Doit-on s'inquiéter?
Morts, disparus, des millions de dégâts: la Suisse vit un été catastrophique

Les événements météorologiques extrêmes tels que les inondations et les coulées de boue de ces derniers jours et semaines seront probablement plus fréquents à l'avenir. Le changement climatique en est le principal responsable. Une experte explique les mécanismes en jeu.
Publié: 02.07.2024 à 10:56 heures
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La Suisse connaît un été catastrophique. Les fortes pluies sont responsables de la situations, mais la fonte des neiges joue aussi un rôle.
Photo: keystone-sda.ch
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Martin Meul

Ce mois de juin tout juste achevé est à marquer d'une pierre noire en Suisse. Au cours des deux derniers week-ends, au moins six personnes ont perdu la vie dans des glissements de terrain et des coulées de boue dans les Alpes. Dans le val Mesolcina (GR), deux personnes sont mortes il y a un peu plus d'une semaine et demie dans le village de Sorte, près de Lostallo. Leurs maisons ont été emportées par d'énormes masses de boue et de gravats. Un homme est toujours porté disparu. Près d'une semaine plus tard, on déplore à nouveau des morts, dans le Vallemaggia, au Tessin. Trois personnes ont perdu la vie à cause des intempéries et une autre est aussi portée disparue. Dans le village valaisan de Saas-Grund, un homme n'a pas pu être sauvé. Il a, lui aussi, été victime d'un ruisseau qui a débordé. Dans la vallée de Binn (VS), un homme est toujours porté disparu.

Outre les morts, les dégâts causés aux infrastructures sont considérables. Rien qu'à Saas-Grund (VS), on s'attend à des coûts de l'ordre de 50 millions de francs. Le village de Zermatt (VS) a été inondé deux fois en l'espace d'une semaine. Les catastrophes sont liées à des pluies et des orages intenses, dont la fréquence et l'intensité ne cessent d'augmenter. Le changement climatique est considéré comme la principale raison de cet enchaînement malheureux. Mais une planète plus chaude entraîne-t-elle vraiment davantage de catastrophes dans les montagnes suisses?

Plus chaud, plus humide, plus d'eau

Les océans semblent être les responsables de ces intempéries en série. En mars, des températures plus élevées que jamais ont été mesurées dans l'Atlantique. Une mauvaise nouvelle pour la Suisse. Nicolas Gruber, professeur de physique environnementale à l'EPFZ, expliquait déjà en été 2023 à Blick: «L'augmentation des températures en mer entraîne également des conséquences sur terre. La probabilité d'épisodes de fortes précipitations augmente.» Pour l'Europe centrale en particulier, des mers plus chaudes pourraient paradoxalement avoir pour conséquence un climat plus humide et plus frais.

En principe, une planète plus chaude n'est jamais bon signe lorsqu'il s'agit de précipitations extrêmes et d'orages. Manuela Brunner est experte en hydrologie et en conséquences climatiques dans les régions de montagne. Elle est professeure et mène des recherches à l'EPFZ et à l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage à Davos (GR). Elle explique: «Pour chaque degré de réchauffement de l'atmosphère, celle-ci peut absorber 7% d'humidité en plus. Plus d'humidité dans l'air signifie plus de potentiel pour des pluies intenses et des orages violents.»

Mais les choses ne sont pas aussi simples. Les inondations ne dépendent pas seulement de l'intensité des pluies. «La fonte des neiges joue également un grand rôle», poursuit Manuela Brunner. En ce moment, la neige est encore très présente sur les sommets, et il y fait très chaud. Combinée aux fortes pluies, la fonte des neiges favorise alors le débordement des ruisseaux et des rivières.

Un printemps dans la moyenne

Le troisième facteur qui joue un rôle important dans les inondations est la saturation du sol. C'est-à-dire la quantité d'eau que les sols peuvent encore absorber en cas de précipitations. Actuellement, ceux-ci sont fortement saturés en montagne, ce qui favorise les laves torrentielles et les inondations. Ceci est toutefois normal à cette période de l'année. Manuela Brunner explique: «En moyenne pluriannuelle, les derniers mois n'ont été que très légèrement trop humides, le printemps est en principe une période de précipitations en Suisse.»

Mais le facteur central reste la pluie, et cela a des conséquences. «Là où seules les précipitations sont déterminantes pour les inondations, les incidents seront plus nombreux et plus extrêmes. C'est ce que montrent nos modèles», poursuit la chercheuse. De tels endroits sont nombreux dans les montagnes suisses.

Davantage de crues centennales

Il y a également d'autres raisons de s'inquiéter. «Nos modèles montrent aussi que le changement climatique aura pour conséquence que les crues centennales seront nettement plus fréquentes qu'auparavant», explique Manuela Brunner. Elle voit donc d'un œil très critique les projets de protection contre les crues, comme la troisième correction du Rhône en Valais, qui sont remis en question par les politiques.

En principe, la société doit se préparer à davantage d'événements comme ceux de Saas-Grund ou du Vallemaggia. Un avis que l'experte en climat partage avec la cheffe de l'Office fédéral de l'environnement. Katrin Schneeberger a aussi déclaré récemment à Blick: «Les catastrophes vont se multiplier.»

Malgré tout, le changement climatique peut aussi avoir du bon en ce qui concerne les inondations. «Le changement climatique a tendance à réduire la quantité de neige dans les montagnes», affirme Manuela Brunner. Conséquence: pour les cours d'eau où la fonte des neiges joue un rôle important, le risque de crue diminue en raison du changement climatique. «Cela concerne des cours d'eau comme le Rhône ou le Rhin près de Bâle, qui sont influencés par la fonte des neiges», conclut l'experte. 

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