Éric Zemmour secoue la France
De polémiste à président de la République française?

Bien qu'il ne soit pas officiellement candidat à la présidentielle française, Éric Zemmour est présenté comme le principal adversaire d'Emmanuel Macron. Avec ses idées d'extrême droite, sans parti ni programme, a-t-il vraiment une chance de briguer l'Élysée?
Publié: 07.11.2021 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 07.11.2021 à 19:07 heures
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Éric Zemmour joue sur la peur et met en garde contre la soi-disant chute de la France.
Photo: lundi13
Camille Kündig

«Zemmour Président! Zemmour Président!»

Entre les paniers de basket, la foule faire trembler les murs du gymnase du lycée David Douillet à Charvieu-Chavagneux. Dans la petite ville près de Lyon, les partisans d’Éric Zemmour agitent des drapeaux tricolores alors que leur idole entre en scène.

La voix du polémiste résonne dans les haut-parleurs: «La solidarité, c’est bien, mais elle doit s’adresser aux Français qui en ont le plus besoin, pas au monde entier!» Le public ovationne, leurs chaises font grincer le parquet de la salle de sport.

Parmi les favoris sans être candidat

A Charvieu-Chavagneux, devant les caméras américaines de plusieurs chaînes internationales, 2300 sympathisants attendent Eric Zemmour. Alors que la course à la présidentielle française de 2022 a commencé, l’ancien journaliste politique est devenu ces derniers mois le chouchou des partisans d’extrême droite. Les sondages récents lui donnent 17% d’intention de vote. Un score qui fait de lui le principal adversaire du président sortant, Emmanuel Macron, qui a toutes les chances de se représenter. C’est un score d’autant plus important que le polémiste n’a pas encore annoncé officiellement être candidat à la présidentielle.

Depuis des semaines, le matraquage médiatique français autour de Zemmour est incessant. Quand il n’est pas sur un plateau télé, il parcourt l’Hexagone pour promouvoir son dernier livre: «La France n’a pas dit son dernier mot». Mais ses apparitions ont tout l’air d’une tournée de campagne plutôt que de séances de dédicaces classiques dans des librairies.

Ce soir-là, à Chavagneux, son visage est partout et recouvre les murs du lycée: des t-shirts à son effigie, avec l’inscription «Z 2022» sont à vendre. Visage que l’on retrouve jusque sur la couverture de son livre: Éric Zemmour y pose le regard conquérant, les bras croisés devant un drapeau tricolore agité par le vent.

Candidature officielle à la fin du mois?

Depuis des semaines, ses partisans collectent les signatures d’élus nécessaires à valider sa potentielle candidature à l’élection présidentielle (il en faut 500, ndlr). Les ambitions du polémiste ne font pas de doute. On peut voir les événements de promotion de son livre comme un moyen de prendre la température de son électorat potentiel.

«Je pense qu’il annoncera sa candidature à la fin du mois, juste avant que Les Républicains ne se décident sur un candidat et juste après sa récente comparution devant le tribunal pour incitation à la haine raciale», spécule un journaliste français.

Rassembler par l’obscurité et la peur

Dans son livre, l’ex-journaliste d’extrême droite écrit des choses sombres: le long de 311 pages, il décrit la «chute de la République» et prédit une «guerre des civilisations» en France.

Il a habitué le public à ses prédictions catastrophe. Depuis près d’un quart de siècle, il les scande dans ses livres et dans des talk-shows de deuxième partie de soirée. En arrivant sur la chaîne française d’information en continu «CNews», Éric Zemmour avait même son émission rien qu’à lui, et à une heure de grande écoute: «Face à l’info». C’est notamment elle qui a popularisé depuis deux ans ses propos d’extrême droite.

