Aujourd’hui, chaque propriétaire d’un bien immobilier doit se poser la question des rénovations énergétiques qu’il ou elle doit consentir ces prochaines années.
L’enjeu est de taille. Si vous vendez votre maison, elle sera mieux valorisée si elle est efficiente. Dans le cas contraire, elle subira la fameuse «décote du polluant», en raison de sa consommation élevée d’énergie. Depuis 2023, Genève calcule un IDC (ou indice de dépense de chaleur) pour chaque bâtiment chauffé. Les propriétaires qui ont un IDC trop élevé doivent changer ou remplacer leurs installations, par exemple en renforçant une isolation ou en changeant une chaudière. Ce type de travaux affecte clairement la valeur de la maison en cas de vente. Un acheteur évaluera l’IDC de votre maison ou la présence de polluants dans la construction.
Dans le canton de Vaud, il est obligatoire au moment de la vente d’un bien d’établir un CECB (Certificat Energétique Cantonal des Bâtiments) afin que l’acquéreur s’assure que votre maison n’est pas énergivore.
«Un bâtiment qui consomme beaucoup se vend moins bien, souligne Thang Nguyen, cofondateur du groupe immobilier Swissroc. Nombre de fonds d’investissement possèdent des bâtiments qui sont des passoires énergétiques; ils cherchent à s’en débarrasser pour améliorer le rendement de leur portefeuille.
L’isolation thermique et l’étanchéité des fenêtres économisent 60% des coûts de chauffage. Il ne sert à rien d’installer une pompe à chaleur si le bâtiment n’est pas bien isolé.»
Améliorer la performance énergétique, c’est aujourd’hui l’un des premiers critères du «smart building», à en croire Synthezia Smart Building, société de services dans le domaine de la construction efficiente basée à Meyrin (GE), qui préconise de se concentrer sur des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, ainsi que sur l'éclairage, pour améliorer sa performance énergétique.
Passer au peigne fin l’ensemble des sources de consommation devient d’autant plus important que le prix de l’énergie a fortement augmenté. On paie autour de 70 francs d’électricité par mois pour un 4 pièces en Suisse romande, soit le double d’il y a 30 ans. Pourtant, les ampoules LED n’existaient pas à l’époque et les cuisinières consommaient davantage que les plaques à induction monophasées. En d’autres termes, on consomme moins en 2023, mais c’est deux fois plus cher: le prix du kilowattheure en Suisse est passé de 12-15 centimes en 1980 à 34 centimes aujourd’hui.
Afin d’inciter les propriétaires aux travaux de rénovation énergétique, des subventions et des déductions fiscales sont proposées par la Confédération et les cantons. Tout ce qui n’est pas subventionné peut être déduit fiscalement, notamment l’isolation du bâtiment, le changement des fenêtres, l’installation de panneaux solaires ou la mise en place d’une pompe à chaleur. Depuis 2020, les coûts peuvent être déduits sur trois périodes fiscales. Mais tout bien calculé, cela en vaut-il la peine? Les experts pointent de multiples pièges à connaître avant de se lancer.
Gare aux coûts prohibitifs
Tout d’abord, malgré les subventions, le coût d’une mise à niveau énergétique reste important et n’est pas à la portée de tous les portemonnaies, estime Philippe Paley, directeur de l’agence immobilière Gérard Paley & Fils: «Isoler la toiture, les murs, remplacer les fenêtres, changer le chauffage, installer des panneaux solaires, ce sont des centaines de milliers de francs», souligne-t-il.
Si des fonds d’investissement propriétaires peuvent se permettre de tels coûts, de nombreux particuliers ne le peuvent pas. Par exemple, «sur un coût de 27'000 francs pour installer des panneaux solaires, vous recevrez 6000 francs d’aide», ce qui laisse 21'000 francs à débourser. Pour le promoteur genevois, l’idéal serait d’adopter une politique d’aides ciblées, notamment pour les propriétaires retraités qui n’auraient pas la possibilité d’emprunter de l’argent à la banque pour financer des installations coûteuses.
