Mohammed Bin Salman a désormais une date en lettres dorées sur le calendrier de son avenir politique, et sur celui de son royaume. En octroyant mardi 28 novembre à Riyad, capitale de l’Arabie saoudite, l’exposition universelle 2030, le Bureau international des expositions a donné le feu vert aux plus folles ambitions de ce prince héritier de 38 ans.
Rien que le thème de cette expo donne le ton. «L’ère du changement: Ensemble pour un avenir clairvoyant»: tout, dans ces mots, a de quoi satisfaire l’appétit de puissance de ce trentenaire résolu à imposer sa marque dans le monde arabe. Et même au-delà.
Les concurrents de Riyad avaient pourtant de beaux atouts à faire valoir. Le port de Busan, en Corée du Sud, est l’un des centres de gravité commerciaux de ce poumon économique mondial qu’est l’Asie orientale. Rome l’éternelle, capitale de l’Italie et symbole lumineux de l’Europe, pouvait espérer forger un trait d’union exceptionnel entre l’histoire et la modernité.
D'autres commentaires de Richard Werly
Pourquoi Riyad?
Pourquoi Riyad alors? Pourquoi choisir la capitale d’un pays où l’obscurantisme islamique règne encore en maître, malgré les promesses affichées de réformes?
La réponse est simple et tient dans le décompte des votes. 29 pour la Corée du Sud. 17 pour l’Italie. 119 voix pour l’Arabie saoudite dont on connaît la puissance financière et la domination pétrolière sans partage sur un monde encore dominé par les hydrocarbures. Le grand basculement du monde vers de nouvelles puissances émergentes, dans ce monde musulman accusé par beaucoup d’Occidentaux de vouloir un «choc des civilisations», ne pouvait guère être plus éloquent.
Après Osaka en 2025
Cette exposition universelle, qui suivra celle d’Osaka au Japon, en 2025, ne sera officiellement qu’une vitrine urbaine, technologique, architecturale, culturelle et économique. Mais les sept années qui nous séparent de son inauguration démontreront à n’en pas douter ce que l’on voit venir depuis que Mohammed Bin Salman a pris le pouvoir en 2015 à l’ombre de son père, le roi Salman, âgé de 79 ans.
Impossible en effet pour ce dernier, qui se dit prêt à organiser la coupe du monde de football 2034 et accueillera les Jeux asiatiques d’hiver en 2029 dans sa cité futuriste de Neom, de ne pas transformer ce rendez-vous en démonstration de puissance. Puissance sur la société saoudienne, qu’il veut moderniser sans la démocratiser, encadrée par l’Islam. Puissance sur ses voisins du Moyen-Orient, dont il entend devenir l’un des dirigeants incontournables, et le porte-parole au sein des BRICS, cette coalition des grands pays du sud qui, à partir du 1er janvier 2024, réunira aussi l’Iran et l’Égypte.
Impitoyable avec ses opposants
Ceux qui parient, depuis son ascension, sur ce prince aussi résolu qu’impitoyable dans l’élimination physique de ses opposants, seront satisfaits de ce choix. Ceux qui redoutent, dans un monde arabe en forme de volcan, les dérapages d’une puissance dopée par les pétrodollars et toujours sanctuaire de l'islam le plus radical, y trouveront de nouvelles raisons de s’inquiéter.
Dans les deux cas, le verdict venu de Paris, où siège le Bureau international des Expositions, ne pouvait pas être plus clair: à quelques jours de la prochaine COP 28 sur le climat aux Émirats arabes unis, et alors que le pétrole irrigue toujours l’économie de la planète, la dynastie saoudienne est un partenaire que les Occidentaux n’ont pas d’autre choix que d’accommoder. Parfois pour leur bonheur sonnant et trébuchant. Mais aussi à leurs risques et périls.