Andrea Kolb ne décolère pas des informations venues de la Berne fédérale ce mercredi. Après le Conseil national, le Conseil des États a validé l'adoucissement de la Loi sur la circulation routière. La fameuse disposition «Via Sicura» sera allégée, avec notamment la suppression de la peine minimale d'un an de prison pour les chauffards. Les peines pourront à l'avenir n'être que pécuniaires.
«C'est une immense blague, tonne l'habitante de Suisse orientale à notre reporter. Comment voulez-vous que nos routes deviennent plus sûres avec de telles décisions?» La quinquagénaire a elle-même fait les frais du comportement d'une chauffarde. Le 24 août 2016, elle se promenait avec son chien dans le canton de Thurgovie lorsqu'une BMW est arrivée à toute vitesse et a renversé la quinquagénaire.
Le choc est d'une violence inouïe. Andrea Kolb perd sa jambe droite, tandis que son bras droit est fortement touché. La conductrice de 19 ans, elle, poursuit sa route sans sourciller. Il s'avérera plus tard que la jeune femme avait pianoté sur son téléphone pendant tout son trajet. Elle a écopé d'une amende de 1200 francs et d'une peine pécuniaire avec sursis. «C'est un scandale!», s'emporte la victime.
Presque six ans plus tard, l'Alémanique souffre encore au quotidien. «Ces jours, je suis en fauteuil roulant, parce que j'attends une opération pour pouvoir remettre une prothèse sur mon moignon et me déplacer un peu mieux.» La vie d'Andrea Kolb est devenue bien compliquée depuis l'accident, et toutes les démarches liées aux assurances n'aident pas. «Être dans l'incapacité de travailler, c'est violent administrativement», souffle-t-elle.
La quinquagénaire se réjouit de pouvoir remarcher et de promener son chien, Anges. «C'est un paradoxe, mais c'est grâce à lui que je suis encore en vie. Paniqué, il s'est retrouvé au milieu de la route et a stoppé malgré lui la circulation», se souvient Andrea Kolb. L'animal, blessé dans l'aventure, a encore très peur du trafic.
«Les chauffards rigolent»
Sa maîtresse a elle aussi beaucoup de peine à se sentir en sécurité près des routes. «Les victimes des chauffards et leurs proches sont punis toute leur vie. Les coupables, eux, rient des amendes dont ils ont écopé. Ils recommencent même, parfois», regrette la Thurgovienne, qui essaie de se réinsérer via un travail dans la protection des animaux.
Ce n'est pas Franziska Riedtmann qui dirait le contraire. Voilà près de vingt ans que l'Argovienne a perdu sa fille Carina. «C'était une de ces chaudes soirées d'été, Carina circulait à vélo, se souvient la mère endeuillée. Elle ne devait faire qu'un petit trajet jusqu'à la ferme voisine, pour aller chercher de la nourriture pour ses chenilles...»
L'adolescente ne reviendra jamais à la maison. Elle a été fauchée par un chauffard notoire, qui circulait sur la route cantonale au volant de sa Porsche. Vitesse estimée? 135 km/h. Selon plusieurs témoins, l'homme roulait parfois encore plus vite. «Il m'a fallu très longtemps pour m'enlever de l'esprit l'image de ma fille décédée sur le sol. Je la voyais tous les jours... Désormais, je me rappelle d'elle en vie.»
Franziska Riedtmann s'est engagée dans le comité d'initiative contre les chauffards. C'est ce collectif qui avait obtenu la loi actuelle Via Sicura. Elle avait témoigné dans Blick pour obtenir un durcissement de la législation. «Le meurtrier de ma fille n'a fait aucun jour de prison. Il vit paisiblement dans le village voisin, je le vois parfois passer avec sa voiture. En tant que mère qui a perdu sa fille, ça donne presque des envies de meurtre...»
Les accidents en baisse
Pour la sexagénaire, le retour à l'ancien régime légal est «incompréhensible». L'Argovienne est «très déçue» de la décision des politiciens. Depuis son entrée en vigueur, la loi anti-chauffards a eu un effet préventif qui a fait baisser le nombre d'accidents graves. Pour la mère de Carina, c'est clair: de nombreux chauffards en puissance ont été dissuadés de passer à l'acte à cause du spectre de se retrouver en prison.
L'Argovienne demande aux élus fédéraux de réfléchir à la question suivante: si leur enfant avait été tué par un chauffard à plus de 130 km/h dans un village, voudraient-ils aussi une marge d'appréciation? «Si quelqu'un dépasse 100 km/h au milieu d'une localité, il s'agit clairement d'un acte intentionnel. Il faut le punir avec toute la sévérité requise», estime Franziska Riedtmann. Une majorité des deux Chambres fédérales en a décidé autrement.