«Ça fait mal», déclare Philipp Wilhelm, «Landamman» (chef du pouvoir exécutif) de Davos à propos de l’annulation du forum économique mondial (WEF). Au lieu du défilé des personnalités de la politique et de l’économie, des colonnes de voitures qui klaxonnent et les apéros à n’en plus finir, un calme inespéré régnera sur Davos à la mi-janvier. C’est la deuxième année consécutive que le WEF est victime du coronavirus
Les responsables ont tiré la prise quatre semaines avant le début du forum. La faute à la propagation fulgurante du variant Omicron. «Nous sommes déçus et tristes», admet sans détour l’organisateur du WEF Alois Zwinggi.
Un plan de protection strict
Selon le président de la commune, «le plan de protection le plus strict du monde» aurait été appliqué lors du WEF. Seules les personnes vaccinées devaient y avoir accès, des tests réguliers et des masques étaient en outre prévus. Mais cela ne suffisait plus.
Ce n’est pas tant le plan de protection qui est en cause, mais plutôt les restrictions au passage des frontières, estime le directeur du tourisme de Davos, Reto Branschi: «Dans les conditions actuelles, il est extrêmement difficile d’arriver à bon port et de repartir. Accepter une longue quarantaine pour les cinq jours que dure le WEF? Cela ne tient pas la route.»
Des chambres sont vides
Les hôteliers de Davos sont sévèrement touchés par cette annulation. Le chalet-hôtel Larix de Tamara Henderson avait été entièrement réservé pendant deux semaines. «J’arriverai peut-être à occuper la moitié des chambres», estime celle qui préside également l’association Hotel Gastro Davos.
L’année dernière déjà, l’annulation du WEF avait plombé son mois de janvier. «J’ai eu 70% de chiffre d’affaires en moins», se souvient l’hôtelière. En contrepartie, elle a reçu des aides pour cas de rigueur. On ne sait pas encore si ce sera à nouveau le cas. Tamara Henderson envisage déjà de mettre son personnel au chômage partiel. «Beaucoup d’hôteliers sont à bout», souligne-t-elle.
Reto Branschi n’est pas non plus optimiste. Il ne pense pas que les skieurs de fond et autres vacanciers viendront prendre la place des politiciens et des économistes. «Nous avons essayé l’année dernière. Mais le mois de janvier n’est tout simplement pas un mois de vacances», déplore-t-il.
Le forum est reporté
Les organisateurs du WEF soulignent que la conférence n’est que reportée et non annulée. Une date de remplacement devrait être rapidement annoncée, l’objectif étant le début de l’été. «Davos reste le site du WEF», rassure Alois Zwinggi, membre de l’équipe dirigeante du WEF.
Ce n’est pas simplement une affaire de loyauté, mais surtout une affaire d’argent. Le WEF a déjà versé des acomptes aux hôtels de Davos. Les parties concernées ne veulent pas dévoiler le montant exact de ces paiements. Une chose est sûre: les acomptes garantissent une forme d’assurance pour les hôteliers de Davos. Si le WEF ne veut pas perdre cette somme, le forum doit être organisé ultérieurement dans la ville.
Les voyageurs peuvent espérer des offres spéciales
Malgré l’annulation de dernière minute, la plupart des hôteliers refusent de se laisser aller au désespoir. Toni Morosani, à la tête du Posthotel et du Schweizerhof à Davos, s’attend à une bonne saison. «Le WEF aurait été la cerise sur le gâteau», admet-il cependant. Il veut attirer les clients avec des offres spéciales pour combler le vide produit par l’annulation du WEF en janvier.
Hans Foppa de l’hôtel Parsenn va encore plus loin. «Le WEF est aussi un frein à l’innovation», estime l’hôtelier. Selon lui, de nombreux hôtels de Davos ont été construits uniquement pour la rencontre économique. Il poursuit: «Certains hôteliers comptent trop dessus.» Toni Morosani l’admet également: «Nous sommes dans une relation de dépendance.»
Qu’en est-il de la Coupe Spengler?
Si le WEF devait effectivement être reprogrammé au début de l’été, ce ne serait certes pas très innovant, mais cela ferait tout de même sensation. Pour une fois, les limousines noires et brillantes ne circuleraient pas sur les routes de montagne enneigées, mais sous un soleil radieux. Les événements de réseautage et les réceptions se dérouleraient à l’extérieur plutôt que dans des salles de conférences (sur)chauffées.
«La neige nous a toujours posé des difficultés», rappelle Toni Morosani. Comme les limousines encombrent les rues du village, il n’y a plus de passage pour les chasse-neige. Les voitures peinent à se faufiler. Un problème de moins donc. Mais c’est avant tout l’évolution de la pandémie qui déterminera si le WEF pourra bien avoir lieu au début de l’été.
En attendant, ce sont d’abord les fêtes de fin d’année qui s’annoncent pour les hôteliers. A Davos, les affaires sont particulièrement florissantes entre Noël et le Nouvel An, car la Coupe Spengler attire des dizaines de milliers de fans de hockey. Le tournoi aura-t-il vraiment lieu alors que le WEF est reporté? «Cela reste incertain», déplore sombrement l’hôtelière Tamara Henderson.