimum vital n’est pas indexé à l’inflation et ne prend pas en compte la hausse de prix de l’énergie.»
Une gorgée de cola alternatif. Puis, le moment de répondre à la question centrale: comment en arrive-t-on là? Rien ne le prédestinait à un tel destin. «A l’époque, ma femme et moi gagnions chacun un salaire à six chiffres. Sans compter les bonus de fin d’année. Avec ma paie de décembre d’alors, j’aurais pu liquider toutes mes dettes actuelles en un virement! J'étais riche. J’avoue, j’ai fait des erreurs. Dont celle de ne pas mettre de l’argent de côté et de flamber.»
L’inexorable descente aux enfers
C’est la séparation, alors que les gamins sont petits, qui le précipite vers la dèche. «Tout à coup, vous avez un loyer entier à payer seul, deux pensions alimentaires élevées pour les enfants. Et puis, j’ai changé deux fois d’emploi. J’ai pris un risque en prenant un poste moins bien payé, mais en comptant sur une base de clients plus vaste. Et puis, je me suis fait licencier.»
Dans ses yeux, la douleur paraît encore vive, mais si le ton reste positif. «Au chômage, je touchais donc 80% de ce plus petit salaire. Mais mon train de vie n’avait pas beaucoup diminué, on ne peut pas le réduire d’un coup. J’avais trois ou quatre cartes de crédit. Au bout d’un moment, j’ai commencé à avoir de la peine à rembourser. À être étranglé.»
Comme la plupart des gens dans cette situation, Paul continue de payer son loyer, mais plus ses impôts ou ses primes d’assurance maladie. «Parce qu’il faut bien manger…» Un tribunal prononce sa faillite personnelle et produit des actes de défaut de bien.
Il fuit le médecin
«J’ai retrouvé un job. Six mois après, l’Office des poursuites entrait dans la danse et les saisies de salaire commençaient. Personne ne vous aide, personne ne vous dit d’aller voir des professionnels du désendettement, au Centre social protestant ou à Caritas. Franchement, il y a des jours où je me demande pourquoi je me lève le matin alors que je pourrais choisir de vivre aux crochets de la société et de ne jamais rembourser. Là, je travaille, mais je n’ai jamais pu partir en vacances avec mes enfants.» Il promet de «se battre».
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Tout est compliqué, dans la vie d’un surendetté: impossible de changer d’appartement sans garant, d’acheter une voiture, par exemple. «Chaque fois que je veux aller chez le dentiste ou le médecin, je dois demander une rallonge à l’Office des poursuites. Mais lorsqu’on m’octroie 500 francs pour ça, c’est 500 francs que je ne rembourse pas aux créanciers. Donc, je n’y vais jamais.»
Lueur fédérale à l’horizon
Mais une lueur pointe à l’horizon. Les Chambres fédérales devraient débattre cet automne d’un projet du Conseil fédéral: mettre en place une procédure permettant d’effacer le passif des personnes surendettées. Au terme de la consultation, seule l’Union démocratique du centre (UDC) s’y oppose.
«Ça me donnera de l’espoir une fois que ce sera en vigueur. Je ne veux pas me réjouir et que, pour une raison ou une autre, ça capote. C’est vrai, j’ai commis des erreurs, mais je paie un lourd tribut. Parfois, les autorités offrent des amnisties fiscales. Pourquoi pas amnistier les surendettés?» N’a-t-on pas toutes et tous le droit à une seconde chance?
*Prénom et nom connu de la rédaction