Visite mystérieuse à l'ambassade
Mais qu'est-ce qu'a bien pu trafiquer Ueli Maurer chez les Chinois?

L'ancien conseiller fédéral Ueli Maurer a rencontré l'ambassadeur de Chine à Berne à la mi-avril. Cette rencontre a été rendue publique ce mardi, le jour même où le Conseil national a voté pour améliorer les relations avec Taïwan, ce qui provoque la colère de Pékin.
Publié: 04.05.2023 à 12:01 heures
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Dernière mise à jour: 04.05.2023 à 12:24 heures
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L'ambassade de Chine a publié une photo montrant l'ancien conseiller fédéral Ueli Maurer avec l'ambassadeur Wang Shihting.
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Pascal Tischhauser, Sophie Reinhardt et Tobias Bruggmann

Nous ne l'apprenons que maintenant, mais Ueli Maurer était en visite chez l'ambassadeur de Chine à Berne le 12 avril. Selon un communiqué publié sur le site de l'ambassade publié en allemand le 2 mai, soit deux semaines et demie après les faits, l'ancien conseiller fédéral UDC s'est entretenu avec l'ambassadeur Wang Shihting «sur le partenariat stratégique innovant» et «la coopération économique, financière et industrielle» entre la Suisse et la Chine.

Le communiqué est accompagné d'une photo montrant Ueli Maurer et Wang Shihting, avec les drapeaux des deux pays derrière eux. Tout semble très officiel. Dans le communiqué de presse, le Suisse est même désigné comme «conseiller fédéral». Si l'on en croit la présentation de l'ambassade, l'UDC, qui ne fait plus partie du gouvernement national depuis fin 2022, a parlé d'une coopération avec l'Empire du Milieu. Il s'est déclaré prêt à «continuer à contribuer à l'approfondissement des relations amicales».

Le Conseil fédéral surpris

Fait explosif: la rencontre a eu lieu à l'insu et sans l'accord de l'ensemble du Conseil fédéral en place. «La rencontre mentionnée n'était pas à l'ordre du jour du Conseil fédéral et ne résultait pas d'un mandat du Conseil fédéral», précise le porte-parole André Simonazzi. La division compétente du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) n'a pas non plus été informée de cette rencontre, fait-elle savoir.

Selon l'«aide-mémoire», c'est-à-dire le code de conduite des conseillers fédéraux, les membres du gouvernement ayant quitté ce dernier doivent «faire preuve de la diligence requise dans le choix des mandats et des fonctions». Ils doivent renoncer à toute activité pouvant donner lieu à un conflit d'intérêts. Le secret de fonction continue également de s'appliquer.

Il n'est pas possible de déterminer si l'ancien magistrat a respecté cette règle ou non. Il n'a pas réagi à une demande de commentaire formulée par Blick.

«Cela ne va pas du tout»

Au Parlement, la course en solo non autorisée d'Ueli Maurer suscite de vives critiques. «Cela ne va pas du tout et doit être traité», déclare le politicien des affaires étrangères Fabian Molina (PS). C'est lui qui est à l'origine de la motion demandant un rapprochement avec Taïwan. Celle-ci a été approuvée mardi par le Conseil national.

La Chine est désormais en colère contre le Conseil national. Le fait que ce dernier ait décidé de renforcer les relations avec Taiwan est perçu par le pays comme une «ingérence grossière dans les affaires intérieures». Et c'est justement ce mardi soir que l'ambassade publie sur son propre site Internet le communiqué de presse sur la visite d'Ueli Maurer en avril.

«Köppel à Moscou, Maurer chez les Chinois»

Fabian Molina n'est toutefois pas surpris. «Roger Köppel se rend à Moscou et Ueli Maurer est suspendu aux lèvres des Chinois», dit-il seulement à propos du fait que d'importants représentants de l'UDC cherchent à se rapprocher de régimes autocratiques.

Le chef du groupe parlementaire du Centre, Philipp Matthias Bregy, secoue lui aussi la tête. «C'est insensible», dit-il. Pour un conseiller fédéral, la règle est «servir et disparaître» – servir et se retenir. Ueli Maurer ne respecte manifestement pas cette règle. Une explication possible est que celui-ci a visité l'ambassade en tant que membre de la commission d'éthique du Comité international olympique (CIO). «Mais dans ce cas, il ne devrait pas parler de sujets économiques et financiers», explique Philipp Matthias Bregy. Et dans ce cas, aucun drapeau suisse n'aurait non plus pu être accroché derrière Ueli Maurer.

Seul Franz Grüter, membre du même parti que Maurer, prend sa défense: «Il est important d'entretenir des contacts avec tous les États.» Le président de la Commission de politique extérieure a lui-même souvent été en Chine pour des raisons professionnelles: «De cette époque, je sais à quel point les contacts personnels sont importants pour les Chinois.» Pour le conseiller national UDC, il est clair que «rien ne s'oppose à ce qu'Ueli Maurer continue à entretenir ces contacts. Mais il saura qu'il ne peut plus parler au nom de la Suisse. La Chine le sait aussi.»

Ueli Maurer, ami de la Chine

Ce n'est pas la première fois que l'ancien conseiller fédéral se fait remarquer par sa proximité avec la Chine. Durant son année présidentielle, en 2019, il s'était rendu en visite d'État dans ce pays. Il avait alors offert une paire de skis au président, Xi Jinping, et signé une déclaration d'intention dans le cadre de la «nouvelle route de la soie». Avec cette dernière, la Chine veut investir des milliards dans des routes, des voies ferrées, des ports et d'autres projets d'infrastructure.

Et voilà que la rencontre avec l'ambassadeur chinois a lieu. Il pourrait s'agir d'une visite purement amicale. Ou la Chine utilise-t-elle l'ancien conseiller fédéral à ses propres fins? Ueli Maurer devra s'expliquer.

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