En attendant, de nombreuses maisons ne sont pas aux normes, et les doubles vitrages – pourtant obligatoires – font encore défaut pour 30% à 40% du parc immobilier à Genève, estime Rudy Longchamp, gestionnaire d’immobilier technique durable chez Beezsolutions. En l’absence de rénovation, un immeuble à forte consommation aura des charges plus élevées et utilisera davantage d’électricité pour s’éclairer: pour un loyer de 2000 francs, 500 francs de charges par mois – soit le quart du loyer – peuvent facilement être facturés.
À faible qualité, maintenance élevée
«Le rôle de la maintenance dans la réduction de la consommation de chauffage, ventilation, sanitaires et électricité est souvent sous-estimé», selon Rudy Longchamp. L’importance de la maintenance est étroitement liée à la baisse de la qualité dans la construction, note le professionnel du bâtiment. «Un chef de projet travaillant 60h par semaine reçoit autour de 6000 francs; les salaires ont baissé dans la construction et avec eux, les compétences».
Si la qualité de construction a baissé, cela signifie plus de risques de détérioration des installations. «Pour faire de la durabilité, il faut faire de l’entretien. Auparavant, on construisait pour 50 ans minimum. Les fenêtres en bois dur, comme du chêne, duraient bien plus longtemps que celles d’aujourd’hui, qui sont souvent en aluminium ou PVC». Au bout de 2 ans, explique-t-il, le matériau a bougé, et il y a des entrées d’air.
De même, une fissure dans une isolation sur un crépi, sur une façade, peut vite représenter une entrée et sortie d’air conséquente. Si à la base le bâtiment était Minergie A, il vieillit assez vite: «Quand le bien est neuf, le label est Minergie A, mais après 2 ans, il a de fortes chances de devenir un B, sauf qu’il n’y a pas d’analyse de suivi; on a donc un bâtiment qui ne mérite plus son A. Et quand le coût de la consommation d’énergie augmente, cela se répercute sur les locataires.»
Durabilité rime avec entretien
Au niveau de l’entretien, les panneaux solaires peuvent s’user plus rapidement en raison des écarts de température observés. Il faut aussi intégrer leur valeur dans l’assurance bâtiment. «Ce sont des structures en aluminium avec un panneau en verre. Infiltrations, cassures et dégâts dans l’électronique du système peuvent survenir», souligne Rudy Longchamp.
De même pour la géothermie: la valeur de la chaudière doit être ajoutée à l’assurance, et des maintenances sont à prévoir. Le remplacement d’une pompe à chaleur vieille de 15 ans peut coûter 30'000 francs. Une telle machine est conçue pour durer 20 à 25 ans, à condition d’effectuer les travaux de maintenance. Autant de coûts potentiels qu’il faut intégrer dans le calcul de l’investissement. «Si l’on veut faire de la durabilité, on doit faire de la domotique, conclut Rudy Longchamp. On planifie les interventions de maintenance, les modernisations et réparations pour les chaudières, panneaux solaires, vitrages et stores électriques, grâce à la gestion technique. On recense les technologies à suivre, et on identifie sur quels plans on peut apporter des économies d’énergie.
Cela peut nécessiter de moderniser telle partie, de restaurer telle autre s’il y a des infiltrations d’eau, bref, il faut entretenir l’investissement pour garantir la valeur de l’immobilier.» Beezsolutions installe des capteurs à cette fin, qui suivent l’humidité, la température et la consommation d’eau et d’énergie: «S’il y a 60% de taux d’humidité par exemple, on agit.»
Au final, ajoute le gestionnaire d’immobilier technique, «la multiplication des systèmes techniques que les maîtres d’œuvres ne maîtrisent pas n’apportera pas de solution». En effet, il faut aujourd’hui des techniciens hautement qualifiés pour pouvoir démonter un système aussi complexe que celui d’une pompe à chaleur géothermique, par exemple. À cet égard, citons le cas éloquent d’une famille vivant sans chauffage, évoqué dans le 20minutes.ch du 14 décembre. Motif: l’entreprise qui a installé la pompe à chaleur ne sait pas comment la réparer