Si l'Europe votait maintenant, la droite aurait de meilleures chances, selon les sondages: en Allemagne, l'AfD (un parti de droite populiste) a rattrapé le SPD (parti traditionnel, centre-gauche) et se place en deuxième position derrière la CDU/CSU (les deux «partis-frères» de la droite démocrate-chrétienne et conservatrice allemande).
En Autriche, le FPÖ (droite populiste) serait même aujourd'hui la première force en cas d'élections. Son président, Herbert Kickl, pourrait devenir chancelier.
Ce ne sont pas des cas isolés:
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En Italie, la Première ministre, Giorgia Meloni, membre du parti de droite Fratelli d'Italia, est au pouvoir depuis octobre 2022.
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En Finlande, les conservateurs vainqueurs des élections viennent d'intégrer le Parti des Finlandais, arrivé en deuxième position, au gouvernement. Le parti de droite populiste obtient des postes importants comme le Ministère des Finances ainsi que celui de l'Intérieur, qui est également responsable de la politique d'asile.
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En Suède, les Démocrates suédois sont aussi arrivés en deuxième position lors des élections de l'année dernière. Ils ne participent certes pas au gouvernement minoritaire de centre-droit, mais ils ont leur mot à dire.
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En France, si les élections présidentielles avaient lieu aujourd'hui, Marine Le Pen, du Rassemblement national, les remporterait, selon les sondages.
Des électeurs déçus
Pourquoi cette percée de la droite? Jonathan Slapin, professeur de politique européenne à l'université de Zurich, attribue cette évolution «à la croissance habituelle du soutien aux partis d'opposition»: «Il est courant que les électeurs soient souvent désabusés par les partis au pouvoir. Ainsi, en Allemagne, les Verts et le SPD ont perdu simultanément leur soutien, tandis que la CDU et l'AfD ont tous deux gagné en popularité.»
La situation est similaire dans d'autres pays: «En Autriche, l'ÖVP (ndlr: le Parti populaire autrichien, centre-droite) reste certes au pouvoir après le scandale de corruption de Sebastian Kurz, mais de nombreux électeurs se sont tournés vers le FPÖ, plus radical.» En France et en Italie, c'est plutôt l'effondrement total de la droite mainstream traditionnelle qui permet à la droite radicale de monter.
Il y a quelques années encore, c'était le centre-gauche qui fêtait ses succès dans toute l'Europe. Par exemple en Espagne, au Danemark et en Allemagne. «Certaines des choses que nous voyons actuellement ne sont donc que la désintégration et une fonction des partis qui participent actuellement aux gouvernements», estime Jonathan Slapin.
L'AfD veut abolir l'Union européenne
Un thème qui unit les droites de tous les pays est la critique de l'Union européenne (UE). Ainsi, dans sa proposition phare pour les élections européennes de fin juillet et début août, l'AfD demande la «dissolution ordonnée de l'UE», car sa «patience avec l'UE est épuisée». À la place, elle veut «fonder une nouvelle communauté économique et d'intérêts européenne – une fédération de nations européennes».
De telles exigences n'ébranleraient pas l'UE. Christian Frommelt, directeur de l'Institut du Liechtenstein, déclare: «En règle générale, les partis ne peuvent se permettre des positions aussi radicales que tant qu'ils ne sont pas au gouvernement.»
Mais si les partis font partie du gouvernement, ils adoptent souvent une position plus modérée, notamment sur la question européenne, comme le montre l'exemple de Giorgia Meloni en Italie. «Il ne faut pas surestimer l'influence des partis d'extrême droite sur l'évolution de l'UE», souligne toutefois Christian Frommelt.
Influence sur la Suisse?
Reste la question de l'influence de la montée en puissance de la droite en Europe sur la Suisse. La pression croissante de la droite sur l'UE facilite-t-elle les négociations de Berne avec Bruxelles? Christian Frommelt en doute: «Si tant est qu'il y en ait, les succès des partis de droite dans certains pays de l'UE affaibliront plutôt qu'ils ne renforceront la position de négociation de la Suisse. Il faut en effet s'attendre à ce que l'UE soit encore plus prudente pour accorder des privilèges particuliers à un État non membre.»
Selon les observateurs politiques, la montée de la droite à l'échelle européenne devrait être une tendance passagère. Il convient néanmoins de garder à l'esprit deux évolutions qui y sont liées. «Premièrement, la droite mainstream lutte pour sa survie dans de nombreux pays, comme en Italie et en France», souligne Jonathan Slapin. Il est envisageable que des mouvements de droite plus extrêmes puissent ainsi gagner en importance. «Et deuxièmement, dans de nombreux pays, y compris en Allemagne, il n'est plus tabou de soutenir un parti d'extrême droite», ajoute-t-il.