Mercredi matin, le Conseil national a débattu de la guerre en Ukraine. Il s’agissait de savoir quelles leçons la Suisse tire du conflit en matière de politique énergétique, comment l’armée doit être organisée face à la nouvelle situation de menace et quelles sont les questions à résoudre au sujet de l’accueil des réfugiés.
Beaucoup d'actions de solidarité ont été mises en place spontanément partout en Suisse. Mais l'intervention du chef de groupe UDC Thomas Aeschi a tourné au dérapage. Celui-ci s’est insurgé du fait que le Conseil fédéral veuille accorder le statut de protection S non seulement aux réfugiés de guerre qui ont un passeport ukrainien, mais aussi aux étrangers résidant en Ukraine.
«Cela ne doit pas être admis»
Les étrangers qui vivent en Ukraine, mais qui ne sont pas Ukrainiens, devraient retourner dans leur pays d’origine, selon Thomas Aeschi. Celui-ci enfonce le clou: «Il ne doit pas être possible que des Nigérians ou des Irakiens avec des passeports ukrainiens violent soudainement des Ukrainiennes de 18 ans! Cela ne doit pas être admis».
Sur Twitter, la vidéo a immédiatement suscité de vives réactions. Le chercheur en sciences sociales Marco Kovic a ainsi écrit qu’une telle déclaration était indigne d’une démocratie. D’autres utilisateurs se sont dit horrifiés par les propos racistes de l'UDC.
Thomas Aeschi suit la ligne de communication du parti sur le sujet. Vendredi dernier déjà, lorsque le Conseil fédéral avait mis en vigueur le statut de protection pour les réfugiés de guerre, l’UDC avait exigé «que les familles ukrainiennes ne soient pas mélangées avec des migrants masculins, principalement musulmans».
Viol en Allemagne
La revendication selon laquelle les étrangers fuyant la guerre en Ukraine devraient retourner dans leur pays d’origine plutôt que de chercher une protection en Suisse reste encore recevable si l'on considère la traditionnelle ligne du parti. Cela, bien entendu, dans la mesure du possible et au cas par cas. Mais quel est le rapport avec l’accusation générale selon laquelle les Irakiens et les Nigérians sont des violeurs?
Dans son discours, Thomas Aeschi fait référence à un viol présumé en Allemagne. Une jeune Ukrainienne de 18 ans y aurait été violée par deux autres réfugiés dans un centre d’accueil. Les deux suspects – un Tunisien de 26 ans, qui a des papiers ukrainiens, et un homme de 37 ans originaire du Nigeria – sont en détention provisoire.
Immunité politique
On est toutefois en droit de se demander si cette déclaration n’enfreint pas la norme pénale antiraciste. Pour rappel, les anciens secrétaires généraux de l’UDC Martin Baltisser et Silvia Bär avaient été condamnés en 2017 pour discrimination raciale. Une annonce avait utilisé le slogan «Les Kosovars éventrent les Suisses». Le parti faisait également référence à un crime réel. En août 2011, un Kosovar accompagné d’un compatriote avait poignardé le lutteur suisse Kari Zingrich lors d’une dispute.
Mais Thomas Aeschi n’a toutefois rien à craindre des juges: Il a fait ses déclarations dans le cadre de sa fonction de conseiller national et bénéficie donc de l’immunité politique. Contacté par Blick, il n'a pas souhaité s'exprimer.
(Adaptation par Thibault Gilgen)