La France n’a pas d’autre choix que de serrer les dents. À coup sûr, le meurtre d’un touriste allemand, poignardé à mort à l’ombre de la Tour Eiffel par un jeune «fiché S» pour sa radicalisation islamiste va relancer la polémique sur la gestion de ce type de suspect.
L’homme, de plus, était récidiviste. Il avait, en 2016, tenté de fomenter un attentat dans le quartier des affaires de la Défense. Le boulevard est ouvert pour une nouvelle surenchère de promesses sécuritaires, y compris sur le maintien en détention, ou l’éloignement forcé, de ce type de suspect, surtout à l’approche d’un événement aussi visible que les Jeux Olympiques d’été 2024 à Paris.
La vérité est pourtant que seule la résilience de la population française pourra répondre à ce type de menaces. Le pays, il faut le souligner, a déjà plusieurs fois démontré sa force collective. Après le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, des centaines de milliers de Français ont défilé pour dire ensemble non à la terreur. Après les attentats du 13 novembre 2015, les communautés ont fait bloc. Idem, après l’horreur du 14 juillet 2016 à Nice, et bis repetita après les meurtres d’enseignants Samuel Paty (en octobre 2020) et Dominique Bernard (en octobre 2023).
Faut-il s’en réjouir? La réponse est oui. Car rien ne serait pire que d’ajouter au terrorisme les règlements de compte individuels ou communautaires, à l’heure où la guerre entre le Hamas et Israël enflamme les esprits et remplit notre quotidien, depuis l’assaut terroriste du 7 octobre, d’images horribles de civils et d’enfants massacrés.
Douze mille fichés S
Les fichés S (pour sûreté de l’État) sont un calvaire avec lequel la France doit vivre. Douze mille d’entre eux, environ, figurent dans cet annuaire sinistre de la radicalisation. Tous ne se ressemblent pas. Environ 2 500 sont aujourd’hui détenus. Un millier sont suivis de très près par les forces de police. Mais comment s’assurer que parmi tous les autres, si nombreux, des idées criminelles ne prendront pas racine?
Le fait que l’auteur présumé de l’attentat du pont Bir Hakeim ce samedi a été interpellé est d’une grande importance. Le meurtrier de Dominique Bernard, à Arras, l’a aussi été, même s’il demeure pour l’heure muré dans le silence dans sa cellule. C’est à partir de ces itinéraires que les failles du dispositif pourront être mieux ciblées et que les moyens adéquats pour empêcher des récidives pourront être mis en place.
Plus que jamais, dans le cas de l’islamisme radical, le rôle de la communauté musulmane de France, forte de près de six millions d'individus, sera déterminant. Il faut que dans les mosquées, et sur internet, une forme de surveillance volontaire se mette en place pour suppléer la police et l’assister lorsque des radicaux violents émergent. À l’inverse, les forces de l’ordre doivent tout faire pour empêcher que les groupes identitaires violents passent à l’acte, comme on l’a vue après le bal tragique de Crépol (Drome).
Vigilance maximale
La France doit se mettre, à six mois des Jeux Olympiques de Paris, en mode Vigilance Maximale. Et cela ne produira ses fruits que si tous les Français, sans distinction de religion, participent à cette mobilisation. Avec un but unique: ne pas céder à la peur, ne pas perdre de vue le droit, et consolider malgré tout l’essentiel: le vivre-ensemble.