Signe que le gouvernement n'entend pas délaisser le terrain politique, le Premier ministre Jean Castex a été dépêché sur place pour déposer une gerbe sur la tombe de l'homme de l'appel du 18 juin 1940, alors que se déroulait dans le même temps à Paris un Conseil de défense lié à la crise sanitaire. «Tout le monde quelque part est un peu gaulliste, après il faut l'incarner dans son comportement quotidien», a déclaré le chef du gouvernement.
Ce pèlerinage du 9 novembre est un grand classique de la vie politique française. Plus encore à l'approche de la présidentielle d'avril 2022, il prend cette année des allures de bataille culturelle: les prétendants de droite et de gauche ciblent en particulier le pamphlétaire d'extrême droite Eric Zemmour, candidat potentiel. Au lendemain du premier débat télévisé pour l'investiture à droite, les cinq candidats du parti Les Républicains - Michel Barnier, Xavier Bertrand, Eric Ciotti, Philippe Juvin et Valérie Pécresse - étaient du déplacement, tout comme leur président Christian Jacob.
«Quand j'entends des personnes qui légitiment l'action (du maréchal) Pétain en disant qu'il a sauvé des juifs, ils ne peuvent pas se dire gaulliste», a souligné à son arrivée Valérie Pécresse, en visant les sulfureuses sorties médiatiques d'Eric Zemmour.
«De Gaulle c'était un national, surtout pas un nationaliste», a estimé Michel Barnier. Pour Xavier Bertrand, «la pensée gaullienne nous inspire et nous oblige», notamment en matière internationale.
A gauche, deux personnalités font cette année du général un symbole dans la lutte contre l'«appropriation» de l'histoire par Eric Zemmour. La candidate socialiste Anne Hidalgo, qui assistait déjà tous les ans à la cérémonie en tant que maire de Paris, entend «remettre l'histoire à sa place». «Je suis gaulliste du 18 juin», a-t-elle dit en louant le «courage immense», la «vision» du général qui «a pris des décisions impressionnantes» pour porter «l'honneur» de la France.
L'ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, aussi candidat, a lancé «un appel à tous ceux, des communistes aux gaullistes, qui ont en héritage la France libre et le Conseil National de la Résistance, à aller à Colombey-les-Deux-Eglises pour former un mur du silence et faire taire M. Zemmour».
Eric Zemmour s'était rendu le 18 juin dans la maison natale de Charles de Gaulle à Lille, pour y saluer en miroir de sa potentielle candidature «un écrivain», «tout sauf un politicien professionnel», désireux de «sauver» la France.
Mais le polémiste ne viendra pas à Colombey alors que des rumeurs - démenties par son entourage - ont circulé sur une possible annonce de candidature sur place. «Aujourd'hui, pensant que j'allais annoncer ma candidature, toute la classe politique se déguise en général De Gaulle, et Macron re-déclare la guerre au Covid-19. Je vous propose d'en rire: c'est ce qu'aurait fait le Général», a-t-il ironisé sur Twitter.
Sa potentielle rivale, la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen était, elle, à Bayeux (ouest) pour prononcer un discours sur les institutions, là même où le général s'est exprimé en juin 1944 après le débarquement.
«Le général de Gaulle nous transmet la force de reconstruire la France comme nous souhaiterions qu'elle soit: libre, souveraine, indépendante, puissante, (...) avec une identité évidemment préservée», a assuré Mme Le Pen après avoir déposé une gerbe devant la Croix de Lorraine, symbole de la résistance.
Le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, présent chaque année à Colombey, a de son côté raillé cette bousculade mémorielle, en observant qu'à «la veille de la présidentielle, tout le monde vient. L'année d'après, je suis tout seul».
(ATS)