Avant d’être interdit d’antenne à cause de sa potentielle candidature à la présidentielle, il s’en prenait librement à l’islam et aux lobbies LGBTQIA+, non sans se présenter comme le sauveur de la Grande Nation, l’ancienne France catholique. Il n’a cessé d’affirmer que la gauche, les soi-disant bien-pensants, l’Union européenne, les immigrés et les féministes sont responsables de la «crise d’identité» de la République française en minimisant au passage le régime de Vichy au moment de l’occupation nazie pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Plusieurs condamnations au compteur

Éric Zemmour, qui est issu d’une famille juive algérienne, a été condamné à plusieurs reprises pour injures raciales. Mais cela ne décourage pas ses partisans, au contraire. Quelqu’un doit sauver le pays de la «racaille», dit Salomé, du haut de ses 22 ans. «La vraie France n’existe plus. Les villes se sont transformées en ghettos, sont sales et dangereuses pour les femmes.»

Les tirades réactionnaires du polémiste ne refroidissent pas non plus ses jeunes adeptes. Dans une arrière-salle du lycée, les représentants de la «Génération Z» qui accompagnent l’homme de 63 ans dans son «Tour de France», font la fête à renfort de bière et de saucisson.

Peut-il faire mieux que Marine Le Pen?

Éric Zemmour tire probablement parti des dissensions au sein de la droite française. Le parti bourgeois des Républicains (LR) connaît un conflit interne au parti, tandis que Marine Le Pen est directement menacée par le positionnement de l’ancien journaliste. Avec sa rhétorique, Éric Zemmour pourrait presque faire passer la leader du parti d’extrême droite du Rassemblement national (RN) pour une enfant de chœur. Il marque ainsi des points auprès de la base d’électeurs du RN qui reprochent depuis quelque temps son laxisme à leur figure de proue.

L’image de Marine Le Pen est d’ailleurs encore entachée par sa piètre performance lors du débat de l’entre-deux tours où elle avait affronté Emmanuel Macron en 2017 lors des dernières élections présidentielles. Elle s’était ridiculisée aux yeux de beaucoup, qui la jugèrent inapte à gouverner et maladroite. «Elle est incompétente», résume un jeune homme de 22 ans, Charles, après la prestation d’Eric Zemmour sur scène. Comme lui, beaucoup d’anciens partisans de LR, déçus par Nicolas Sarkozy se sont ralliés du côté du polémiste.

Contrairement à Marine Le Pen, il est considéré comme un intellectuel qui aime faire des parallèles et des tirades éloquentes avec l’histoire de France, emballant habilement ses déclarations xénophobes dans des formulations élégantes qui les rendent soi-disant plus acceptables. Cela fait de lui une alternative éligible même pour la bourgeoisie conservatrice, gênée de voter pour Marine Le Pen.

Pas de parti officiel

Pour l’instant, l’ex-journaliste n’a ni parti ni programme. Ses opposants le décrivent comme un homme d’extrême droite, tandis qu’il préfère se qualifier d'«héritier de la droite gaulliste». Dans l’une de ses rares annonces officielles, il promet, s’il était amené à être président, d’interdire aux parents de baptiser leurs enfants «Mohammed» ou avec tout autre prénom qu’il estime «non français».

«Cela ne fait pas de lui un raciste, il veut juste que les étrangers se comportent comme des Français!», le défend Sarah, une supportrice de 46 ans. Éric Zemmour partage avec Donald Trump des passages incessants à la télé et une propension à provoquer des remous et des polémiques avec des affirmations absconses.

Élection en avril

Malgré le matraquage médiatique dont il est l’objet, il est peu probable que le polémiste parvienne à briguer l’Élysée. La course ne fait que commencer et l’actuel président, Emmanuel Macron, qui devrait se représenter, est clairement en tête des sondages avec environ 23% des voix.

Le fait qu’Éric Zemmour n’ait pas de parti traditionnel pour le soutenir pourrait également lui causer des difficultés dans les mois à venir. Les élections d’avril décideront s’il entrera dans l’histoire ou non. Si le polémiste devait être élu, cela pourrait marquer un tournant en Europe.

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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