«Macron, démission!» Impossible d’engager une conversation, en France, sur les élections législatives à venir, sans que la formule jaillisse. Pourquoi dissoudre l’Assemblée nationale alors que le problème est à l’Élysée? Pourquoi chercher, à nouveau, une majorité impossible alors que les Français viennent, par leur vote à 32% en faveur du Rassemblement national aux élections européennes, de sanctionner leur Chef d’État, omniprésent durant la campagne avec son cri d’alarme sur «l’Europe mortelle» et ses appels à «l’Europe puissance»?
La réponse est institutionnelle. Emmanuel Macron a été réélu, le 24 avril 2022, au suffrage universel par 58,55% des électeurs, contre 41,45% à Marine Le Pen. Son second mandat présidentiel s’achèvera en mai 2027. Sa légitimité électorale est donc intacte, et il demeure le garant de la Constitution. Ce qu’il répétera sans doute lors de sa conférence de presse prévue ce mercredi 12 juin.
Défiance croissante
Quid, en revanche, du climat politique, de la défiance croissance envers sa personne, des fractures du pays et du risque de retrouver, à l’issue du second tour des législatives le 7 juillet, une Assemblée nationale de nouveau dépourvue d’une majorité claire? Et quid de l’ombre tutélaire de Charles de Gaulle qui, lui, sut mettre son mandat présidentiel dans la balance, et en tirer les conséquences en démissionnant séance tenante à l’issue du référendum constitutionnel perdu de 1969?
Le locataire de l’Élysée est, comme ses prédécesseurs, protégé par les institutions «incassables» de la Ve République. Lesquelles lui donnent une grande marge de manœuvre dans le choix de son Premier ministre, et lui accordent le droit de dissoudre l’Assemblée comme il vient de le faire.
Mais le vrai courage politique ne serait-il pas de proposer au peuple un vrai «donnant-donnant»? A quoi bon renvoyer les électeurs aux urnes si la colère d’une grande partie de la population contre sa personne ne trouve pas un exutoire, et que tout ça se termine, en cas de victoire du Rassemblement national et de ses alliés, par une cohabitation heurtée entre le président et son futur chef du gouvernement?
Jordan Bardella, le risque européen
En demeurant à son poste en cas de nouvelle défaite électorale massive face au RN, au nom de la préservation des institutions, Emmanuel Macron ne reproduira pas ce que les Français apprécièrent plutôt (à en croire les sondages) lors des cohabitations Mitterrand-Chirac (1986-1988), Mitterrand-Balladur (1993-1995) ou Chirac-Jospin (1997-2002). Le Premier ministre qu’il devra nommer, s’il vient du Rassemblement national et se nomme Jordan Bardella, ne sera pas l’homme d’un parti de gouvernement comme les autres.
C’est avec un opposant irréductible à l’intégration européenne et avec un adversaire déclaré aux livraisons d’armes massives à l’Ukraine, que le chef de l’État devra partager le pouvoir. Plus grave pour le pays: les deux hommes se retrouveront d’emblée opposés sur le terrain économique, puisque le RN revendique, entre autres, l’abandon de la récente réforme des retraites…
Montée des colères
«Macron démission!» est un slogan qui prendra encore plus de sens, que le président le veuille ou non, si le sprint électoral dont il vient de donner le coup d’envoi s’achève par un coup de massue politique infligé à «Jupiter». La France, qui inquiète déjà ses partenaires européens par ce coup de poker politique tenté à quelques semaines des Jeux Olympiques, deviendra alors «l’homme malade de l’Europe».
Obsédé par l’attractivité, par la reprise de la production industrielle et par la réhabilitation de la valeur travail, Emmanuel Macron ferait mieux de ne pas imposer au pays cette cure d’incertitude, de tensions et de confrontations, synonymes inévitables de montée des colères et de détestation contre la République.