La rentrée politique leur appartiendra. Du 25 au 28 août à Valence (Drôme), Jean-Luc Mélenchon occupera de nouveau le devant de la scène lors de l’université d’été de son parti, «La France Insoumise». Trois semaines plus tard, du 16 au 18 septembre au Cap d'Agde (Hérault), Marine Le Pen conduira celles du Rassemblement national. Deux moments-clefs pour se faire une idée plus juste, après les élections législatives de juin 2022, sur les stratégies respectives des deux opposants en chef à Emmanuel Macron.
Le tribun et la bonne élève
Mélenchon le tribun campera-t-il sur sa ligne polémique, multipliant les attaques sur tous les fronts contre le gouvernement, y compris sur le plan international en dénonçant la prétendue surenchère américaine à Taïwan dont la France devrait, selon lui, se dissocier pour ménager la Chine? Le Pen, réincarnée en bonne élève du parlementarisme nouvelle version sous la Ve République, confirmera-t-elle sa volonté d’apparaître avant tout comme une dirigeante capable de gouverner le pays, dans l’optique évidente du scrutin présidentiel de 2027?
Macron, condamné à naviguer à vue
Si oui, les cartes politiques seront plus ou moins distribuées et le président Français maintiendra le cap emprunté par son gouvernement depuis quelques semaines: naviguer à vue entre ces deux écueils. Une communication «réaliste» pour contrer Mélenchon dans la rue, en particulier sur ses demandes sociales. Une élimination presque systématique des amendements parlementaires déposés par les 89 députés RN, pour mieux les marginaliser. Avec la droite traditionnelle et quelques poignées de députés conciliants en position d’arbitre pour faire voter in extremis les projets de lois.
Croire que l’improbable tandem des oppositions radicales Mélenchon-Le Pen peut se contenter de cette combustion lente jusqu’à la prochaine présidentielle de 2027 serait toutefois mal les connaître. Tous deux savent qu’Emmanuel Macron garde en poche l’arme de la dissolution de l’Assemblée nationale qu’il pourrait choisir d’utiliser pour retourner aux urnes.
Tous deux savent aussi que s’il choisit, comme il l’a évoqué dans son entretien télévisé du 14 juillet, l’option du référendum pour proposer aux Français quelques réformes phares énoncées par exemple par son futur «Conseil national de la Refondation», qui sera installé à la mi-septembre, leur pari de la démolition risque de s’avérer perdant. Le leader de la France Insoumise, comme la patronne du Rassemblement national, ont l’un et l’autre besoin de tumulte et d’instabilité. Ils doivent pousser à la faute le chef de l’Etat et Elisabeth Borne, sa très austère première ministre. Leur meilleure arme politique est la bombe à fragmentation qui maintiendra la partie du pays qui vote pour eux dans la colère, l’insatisfaction et l’envie de tout «foutre en l’air».
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Le piège de 2023
Pas besoin d’aller plus loin pour dessiner le piège de l’année à venir, durant laquelle l’avenir du quinquennat sera planté. Soit Emmanuel Macron, convaincu de sa capacité à rallier des majorités parlementaires ad hoc et confiant dans l’existence d’une majorité d’électeurs raisonnables, décide d’aller de l’avant sur des sujets comme la réforme des retraites ou celle de l’assurance chômage. Ce qui conduira alors Mélenchon-Le Pen à tout faire pour le bloquer et jouer l’implosion du système. Soit le président éviter les sujets qui fâchent. Ce qui contraindra ses deux principaux opposants à trouver de nouvelles polémiques pour exister, en espérant renverser la table électorale lors des européennes de mai-juin 2024, prochain scrutin d’envergure.
Avis de tempête politique
Dans les deux cas, le résultat est identique: une France politique pacifiée ne fait ni l’affaire de Mélenchon, ni celle de Le Pen, pourtant désireuse de se normaliser et de faire «profil bas». Les deux doivent continuer de bousculer le système. L’avis de tempête politique sur la France est donc loin, très loin d’être levé.