«Selon la teneur des faits reprochés dans votre article, je me réserve l’option de demander au conseil de fondation de réaliser des rencontres avec le personnel sans plus attendre. Et si cela déborde des questions de ressources humaines, la Municipalité et le conseil de fondation se concerteront pour évaluer si les mesures en place sont suffisantes ou si d’autres mesures pourraient être nécessaires.» Ces mots de Carmen Tanner (Les Vert.e.s), co-syndique d’Yverdon-les-Bains, datent de la semaine dernière. Contactée au terme de notre enquête sur la gestion de la Maison d’Ailleurs par son ultramédiatique directeur Marc Atallah, la municipale de la culture avait fait part de sa profonde inquiétude et fait planer le spectre d’un audit sur le musée de la science-fiction, subventionné à hauteur de 560’000 francs par an par la Ville.
Une semaine jour pour jour après les révélations de Blick, la Municipalité «salue» donc la décision du conseil de fondation «d’ouvrir une enquête sur les faits révélés par un article du site Blick.ch/fr». «La Ville s’est coordonnée avec le conseil de fondation sur les suites que celui-ci entend donner» et Marc Atallah est «favorable à cette enquête», note le communiqué ce jeudi. L’audit débutera dès la fin du Numerik Games Festival, organisé par la Maison d’Ailleurs et dont Marc Atallah est directeur artistique, qui se tiendra au centre-ville du 27 au 29 août. La Municipalité «entend accompagner l’institution dans son développement, tout en veillant à ce que les critères d’une bonne gouvernance soient respectés».
Quel sera le périmètre de cette enquête? Les finances seront-elles passées au crible? Y aura-t-il un volet «ressources humaines»? Qui sera entendu? Carmen Tanner botte en touche. «L’annonce du lancement de cette enquête est une première étape. Nous en définirons le périmètre avec le conseil de fondation. Je peux vous dire que la Ville veillera à ce que toute la lumière soit faite et travaillera sur plusieurs domaines pour faire un point de la situation au sein de la Maison d’Ailleurs. Le mandat sera confié à un mandataire externe et neutre.»
Pourquoi n’agir que maintenant?
Notre enquête a montré que le Service de la culture de la Ville et la Municipalité était au courant de plusieurs éléments. Pourquoi n’agir que maintenant? «C’est le conseil de fondation qui pilote, pas le Service de la culture ou la Municipalité, qui ne peut pas agir directement, à moins d’un événement thermonucléaire, répond Carmen Tanner. Les éléments connus étaient de la responsabilité du conseil de fondation. Plusieurs éléments de votre article, que je ne nommerai pas à ce stade, sont nouveaux et justifient l’ouverture de cette enquête.»
La Municipalité peut, au début d’une législature, imposer des changements au sein du conseil de fondation. Y aura-t-il du mouvement? «Cette question n’a pas été évoquée, confie la co-syndique. Nous relevons simplement la nouvelle du lancement de cette enquête, qui rassure et amène de la satisfaction du côté de la Municipalité.»
Par ailleurs, «la Municipalité tient également à préciser qu’elle a régulièrement été tenue au courant des activités et des décisions du conseil de fondation par Mmes Carmen Tanner et Gloria Capt (ndlr: qui n'a pas été réélue à la Municipalité), ses déléguées au sein de cet organe», appuie le communiqué. En les soutenant, l’exécutif «entend couper court à toute exploitation politicienne de cette affaire».
Révélations en six chapitres
Pour mémoire, les investigations de Blick se chapitrent en six volets. Marc Atallah, également maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, est accusé d’avoir plagié Wikipédia dans la préface d’un ouvrage collectif, ce qu’il «récuse fermement». Autre point: Marc Atallah et ses proches – dont son épouse et le beau-frère de celle-ci – occupent quatre postes fixes au sein de sa Maison d’Ailleurs. D’autre part, son salaire – 8’400 francs par mois pour un 60% auxquels s’ajoutent 600 francs de frais de représentation – a fait débat au sein du conseil de fondation. Ensuite, le petit musée a connu une grosse crise interne entre 2016 et 2017, et trois nouveaux départs entre 2019 et 2020 relancent les craintes. En quatre ans, les plupart des postes-clés ont été renouvelés.
Un autre point interpelle nos sources: le gonflement du nombre de visiteurs en fin d’année, qui aurait eu cours jusqu’en 2019. Enfin, notre enquête souligne la proximité entre Laurent Gabella, président du conseil de fondation, puissant industriel et conseiller communal PLR, et Marc Atallah. Ce dernier «récuse fermement» les accusations de plagiat et rejette les critiques.