Un épisode bureaucratique en dit long sur l'importance accordée à la Suisse par Strasbourg, où siège le Parlement européen: jeudi, l'ordre du jour du Parlement a été modifié, le sujet des relations bilatérales avec la Confédération ayant été avancé d'un jour et quasiment «bâclé», pour permettre aux parlementaires européens de se pencher sur des dossiers d'une autre ampleur comme la Russie, le Covid ou la lutte contre le dérèglement climatique.
Comme pour enfoncer le clou, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen ne s'est pas déplacée en personne devant les parlementaires, envoyant son adjoint Maros Sefcovic.
Pour autant, les politiciens pro-européens à Berne ne perdent pas espoir de voir les relations avec l'UE s'améliorer après l'interruption des négociations sur l'accord-cadre. Vendredi, la Commission des affaires étrangères du Conseil national a décidé de contraindre, par voie législative, le gouvernement à négocier avec l'UE.
Une majorité de 16 voix contre 5 a en effet décidé de lancer une initiative parlementaire. L'auteur de la proposition est le conseiller national socialiste bâlois et président du Nouveau Mouvement Européen Eric Nussbaumer.
Clarification des règles institutionnelles
La proposition intitulée «Loi fédérale sur l'élargissement et la facilitation des relations avec l'Union européenne» stipule littéralement que le gouvernement doit «chercher à clarifier les règles institutionnelles (...) avec l'UE dans le cadre du dialogue structuré avec l'UE afin de pouvoir sauvegarder les intérêts de la Suisse».
Eric Nussbaumer est soutenu dans cette démarche par la présidente de la Commission et cheffe de file des Verts'libéraux Tiana Angelina Moser et leur consœur libérale-radicale Christa Markwalder. Le texte appelle aussi explicitement à des «négociations en vue de la conclusion d'un accord clarifiant les questions institutionnelles».
Le projet de loi précise également que les commissions de politique étrangère et les cantons doivent être informés «en temps utile du dialogue politique» avec Bruxelles.
Une vengeance?
La stratégie est évidente: le Parlement veut réussir là où le Conseil fédéral a échoué. La rebuffade du gouvernement, qui a fait cavalier seul sur ce sujet sans consulter les deux Chambres, est encore douloureuse pour de nombreux parlementaires. L'initiative peut donc également être considérée comme une revanche envers l'exécutif, d'autant plus que la motion qui vise à ouvrir une enquête de la Commission de gestion sur la rupture des négociations a également été approuvée vendredi, portée par la présidente de la Commission des Affaires étrangères Tiana Angelina Moser.
Toutefois, si la commission semble largement porter le projet, il s'agira à présent de convaincre les homologues du Conseil des États.
En parallèle, le socialiste Eric Nussbaumer s'occupe du dossier au sein de son parti: la direction du PS vient de créer un groupe de travail chargé d'élaborer une position politique européenne viable d'ici la fin de l'année. Le comité est présidé par Jon Pult, membre du Conseil national grison. Le groupe de travail compte parmi ses membres, outre Eric Nussbaumer, le dirigeant syndical vaudois Pierre-Yves Maillard et la conseillère cantonale zurichoise Jacqueline Fehr.